Si le mouvement « République Solidaire » ne compte qu’un peu plus de 25 000 adhérents, son président-fondateur, Dominique de Villepin, pourrait espérer bien plus d’électeurs s’il était candidat à la présidentielle en 2012.
Un récent sondage le crédite en effet de 7 % d’intentions de vote mais voit en lui – et Bayrou – le diviseur de la droite capable de provoquer la chute de Nicolas Sarkozy qui serait balayé dès le premier tour par Dominique Strauss-Kahn et Marine Le Pen.
Incroyable promesse de retour de bâton politique pour celui qui voulait voir Dominique de Villepin pendu à un « croc de boucher ». L’ancien Premier ministre se définit aujourd’hui en citoyen indépendant que les ténors de l’UMP courtisent assidûment depuis qu’il leur a tourné le dos en ne renouvelant pas son adhésion au parti présidentiel. Tout est donc possible…
Nice Matin: Comment réagissez-vous aux sondages qui annonceraient l’élimination de Nicolas Sarkozy si vous-même et François Bayrou étiez candidats ?
Dominique de Villepin: Les sondages d’aujourd’hui sont le reflet d’une inquiétude, voire d’une exaspération d’un certain nombre de Français. L’erreur serait de vouloir réduire le jeu politique au simple affrontement entre le Parti socialiste et l’UMP, sous prétexte qu’il y aurait des risques d’un 21 avril à l’envers. Où est la vraie menace aujourd’hui ? Dans l’absence de propositions, de perspectives, d’alternatives à la politique qui est menée.
Politiquement, votre position risque d’être assez compliquée ?
Depuis 2007, je n’ai cessé d’alerter le gouvernement et la majorité sur les risques que comportait une politique coupée des aspirations des Français et méconnaissant leur besoin de justice sociale. Aujourd’hui, j’entends me consacrer de façon tout à fait prioritaire aux propositions qui peuvent apporter des réponses à des problèmes concrets. Le besoin d’une refondation de la politique, une refondation économique et sociale pour permettre à notre pays de retrouver toutes ses chances dans l’Europe et dans la mondialisation. J’ai une vraie inquiétude pour mon pays, et un sentiment de gâchis face à une image abîmée.
Nicolas Sarkozy pourrait-il ne pas être le candidat de la droite en 2012 ?
Je crois que rien n’est écrit. Sur un fond de désenchantement et de rejet de la classe politique, l’évolution du chômage, de l’insécurité, du pouvoir d’achat feront pencher la balance dans un sens ou dans un autre. L’essentiel c’est d’aller de l’avant et de proposer une autre voie que celle qui a été empruntée.
Qu’est-ce qui pourrait vous empêcher d’être candidat ? Le procès en appel de l’affaire Clearstream ?
Non ! J’ai toujours bien marqué à quel point les choses étaient pour moi séparées. Et la relaxe en première instance m’a blanchi de tout soupçon et a bien montré que j’étais toujours resté fidèle au service de l’Etat. Nous sommes dans des circonstances exceptionnelles où les Français ont besoin de responsables politiques mobilisés autour de l’intérêt général.
Est-il possible que vous saisissiez un jour la main tendue par Bayrou ?
Je suis pour un dialogue républicain respectueux des différences. L’essentiel, c’est la dynamique des projets, la capacité à proposer des alternatives qui soient susceptibles de répondre aux besoins. Nous ne sommes pas dans un temps où l’on peut se contenter d’ajustements ou de réformes à la marge. Nous sommes dans un temps où il faut refonder. Pour cela toutes les énergies seront nécessaires dans un esprit de large rassemblement national. Que le vaste espace politique entre le PS et l’UMP ait un rôle à y jouer me semble naturel.
Comment tout ça doit-il se traduire en terme de candidature ?
C’est une autre affaire.
Comment envisagez-vous cette refondation ?
Elle doit être institutionnelle pour mettre fin à l’impuissance des pouvoirs publics. Fidèle à l’héritage gaulliste et à mon parcours, je crois à l’autorité de l’Etat. Je propose de réduire à dix le nombre de ministères et de les stabiliser dans la durée, un changement profond dans la capacité stratégique des ministres à agir. Je propose de réduire le nombre de régions métropolitaines à huit, pour permettre à des territoires solidement ancrés de défendre leurs intérêts dans l’Europe et dans le Monde. Des présidents de région élus au suffrage universel pourraient se rassembler sous l’égide du président de la République dans un conseil territorial, permettant de traiter réellement les sujets de cohésion nationale. Ce qui me frappe, c’est que nous ne disposons toujours pas des outils pour agir efficacement face à des pays émergents, face à des nouveaux pôles de puissance qui eux s’organisent. Donnons-nous les moyens, créons ces outils.
Qu’est-ce que la révolution de la dignité dont vous avez parlé ?
Il faut redonner à chaque citoyen confiance en lui, pour lui permettre de choisir son destin. C’est pour cela que j’ai proposé un vrai choix de société : un revenu citoyen de 850 euros pour permettre à chacun d’accéder à la dignité et de trouver sa place dans la société avec une contrepartie morale qui serait de consacrer une partie de son temps à l’intérêt général. Pour que ce revenu citoyen trouve tout son sens, il faut l’adosser à un service citoyen obligatoire pour les jeunes mais ouvert à l’ensemble de nos compatriotes qui pourraient ainsi accompagner les jeunes.
Après la catastrophe nucléaire au Japon, vous pointiez du doigt les sous-traitants en France. Pourquoi ?
Parce qu’il faut des garanties pour la sécurité de nos concitoyens. Il faut faire en sorte qu’à travers les nominations de l’autorité de sûreté nucléaire, il n’y ait aucune confusion possible sur l’indépendance de ses membres. Il faut également un contrôle extrêmement strict des sous-traitants. Pour éviter le moins-disant en termes d’exigence de sécurité. Enfin, il faut une garantie du financement à hauteur de l’enjeu et pérenne de la part d’EDF pour ce qui concerne l’entretien des centrales et pour la prévention des risques sismiques. Or aujourd’hui, il y a un décalage entre les investissements et les besoins. Mais il faut se poser la question de notre politique énergétique à plus long terme, même si cela bouscule des tabous.
Face au conflit en Libye, fallait-il proposer des frappes ciblées comme l’a fait Nicolas Sarkozy et reconnaître officiellement le Conseil national de transition libyen ?
J’ai rencontré deux fois le président de la République sur l’enjeu libyen et les mouvements dans le monde arabe. Nous avons évoqué l’ensemble des options. J’ai insisté sur la nécessité d’une France en initiative et demandé au Président de marquer sa détermination mais d’essayer de privilégier les voies praticables dans la concertation. La multiplicité des initiatives a pu nuire en créant une certaine confusion et en particulier la reconnaissance précipitée du Conseil national de transition libyen. Aujourd’hui la donne est changée par la contre-offensive du colonel Kadhafi. Nous devons concentrer nos efforts sur Benghazi pour empêcher un bain de sang ; que ce soit par un brouillage immédiat des communications, une zone d’exclusion aérienne ou la définition de zones humanitaires. J’ai une conviction, nous ne pouvons laisser faire.
Source: Nice Matin (propos recueillis par André Fournon)