Fiscalité, Revenu citoyen, Institutions: la suite des propositions énoncées par Dominique de Villepin, ce dimanche, lors de l’émission C Politique sur France 5.
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Fiscalité
« Sur la politique fiscale, le gouvernement malheureusement en 2007 est parti du mauvais pied. En matière fiscale, le point de départ, c’est la justice. La fiscalité, elle a vocation à la fois à remplir cette obligation de justice, une juste répartition des richesses dans un pays riche, et malheureusement les choses sont très inégalement réparties et deuxièmement, elle a vocation à être efficace, c’est-à-dire permettre à notre pays de fonctionner dans les meilleures conditions. De ce point de vue là, l’impératif de justice n’est pas satisfait. (…)
Je pense que les classes moyennes ont une charge encore trop lourde et trop inégale par rapport à ce que les contribuables les plus riches paient. Donc il faudra renforcer les tranches les plus élevées de l’impôt sur le revenu, notamment pour les 500.000 contribuables les plus aisés.
De la même façon pour les grandes entreprises, en ce qui concerne l’impôt sur les sociétés, ma conviction, c’est qu’à partir d’un taux affiché de 33%, la réalité pour les grandes entreprises, nous la connaissons, c’est un taux très inférieur, parfois même inférieur à 20% alors que beaucoup de PME doivent, elles, payer ce taux de 33%.
Mais pour moi, la clé, c’est la simplification allant de pair avec la justice. Et je suis pour un impôt sur le revenu couplé aux revenus du patrimoine, donc impôt sur les revenus du travail couplé aux revenus du patrimoine, qui soit un véritable impôt citoyen, donc un impôt très simple, très lisible, très progressif et moderne qui puisse permettre à chacun d’affirmer sa citoyenneté. »
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Citoyenneté
« Dans mon esprit, parce que vous le savez, la grande mesure que je propose, c’est le revenu citoyen (donc pour chaque Français qui n’a aucune ressource, une garantie de 850 euros), ce que propose, c’est que chaque Français paie l’impôt, même à titre symbolique.
Pour moi, le citoyen, c’est quelqu’un qui doit remplir plusieurs obligations: une obligation de vote (et je suis donc pour que le vote, dans notre pays, devienne obligatoire, cela fait partie de la citoyenneté), une obligation de payer l’impôt (payer l’impôt, c’est un acte citoyen) et qu’en contrepartie, parce que c’est une exigence de dignité dans un pays riche, on puisse assumer les besoins essentiels de chacun de nos compatriotes, parmi ceux qui rencontrent le plus de difficultés et c’est donc ce revenu garanti. C’est un changement total dans l’organisation de la société française. (…) »
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Equilibre institutionnel
« Nous sommes en train de préparer une échéance de 2012, partant de 40 années ou 30 années qui ont été des années difficiles et qui ont toutes été marquées par une insatisfaction des Français devant la politique. La capacité d’un homme politique de tirer les leçons de l’expérience, vous pourriez poser la même question à tous ceux qui ont été au gouvernement depuis 30 ans… C’est une évidence qui s’est imposée à moi depuis 4 ans: la politique doit changer. Et quel a été le déclic, parce que moi, je suis comme beaucoup de Français? En 2007, j’ai cru que Nicolas Sarkozy, quelles que soient mes différends avec lui, quelle que soit la différence de nos tempéraments et de nos caractères, j’ai vraiment pensé qu’avec son énergie, il changerait le choses (…) et rappelez-vous, en 2007, les Français pensaient que réforme après réforme, nous allions redessiner le paysage français, tout ceci, il faut le reconnaître, rajouté à une formidable crise économique et financière, avec les conséquences sociales que l’on connaît.
Aujourd’hui, il faut prendre acte de cette situation, repenser nos outils politiques. Parce que vous pourriez me dire, j’ai été Premier Ministre, oui, bien sûr, mais j’ai pas été le même Premier Ministre que François Fillon. J’avais d’autres pouvoirs que les pouvoirs du Premier Ministre actuel. Mais mon constat, c’est que si vous ne rénovez pas en profondeur la politique, et c’est pour cela que je pense qu’il faut aujourd’hui un gouvernement avec 10 ministres, qu’il faut aujourd’hui réduire les régions métropolitaines de 22 à 8 grandes régions.
J’ai été Premier Ministre, il y avait 22 grandes régions métropolitaines et qu’est-ce que j’ai constaté, eh bien que ces régions étaient trop petites, qu’elles ne pesaient pas en Europe, qu’elles ne pesaient pas dans le monde. J’ai constaté que le Président de la République présidait un Conseil des Ministres de façon parfaitement formelle, aujourd’hui comme hier. Je souhaite que le Président puisse aussi présider un Conseil territorial, réunir tous les 15 jours les Président de Région avec le Premier Ministre pour définir pour nos territoires une vision stratégique dans la mondialisation. (…)
Quand vous réunissez les Présidents de Région (…), ce n’est pas la centralisation, c’est donner une capacité stratégique à nos Présidents de Région, c’est aller jusqu’au bout de la décentralisation. Ce que je constate, c’est qu’aujourd’hui, quel que soit le Président de la République élu en 2012 (et c’est ce qui me fait de la peine avec le projet qui vient d’être publié du Parti Socialiste), c’est que cela ne changera rien. Vous ne pouvez pas, si vous ne changez pas les outils, si vous ne refondez pas politiquement, économiquement et socialement la France, vous ne pouvez pas être efficace, parce que vous n’avez pas les leviers. C’est aujourd’hui cela.
Alors vous dites: « j’ai changé ». Oui, j’ai année après année pris mesure de l’impuissance politique française. Alors on peut, soit faire des propositions absurdes, c’est le cas du Front National: mais après tout, est-ce qu’on peut en vouloir aux Français, alors même qu’ils voient que les gens raisonnables n’y arrivent pas, de se dire: « eh bien, essayons ceux qui proposent des idées absurdes! »
Moi je pense qu’il faut changer la donne, se doter des outils, définir des propositions audacieuses et les mettre en oeuvre: c’est la seule façon de donner à notre pays une chance dans la mondialisation. Sinon, on baisse les bras et on fait comme beaucoup d’autres pays européens, on se livre pieds et mains liés au populisme. »
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L’extrait de l’émission consacré au Revenu citoyen