Suite du verbatim des interventions de Dominique de Villepin au cours de l’émission A vous de juger, ce jeudi soir sur France 2.
Interrogé sur la laïcité, le président de République Solidaire a déclaré: « La laïcité, la loi de 1905, c’est un principe d’équilibre. Ce n’est pas un principe qui doit diviser les Français, les monter les uns contre les autres. C’est un principe ouvert, tolérant et d’équilibre. (…) Je ne crois pas que ce soit au moment où on assiste à un printemps arabe, au moment où il y a les difficultés que nous connaissons en France, qu’il faille rouvrir ce débat qui divise les Français inutilement. (…)
Je crois que nous avons tous besoin d’un peu de paix pour nous consacrer à l’essentiel. Et l’essentiel aujourd’hui, ce n’est pas de donner de la poudre de perlinpinpin aux Français, c’est de leur apporter des réponses dans ce qui constitue l’urgence de leur quotidien. »
Sur la laïcité et sur le financement des lieux de culte musulmans
Je ne crois pas que le débat soit utile, ni l’un ni l’autre. Pourquoi? Nous avons la chance d’avoir des grands principes. La laïcité est un des grands principes, un des principes cardinaux de notre République, comme la liberté, comme l’égalité, comme la justice. C’est une chance pour la France. On l’a vu tout à l’heure en politique étrangère: quand la France s’éloigne de ses principes, comme les Droits de l’Homme, elle se met en danger, elle n’est plus elle-même, elle se renie. Il faut donc (et c’est là la difficulté, et c’est là la responsabilité de ceux qui nous dirigent) faire vivre ces principes.
La laïcité, la loi de 1905, c’est un principe d’équilibre. C’est pas un principe intransigeant, comme je l’ai entendu tout à l’heure. Ce n’est pas un principe qui doit diviser les Français, les monter les uns contre les autres. C’est un principe ouvert, tolérant et d’équilibre. D’autant plus que nous sommes dans une période singulière, une période difficile, une période de tensions, une période de souffrance pour beaucoup de Français. Et on l’a vu, ce débat ne rassemble pas. Il faut donc, là où il y a des problèmes techniques, et il y en a: la construction de mosquées, les prêches (doivent-ils être faits en Français, doivent-ils être en arabe?), la viande hallal, les carrés musulmans… Quand il y a des problèmes, il faut tout simplement essayer de mettre en oeuvre les modalités techniques qui sont les plus adaptées pour répondre aux besoins.
Je prends un exemple: le débat autour des minarets. Il y a 2000 mosquées en France. Nous avons besoin de 1000 mosquées supplémentaires, ce qui explique qu’il y ait un certain nombre de musulmans dans notre pays qui soient obligés (ce n’est pas qu’ils le souhaitent) de faire leurs prières dans la rue. Ce n’est pas souhaitable, il faut tout faire pour apporter une réponse en terme de constructions de mosquées. (…) Mais il n’y a qu’une trentaine de mosquées qui disposent de minarets et de petits minarets, et tout cela est contrôlé par les municipalités. Donc nous avons la chance d’avoir un système, d’avoir un principe de laïcité qui nous permet de faire face aux situations les plus difficiles.
Je ne crois pas que ce soit au moment où on assiste à un printemps arabe, au moment où il y a les difficultés que nous connaissons en France, qu’il faille rouvrir ce débat qui divise les Français inutilement. Ouvrons un débat sur l’emploi des jeunes ! Ouvrons un débat sur le pouvoir d’achat des Français ! Là, il y a matière à essayer de faire des propositions constructives. Pour le reste, traitons à l’échelon technique ce qui mérite d’être traité à l’échelon technique.
Et je le dis d’autant plus que cela commence à faire beaucoup: débat sur l’identité nationale, débat sur la burqa, question des Roms, débat sur la sécurité permanent puisque tous les six mois, on fait une nouvelle loi pour surenchérir dans ce domaine… Je crois que nous avons tous besoin d’un peu de paix pour nous consacrer à l’essentiel. Et l’essentiel aujourd’hui, ce n’est pas de donner de la poudre de perlinpinpin aux Français, c’est de leur apporter des réponses dans ce qui constitue l’urgence de leur quotidien. Je le redis: l’emploi des jeunes, voilà un sujet qui mérite, et pas uniquement, d’être un sujet de débat pour la prochaine campagne présidentielle.
Sur la formation des imams
Tout cela suppose que l’on forme des imams et vous savez comme moi que nous nous sommes heurtés à un certain nombre de barrières difficiles au sein de l’Université. Il faut donc trouver, et c’est le chantier que j’avais engagé en 2005, il faut ouvrir un chantier pour la formation des imams.
Sur la montée du Front National
Mais il faut aussi se poser la question dans un contexte difficile: de qui faisons-nous le jeu? Avant tous ces débats, Madame Le Pen, elle était à 10 ou 12%. Aujourd’hui, elle est à 18-20%. Il faut bien voir que ces débats ne font que nourrir des inquiétudes, nourrir des peurs, et c’est là où il faut être pragmatique, et c »est là où la responsabilité politique, c’est d’apporter des solutions en évitant que les peurs ne prennent le dessus et ne viennent fausser le débat.
Sur la conduite du débat sur la laïcité
Nous le voyons bien: ce débat est mal parti et n’aboutira qu’à des divisions supplémentaires. Je voudrais faire une proposition. Pourquoi ne pas demander, puisque ce qui gêne le plus dans cette affaire, c’est que l’initiative vienne d’un parti politique (ce n’est pas à un parti politique de mettre sur la table un grand débat qui touche à des principes fondamentaux dans notre République), pourquoi ne pas demander à deux, trois grandes personnalités de bords différents de proposer au gouvernement et au Président de la République un certain nombre de réponses techniques pour éclairer les choix qu’il faut faire sur les différents sujets dont nous avons parlé: constructions de mosquées, financement, prêches des imams…
Nous aurons alors des propositions, et c’est sur la base des propositions que nous pourrons avancer et faire des choix. (…) Je crois qu’il faut essayer d’être constructif et donc de rétrécir le champ d’un débat qui va déraper, comme malheureusement d’autres ont dérapé. Et dans ce contexte, je crois que des recommandations faites, comme nous l’avons connu par le passé, par quelques personnalités de bords différents, permettra justement d’aborder sereinement et de façon constructive ces questions.