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Dominique de Villepin: "Au coeur de mon engagement, il y a la patrie, il y a la nation"

Avant-dernière partie de l’interview donnée par Dominique de Villepin à Frédéric Taddei pour le numéro de janvier du magazine GQ.

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Frédéric Taddéi pour GQ: N’y a-t-il pas chez vous quelque chose de d’Artagnan ? Je me souviens de ce livre de Denis Tillinac, Le Retour de d’Artagnan, où il disait que ce héros était typiquement celui de la droite. « Servir », le roi, la reine, la France, ou le Président, c’est une idée de droite, non ? On s’oublie dans le service. Alors qu’à gauche, la « cause » est plus important que le « service ».

Dominique de Villepin: Oui, c’est le coeur de l’idée chevaleresque. Je ne sépare pas la cause et le service. Au coeur de cet engagement, il y a la patrie, il y a la nation. S’il faut mourir pour quelque chose, je suis là !

J’ai l’impression que pour faire une carrière politique, il faut refuser de s’amuser. Et ce, dès l’ENA.

Je me suis amusé à l’ENA !

Vous sortiez tous les soirs ?

Non, pas du tout, mais je courais deux heures et demie tous les jours.

Ce n’est pas s’amuser ça !

Pour moi, oui ! J’ai couru, je me suis fait des amis extraordinaires, j’ai été au théâtre, au cinéma, j’ai beaucoup voyagé ? Je suis passé par cette école, mais je ne m’y suis jamais installé. L’ENA a une dimension club et je déteste les clubs. Je détestais l’idée que de passer par là vous rendait plus intelligent que les autres. Je prétendais à l’époque qu’on pouvait faire entrer un âne à l’ENA, tellement c’était artificiel comme intelligence. Je crois au mérite. Je n’aime pas la reconnaissance. Je n’ai pas de Légion d’honneur, et ça me va très bien.

Dans votre famille, il y a pourtant un record de Légions d’honneur !

Les médailles, je les collectionne en « collectionneur », mais je n’ai jamais porté une décoration. Je n’aime pas ça.

Est-ce que vous montez à cheval ?

Non.

J’ai l’impression que le jogging, c’est la cavalerie du XXIème siècle.

Pour moi, oui.

Il n’y a pas de clairon, à la place on écoute de la variété dans son iPod.

Moi je n’écoute pas de musique. Je parle, je cours avec des amis.

Vous parlez en courant ?

Oui.

Très mauvais pour le souffle !

Au contraire. On n’est jamais aussi intelligent que quand on court.

Parce qu’on est très concentré ?

Non, c’est parce que le cerveau est oxygéné, et surtout, le plus grand bonheur de la vie, on n’est jamais aussi libre qu’en courant. Moi il me faut de l’espace. C’est mon éducation de jeune Français du dehors, roulant sur les routes d’Amérique latine. C’est ce qui m’a toujours manqué en France. Labourages et pâturages, c’est sympathique, mais le cloisonnement, les prés, les haies, c’est aussi dans la tête.

Quand vous aviez 14 ans à Caracas, c’est là que vous avez commencé à faire du jogging, en écoutant les discours de Fidel Castro ?

Exactement. C’était le début des petits transistors. J’aimais courir longtemps, en écoutant les radios des Caraïbes de l’époque. Cela tombait bien : les retransmissions des discours de Castro duraient cinq ou six heures ! Au-delà de Castro, j’étais fasciné par tous les hommes qui ont forgé le continent sud-américain. Je suis à la fois d’Afrique du Nord et en même temps d’Amérique latine par mon enfance et mon identité. J’avais une petite amie colombienne qui me disait (il parle en espagnol, ndlr) : « Ce qui me sidère chez toi, c’est ta malice indigène ». Je suis vraiment, culturellement métissé. Quand je lis Garcia Marquez, je suis chez moi ! La violence de la vie primitive, c’est mon univers ! C’est pour cela que quand on me parle de la violence de la vie politique française, ça me fait sourire… A la sortie de l’école, nous avions des batailles rangées, comme il en existe heureusement peu ici, à coups de chaînes, la tête contre les portes des bagnoles, en sang !

Castro, vous y avez cru à l’époque ?

J’ai surtout connu le Cuba de Batista. J’ai connu cette Amérique latine marquée au fer rouge par la société de consommation. J’ai vécu à l’heure de Pepsi Cola, d’Esso. J’ai vécu l’impérialisme américain.

Que reste-t-il du conquérant dans l’homo politicus d’aujourd’hui ?

Rien. Ou pas grand-chose ? L’homo politicus est devenu joueur, calculateur et surtout réaliste. Et le réalisme c’est l’ennemi de la politique. La seule chose qui m’a toujours intéresseé, c’est l’imagination. Le coeur de ma relation avec Chirac, c’est cela. Ma vie, c’est : vous êtes ficelé de la tête aux pieds, vous ne pouvez plus bouger un orteil, comment faites-vous pour vous libérer ?

C’est Houdini votre idéal !

Ma formation, mon école, c’est la survie, c’est le principe de la Légion : il y a des marécages et des alligators, comment vous faites ? Ma mère s’occupait beaucoup des gens en difficulté. Je l’accompagnais souvent, donc j’ai vu des anciens du bagne de Cayenne, et notamment Papillon. L’esprit de survie, refaire sa vie après la captivité… Le Venezuela de la fin des années 50 et du début des années 60, c’était les cows-boys, les Indiens, la vie sauvage.

Puisqu’on parle de conquêtes, on vous attribue une phrase célèbre : « La France est comme une femme, elle a envie qu’on la prenne », vous l’avez prononcée ?

Non, cette phrase est de Mitterrand. Tout est parti de Franz-Olivier Giesbert. Giesbert et moi étions très proches. On a écrit des scénarios de cinéma ensemble, il venait dîner avec son cahier à spirales, et un jour, il me raconte cette histoire de Mitterrand lui confiant : « Balladur ne sera jamais élu président de la République parce que dans le fond, la France, si on ne lui fait pas l’amour tous les matins, on ne peut pas la diriger ». Il m’a attribué et réécrit cette phrase en : « La France, on la prend par le bassin ! »

Ce n’était pas très sexy cette phrase. Il aurait fallu dire « par les hanches »

Oui, d’autant que je suis fan d’Adamo et un tout petit peu poète quand même. Ceci dit, j’adhère à la formule de Mitterrand : il faut aimer la France, qu’elle le sente, qu’elle le voie.

Source: Source: Interview de Dominique de Villepin par Frédéric Taddéi (GQ du mois de janvier 2012)

5 Commentaires

  1. Miss Nicopéia

    « Il faut aimer la France, qu’elle le sente, qu’elle le voit » dixit Mitterrand.
    « ….et si vous aimez la France, méditez sur la douceur de l’étreinte qui vous attend…. » dixit ma pomme!

  2. georges

    DDV : une grande personnalité hors norme, une âme de franc-tireur, un discours qui prend aux tripes…. bref, aux antipodes du bataillon des petits arrivistes de tous poils….

  3. charles

    Mitterrand s’est aimé lui-même beaucoup et bien de trop, « sa » France un peu moins.
    On juge « l’arbre aux fruits » qu’il donne à son Pays.
    Les « fruits » de CDG furent si beaux.
    Depuis.. la France tombe.. ça a commencé ici :
    http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/6/68/Dette_publique_France_1978-2010.png

    La France tombe.
    Les français tombent.

  4. Alain

    Domiique de Villepin aime la France mais pas assez les français.

  5. Miss Nicopéia

    @ Alain,
    vous croyez?
    Je crois que Villepin n’est pas complaisant, plutôt.

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