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Dominique de Villepin: "La France est nécessaire au monde"

Dernière partie de l’interview donnée par Dominique de Villepin à Frédéric Taddei pour le numéro de janvier du magazine GQ.

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Frédéric Taddéi pour GQ: Le fameux discours que vous avez prononcé au Conseil de Sécurité de l’ONU le 14 février 2003 sur l’Irak, était-ce pour la gloire ou vous espériez vraiment pouvoir changer les choses ?

Dominique de Villepin: Ce jour-là, j’ai dans mon champ de vision Colin Powell, pâle comme un linge. Je sais qu’il ne croit déjà plus à cette guerre mais qu’il n’y peut rien. L’Irak va être attaqué. Ce discours est notre dernière chance pour couper la route de la légitimité internationale à l’administration Bush, ou tenter de la raisonner.

C’est votre plus grand souvenir d’homme politique ?

Non. Mais j’ai prononcé ce discours avec le sentiment que c’était la France qui parlait à travers moi. Un sentiment physique. J’étais très inquiet, nerveux. Il y avait un nombre délirant de journalistes et photographes, et tout à coup, comme toujours dans les grands moments, le silence se fait. Le président du Conseil de sécurité prend la parole. J’ai senti tout à coup une espèce de paix en moi, un de ces moments rares où tout à coup vous êtes en accord avec vous-même. Vous êtes vous-même jusqu’à la racine de vos cheveux , jusqu’au bout de vos ongles. Vous êtes l’enfant qui à 6 ou 7 ans a découvert Oradour-sur-Glane, et aimé les Etats-Unis. J’étais en cohérence parfaite avec l’amour que j’ai de la France.

Comment trouvez-vous votre personnage dans La Conquête, le films de Xavier Durringer ?

Je n’aime pas l’idée du mimétisme et je crois que le personnage est odieux. Je n’ai pas vu le film, seulement la bande-annonce. Ce n’est pas moi « de l’intérieur ». Au-delà de la ressemblance physique, il n’y a pas de tension dans le personnage.

Et vos échanges avec Sarkozy, ils sont authentiques ?

Ce qu’il est censé me dire à moi est faux. Jamais Nicolas Sarkozy ne m’a mal parlé, jamais ! Nicolas Sarkozy devant moi a toujours nié une quelconque rancune dans l’affaire Clearstream, jamais il ne m’aurait parlé comme ça.

Un livre vous a appelé L’homme qui s’aimait trop. Etes-vous d’accord avec la définition ?

A la vérité, je ne me suis jamais aimé. Mais pour des raisons très précises. Je n’ai pas eu de reflet. J’ai grandi à côté d’un frère qui était le centre de la famille. Il était très brillant jusqu’à 7 ans, puis il est tombé malade, épileptique. Je me souviendrai toujours des cinq cents gamins qui rigolaient de mon frère par terre dans la cour de récréation. Ce tragique-là m’a conduit à éprouver une grande solitude et, en même temps, à assumer mon rôle, ma fonction de frère. A la maison, je suis celui qui fait la médiation entre mon frère et mes parents, je n’existe pas, je n’ai pas d’image. Je suis celui qui fait rire quand tout est crispé. C’est sûrement ce qui fait que j’ai dans les veines le goût de la diplomatie, trouver l’idée, l’issue quand tout le monde est à bout. Je n’ai donc pas eu l’occasion de « m’aimer trop ». Je ferais plutôt partie de ceux qui n’ont pas leur nom dans le film.

Aujourd’hui vous êtes avocat, vous êtes libre, vous avez un très bel hôtel particulier, un cabinet d’avocats à qui on prête plusieurs millions d’euros de revenus par an, ce qui vous rend libre, mais qui demain pourrait vous rendre suspect . Les Français aiment de moins en moins l’argent…

Ce n’est pas nouveau.

C’est vrai, mais n’avez-vous pas la tentation de profiter d’une vie formidable ? Vous avez été Premier ministre, un destin romanesque, vous resterez dans l’histoire rien que pour le discours de l’ONU. Vous pourriez être avocat, écrivain, intellectuel, bref un statut prestigieux, et n’en n’avoir rien à foutre de rien. Au lieu de cela vous préférez « l’amour du service »…

Ce n’est pas seulement l’amour du service, c’est le sentiment d’être habité par une conviction. Je sais à quel point la France a des amis. Je sais à quel point la France est nécessaire au monde. Je n’ai jamais admis que Giscard d’Estaing parle de la France comme une « puissance moyenne », et je ne l’admettrai jamais ! Moi je sens, à travers mes enfants, un fils entre Pékin et Hong-Kong, une fille qui habite aux Etats-Unis, une deuxième fille qui part au Brésil, une femme artiste qui travaille sur des formes appartenant aux origines du monde, et moi qui suis tombé dans la mondialisation à ma naissance, que mon devoir est d’expliquer aux Français que ce monde n’est pas forcément hostile, que cette histoire ne va pas s’écrire contre eux. Je n’ai pas envie d’écrire mon histoire politique dans les prochaines années de façon politicienne. Je ne suis pas un partisan. Je ne suis pas né avec une idée arrêtée de ce que serait ma vie. Je dois la construire au plus grand risque.

N’y a-t-il pas chez vous, comme chez l’homo politicus d’aujourd’hui, un grand tabou à avouer la jouissance du pouvoir, la satisfaction personnelle narcissique à diriger ?

Certains ont rompu ce tabou. Je me souviens de Jacques Chirac, lors d’une conversation avec Alain Juppé disant : « Mon vieux, maintenant, c’est vous qui êtes Premier ministre, à vous de vous y coller, moi j’ai le temps, j’ai la sérénité, j’ai la vision. » Et je me rappelle Nicolas Sarkozy me montrant son bureau et me disant : « Vous vous rendez compte, je suis président de la République. »

Qu’en est-il réellement pour vous, de la satisfaction personnelle d’être secrétaire général de l’Elysée, d’être ministre des Affaires étrangères, ministre de l’Intérieur, Premier ministre ? Prenons des images triviales : on bande ?

Posez la question à ma femme et mes enfants et vous aurez la réponse… Je vous préviens elle sera dure.

Ils vous ont vu souffrir en réalité ? Ou eux-mêmes ont souffert ?

C’est la réponse qu’a donnée mon épouse en quittant Matignon : « Bye, bye, arrivederci, ciao, enfin on va vivre ! »

Mais eux, c’est eux. Eux, ils n’ont pas le plaisir. Vous, vous l’aviez le plaisir ?

Mais non ! L’excitation, oui, le plaisir, non. Je n’ai jamais goûté les lieux de pouvoir… Ce n’est pas ma culture. Je préfère me retrouver sur une île à la Martinique ou au fin fond de l’Afrique. Là oui, j’y trouve du plaisir. Pour moi, le plaisir, c’est avant tout le contact charnel, la poignée de mains fraternelles et les grands espaces. Or même à l’Elysée, Matignon ou place Beauvau, on n’a jamais assez d’espace ! De plus, vous êtes toujours regardé, je déteste être regardé. Si je devais refaire ma vie, l’un de mes rêves serait d’être anonyme. Quand on est anonyme, on peut se réinventer, se réécrire. Comment partager quand vous êtes un homme politique ? Au mieux votre nom sera inscrit sur le monument aux morts, cela n’a pas d’intérêt.

Il reste une seule question que je ne vous ai pas posée : serez-vous candidat à la présidence de la République ?

Vous aurez la réponse au moment où vous publierez l’article, au tournant de l’année.

Dommage, cela aurait été amusant que vous annonciez votre candidature dans GQ !

Source: Interview de Dominique de Villepin par Frédéric Taddéi (GQ du mois de janvier 2012)

6 Commentaires

  1. charles

    Dominique de Villepin : «La France est nécessaire au monde».
    La France s’est faite autour des Paroisses. Ensuite, à chaque village, une église. Fille aînée de l’Eglise et Lumières, elle l’a été. Liberté & message révolutionnaire, elle l’a été. Gaulliste, elle l’a été. Devenue presque athée, il n’est pas sûr aujourd’hui. Ruinée, elle ne le sera pas.
    Le Monde était par là, la Pensée aussi.
    Puis le Monde s’est déplacé vers l’Ouest, la Pensée aussi.
    Maintenant le Monde se déplace vers L’Est.

    La France a souvent nié le Monde. Il y a une arrogance française. Un Premier des Français insolent et imbu de sa personnne est inutile au Monde, car tous en ont. Le Monde n’observe plus de Grandeur d’ Âme. Mais les Hommes cherchent-ils toujours ?
    Ici.. il n’y a plus rien « à trouver ».
    La France. Qu’elle s’occupe d’elle-même et de toute urgence !

  2. mhn

    La France est nécessaire au monde, comme nous sommes nécessaire à notre famille, comme nous sommes nécessaire à nos amis. C’est parce que chacun est différent des autres, ayant une personnalité particulière, qu’il peut offrir quelque chose aux autres et faire passer des messages. DdV, parce qu’il a une connaissance approfondie de l’histoire de France, connait la personnalité très particulière de la France, et sait qu’elle a eu un message universel qui est toujours d’actualité. Ne pas imposer, mais dire, simplement. (Sans arrogance, ce n’est pas nécessaire.) Se faisant, elle s’occupe aussi d’elle même, Charles, car tout est toujours à refaire. (… »Refonder la France..)

  3. charles

    –> http://terminalel1.skyrock.com/2923897831-La-France-vue-par-De-Gaulle.html

    Ici, on parle de grandeur (et.. c’est juste un sujet du Bac : pour les 18 ans)
    DDV, est-ce bien cela la France ?
    Car nous, la moyenne-Belgique aujourd’hui, nous n’existons plus.
    Fillon : « je suis à la tête d’un pays en faillite ».
    - Que fait-il ?
    - Petitesse & tricot : Sarkozy encore et toujours pour 2012.

    (ce sera « voyage en Italie », le lundi suivant le dimanche du décompte des bulletins)

  4. charles

    1er Janvier 2012.
    (et encore 5 mois)
    DDV a dit : « Alors, Monsieur le Président, faites en sorte que ces voeux soient des actes, pour aujourd’hui et maintenant. Ne vous contentez pas de mots ».

    Oui « les mots ». Le pays est gouverné par des mots. Je n’ai jamais cru en Sarkozy, et presque plus personne n’y croit d’ailleurs. Ce monsieur ne fera rien pour la France, il oeuvre juste pour sa réélection.
    Il a élevé notre Endettement.. jusquà l’abîme !
    Et il regarde. Il parle.

  5. MOBAREK

    Monsieur DE VILLEPIN, j’ai confiance en vous et vous avez mon soutien total,allez jusqu’au bout de vos idées et de votre conviction.
    Du courage.

  6. charles

    « Au Monde.. » La France, oui, sans doute.. Mais FORTE.
    Car la RFA existe au Monde. Et on ne nous dit pas tout !
    Son ENDETTEMENT s’explique, il s’explique par sa Réunification !

    Nous.. C’est encore et toujours Maginot.
    ( hors la période DDV de 2005 à 2007 : 2 ans de Gestion de la France )
    Tout le reste.. Le reste, c’est un jeu de cache-cache :
    « Tu me vois moi la Dette bien cachée ?
    Hou hou hou.. je suis là.
    Je suis là.. Hou hou hou.
    Tu ne me vois pas.
    Je suis bien caché.
    Hou hou hou.. »

    ( Fred et Pierre André.. un jour.. me censureront.. mon dépit est trop lucide, trop grave parfois, trop léger souvent, trop fort, trop direct, trop trop trop.. et assez de ce « Trop-Plein » )

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