L’ancien Premier Ministre Dominique de Villepin, candidat putatif à l’élection présidentielle, fait le tour de l’actualité et de ses ambitions pour la France.
Dans un contexte marqué selon lui par une « décomposition de la vie politique », voire par un « processus hémorragique », Dominique de Villepin déclare: « aujourd’hui, nous devrions avoir un Président qui redevienne le président de tous les Français. Et non pas quelqu’un qui se frotte les mains et jubile au coin du feu… »
Les Inrockuptibles: Dans quel état d’esprit sortez-vous du deuxième procès Clearstream?
Dominique de Villepin: On a un rendez-vous le 14 septembre. La cour d’appel donnera alors son avis. Il n’y a pas beaucoup plus à dire.
Vous êtes serein?
Sereintissime! Il n’y a pas d’éléments nouveaux dans le dossier et j’ai dit et redit, et je pense que les débats l’ont montré une nouvelle fois, qu’il s’agissait d’une affaire industrielle et non politique. J’ai regretté qu’elle ait été politisée, en première instance, compte tenu des déclarations du Président de la République.
Tout cela ne va-t-il pas de nouveau compliquer vos relations avec Nicolas Sarkozy, dont on pensait ces derniers mois qu’elles s’étaient apaisées?
J’ai revu Nicolas Sarkozy sur des enjeux internationaux de première ampleur: la situation dans le monde arabe, en Libye, les décisions à prendre pour la diplomatie française. Je suis un serviteur de l’Etat. Sur la base de l’intérêt national, les relations seront toujours naturelles et nécessaires. Sur la base du jeu politicien, je ne serai jamais un partenaire facile. C’est mon tempérament, je ne suis pas accommodant, je ne suis pas négociable, je ne transige pas, je ne « deale » pas.
Existe-t-il des possibilités d’alliance à droite et au centre pour constituer une alternative à Nicolas Sarkozy, sur le modèle de ce que propose Jean-Louis Borloo?
En tant que gaulliste, il n’est pas question pour moi d’alliances ou de combinaisons partisanes, d’autant moins qu’il n’y a aujourd’hui que des candidats virtuels sur la scène présidentielle. Et les Français ne sont toujours pas dans le temps de l’élection. En revanche, je suis tout à fait favorable à une démarche de rassemblement sur la base des idées, des énergies, permettant de renouveler en profondeur la politique de notre pays car il s’agira bien en 2012 d’offrir une alternative aux Français.
En 2012, vous comptez être candidat?
Je suis déterminé plus que jamais à peser et à compter lors de cette échéance. Sous quelle forme, à quel moment? Nous avons le temps de le voir? Nous savons d’ores et déjà que le calendrier de l’élection présidentielle sera tardif, d’autant plus tardif que nous sommes confrontés à un climat de décomposition de la vie politique.
Décomposition?
Nous sommes même dans un processus hémorragique. Tout ce que touche la politique devient scandale. L’affaire du Mediator, le débat sur l’identité nationale, et même des choses qui peuvent paraître marginales, comme la Coupe du monde de football, avec ces quelques gaillards qui dans un bus refusent de participer aux entraînements, l’affaire DSK, l’affaire Tron, tout devient polémique. Et puis tout est fait divers, émotion.
Que pensez-vous de l’affaire Strauss-Kahn?
C’est une affaire qui constitue un véritable choc, un traumatisme pour les Français. Mais c’est aussi un révélateur. Pendant des mois et des mois, sondages à l’appui, on nous a expliqué que le meilleur candidat pour 2012, c’était Dominique Strauss-Kahn. Et en une minute et demie, au milieu de la nuit, il a disparu! Voilà les Français orphelins d’un espoir qu’ils pouvaient légitimement imaginer. Mais qui vient nous parler, qui vient nous expliquer? Personne. On n’a pas entendu Nicolas Sarkozy.
Il a dit vouloir éviter la récupération politique…
On a besoin de la parole du Président, du Premier Ministre. A eux de veiller à ce que cette parole ne soit pas récupérable. Elle doit être une parole oecuménique, acceptable par tous. Quand Mitterrand est mort, Chirac s’est posé la question de savoir ce qu’il devait dire. C’était très facile de ne rien dire ou de faire un communiqué. Il a fait un discours. Il aurait pu le faire au nom du « peuple de droite ». En disant par exemple: « François Mitterrand, que j’ai combattu, est un homme qui a porté un certain nombre d’idées mais dont la part d’obscurité continue de nous hanter. » Jacques Chirac a décidé de faire un discours de Président de la République! Aujourd’hui, nous devrions avoir un Président qui redevienne le président de tous les Français. Et non pas quelqu’un qui se frotte les mains et jubile au coin du feu…
Source: Les Inrockuptibles (propos recueillis par Hélène Fontanaud et Marion Mourgue)