Sécurité, Justice, Immigration: Invité dimanche de l’émission C Politique sur France 5, Dominique de Villepin a pu détailler un certain nombre de propositions de son projet présidentiel.
« Le point de départ pour moi, c’est la souffrance des Français, c’est la déprime dans laquelle est installé notre pays et c’est à partir de ça qu’il faut apporter des solutions, qu’il faut apporter des réponses. La réponse que je veux apporter, c’est une véritable refondation politique, économique et sociale », a déclaré le Président de République Solidaire.
« Je ne serai pas l’homme qui apportera un quelconque crédit à un projet qui ne tiendrait pas la route, qui ne serait pas susceptible de faire gagner la France en 2012″, a-t-il poursuivi.
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Sécurité
« Sur les questions de sécurité d’abord, ne pas les traiter de façon politicienne. Les questions de sécurité, ce sont des enjeux qui concernent la vie des Français, qui concernent la vie nationale et qui n’ont pas vocation à être jetées en pâture, à partir des peurs, à partir des inquiétudes des Français. Pourquoi? Parce que c’est la meilleure façon de s’assurer que les problèmes ne soient jamais traités.
On vient de réformer la procédure de la garde à vue: nouvelle loi. D’ores et déjà, il y a le sentiment chez plusieurs ministres du gouvernement que cette réforme n’est pas la bonne. On a multiplié les lois en matière de sécurité et à chaque étape, on constate que la solution n’est pas la bonne. Et à chaque fait divers, on a envie de modifier la loi et de légiférer.
Idéologiquement, je suis pour que quand il y a un problème, on essaie de le traiter, mais je ne suis pas pour qu’on surenchérisse au-delà de ce que prévoit la loi. Appliquons la loi et évitons justement d’utiliser l’émotion à d’autres fins que la stricte application de la loi. Donc je suis pour que la politique de sécurité soit menée avec pragmatisme et sans effets de manche.
Aujourd’hui, nous savons qu’il y a une série de mesures en matière de sécurité qui sont indispensables. Certaines mesures, malheureusement, sont cataloguées à droite (les mesures répressives, les mesures qui visent à enfermer, à punir) et certaines mesures sont qualifiées de gauche, et notamment les mesures de prévention, les mesures dites de tranquillité publique ou de police de proximité. Moi, je pense qu’il faut marier à la fois les solutions des uns et les solutions des autres. Une bonne politique de sécurité, c’est une politique de sécurité qui utilise l’ensemble des moyens, sans pour autant s’appuyer sur les peurs, sur les émotions, mais avec le seul souci de faire reculer l’insécurité, avec le seul souci de donner à nos forces de sécurité les moyens d’agir. (…)
La vidéo-surveillance, bien sûr ! Mais ce n’est pas la panacée. C’est un outil parmi d’autres, sans pour autant que dans toutes nos villes et partout où l’on se promène, on ait le souci de braquer des caméras sur les gens. Mettons et utilisons la vidéo-surveillance là où c’est nécessaire.
Faisons un travail de fond dans les quartiers, là où il faut investir, notamment en temps, en énergie, en connaissance des habitudes des populations de façon à éviter des techniques trop contraignantes: quand vous demandez à des jeunes de décliner leur identité 4, 5 fois par jour, vous êtes en harcèlement totalement inutile qui braque la population contre vous. Donc, ce que je pense, c’est qu’il faut savoir utiliser toute la gamme des instruments, sans en rajouter aucune, avec pragmatisme et avec le souci de faire reculer l’insécurité une nouvelle fois. »
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Justice
« Et il faut s’assurer qu’entre la politique de sécurité et la chaîne pénale, il y a une continuité et qu’on soit capable d’apporter des réponses, et notamment pour toutes les incivilités ordinaires qui malheureusement ne sont pas traitées parce que nos tribunaux n’ont pas les moyens de régler ça. Revenons à la vieille pratique et déployons la vieille pratique des juges de paix, pour être capable qu’à chaque infraction, il y ait une réponse apportée. Donc c’est à la fois traiter les questions de proximité, traiter les questions d’efficacité parce qu’il y a besoin aujourd’hui de revoir en profondeur l’organisation de la chaîne pénale.
Par exemple, je suis favorable à un Procureur de la Nation qui séparera complètement et coupera la chaîne judiciaire du politique. Je crois qu’aujourd’hui, nous sommes dans une situation où l’indépendance de la justice n’est pas assurée. Il faut couper le cordon. Donc c’est une tout autre organisation judiciaire que je conçois où nous devrons donner cette dépendance, reconnaître constitutionnellement l’indépendance du pouvoir judiciaire. (…)
(Le procureur), il sera proposé par le CSM et je pense qu’il devrait être investi par le Parlement à une majorité des trois cinquièmes. »
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Immigration
« Sur l’immigration, nous avons vu avec le printemps arabe cette question de l’immigration revenir sur le devant de la scène, avec beaucoup de peurs. Il y a à la fois l’utilisation de l’ensemble des leviers nationaux. Beaucoup a été fait. Dans le domaine de la lutte contre l’immigration irrégulière, je crois qu’il faut être d’une fermeté extrêmement claire et, vous l’avez rappelé, sous mon gouvernement, nous avons doté notre législation de nouveaux moyens pour lutter contre l’immigration illégale.
Et il y a une immigration légale qui doit être sécurisée (un certain nombre de membres du gouvernement l’ont rappelé), tout simplement parce qu’elle est indispensable à notre pays. Nous ne pouvons pas nous passer d’une immigration légale, professionnelle qui est indispensable au bon fonctionnement de notre pays. Par ailleurs, nous sommes un pays qui a vocation à accueillir (parce que c’est notre tradition historique, c’est le droit d’asile) et à permettre dans certaines conditions très précises le regroupement familial. Nous devons être fidèles à cet héritage.
Donc, lutte contre l’immigration irrégulière avec les moyens qui sont ceux de notre politique, et en ce qui concerne l’immigration légale, la sécuriser, l’organiser et de ce point de vue là, je crois que la réflexion qui doit nous permettre d’avoir une vision pluri-annuelle de cette immigration, et notamment à travers un vrai débat au Parlement, est une bonne idée. De ce point de vue là, le Parti Socialiste fait une proposition utile. (…)
Cette politique là, elle ne peut pas seulement être une politique nationale. Elle doit être une politique menée à l’échelle européenne. Bien sûr, que nous soyons capables, d’abord avec nos amis italiens, de trouver les justes réponses (c’est-à-dire de faire en sorte que l’Italie puisse assumer, puisque l’Italie est le premier pays où arrivent ces ressortissant tunisiens, que l’Italie puisse assumer cette responsabilité et assumer sa tâche dans le cadre de Schengen), c’est une nécessité et de ce point de vue là, il y a encore du flou dans la relation entre la France et l’Italie. Et que l’on définisse, et de ce point de vue là, il y a encore beaucoup à faire (même si nous avons progressé avec Frontext et un certain nombre d’autres outils depuis quelques années) beaucoup à faire à l’échelle européenne pour donner les moyen aux Etats d’où part l’immigration, eh bien, de maintenir chez eux ces populations, et beaucoup à faire pour que l’Union Européenne puisse aider les pays de destination comme l’Italie à effectivement éviter que ces ressortissants ne puissent aller dans d’autres pays.
Donc sur les conditions qui ont été posées par Claude Guéant, et notamment des conditions de moyens, des conditions de titres de séjour, naturellement, cela doit fait partie, dans l’esprit des dirigeants français, de ce que doit être Schengen, c’est-à-dire certainement pas une passoire, mais une méthode, des règles, une politique strictement appliquée par chacun des Etats, dans un esprit de responsabilité. »