« A l’heure où une page se tourne, nous devons saluer une victoire du courage du peuple égyptien et partager un moment qui nous réunit et nous réjouit.
Il s’agit d’une étape décisive d’une révolution pacifique qui ouvre un grand espoir pour l’Egypte, pour le Moyen Orient comme pour le monde tout entier.
La légitime aspiration à la liberté doit ouvrir la voie à la démocratie, au développement et à la paix.
Les Egyptiens s’engagent dans un processus long et difficile, dans lequel l’esprit de rassemblement et de responsabilité seront indispensables.
La France, forte de son message et des liens très anciens qui l’unissent à l’Egypte et au peuple égyptien, a un rôle particulier à jouer. Elle se doit d’être à ses côtés, de l’accompagner et de la soutenir dans la voie de ce changement historique. »
Communiqué de Dominique de Villepin
Président de République Solidaire
*****
Egypte : les 26 jours qui ont mené à la révolution
Après le soulèvement tunisien ayant entraîné la chute du président Ben Ali, au pouvoir depuis 1987, l’Egypte s’est embrasée à son tour depuis début janvier. Les manifestants s’opposent au régime du président Hosni Moubarak, en place depuis 1981. Ces derniers mois, des tensions étaient apparues dans ce vaste pays de 78 millions d’habitants, provoquées notamment par des hausses de prix ou des restrictions sur des produits de base.
16 janvier. Alors que les observateurs internationaux évoquent l’effet domino susceptible de s’étendre à l’ensemble du monde arabe, suite aux événements de la Tunisie, le chef de la diplomatie égyptienne Ahmed Aboul Gheit appelle l’Occident à ne « pas s’immiscer » dans les affaires arabes. Sous le joug d’Hosni Moubarak depuis 1981, l’Egypte présente un régime et une situation sociale comparables à ceux renversés en Tunisie.
17 janvier. Un homme s’immole par le feu devant l’Assemblée du Peuple, au Caire. La révolte tunisienne avait démarré suite au geste de désespoir similaire de Mohamed Bouazizi, jeune vendeur ambulant dont la marchandise avait été confisquée par les autorités, un mois auparavant, jour pour jour.
18 janvier. Deux nouvelles immolations par le feu sont signalées, à Alexandrie et devant le siège du gouvernement au Caire.
19 janvier. Sur fond de révolution tunisienne et en parallèle à la montée sporadique de la colère en Egypte, le pays accueille à Charm el-Cheikh le 27ème sommet économique arabe, sous haute tension.
20 janvier. Deux ouvriers d’une entreprise textile du gouvernorat de Menoufia, dans le delta du Nil, au nord du Caire, s’immolent par le feu, portant à cinq le nombre de tentatives de suicide en quatre jours. Les deux hommes voulaient protester contre une mutation décidée par leur employeur.
24 janvier. Plusieurs mouvements d’opposition appellent les Egyptiens, en particulier les jeunes, à manifester le lendemain, espérant que l’écho du soulèvement tunisien favorisera la mobilisation pour des réformes économiques et un changement politique en Egypte.
25 janvier. Début des contestations de masse. Première du genre depuis 1977, la « Journée de révolte contre la torture, la pauvreté, la corruption et le chômage » est durement réprimée, plusieurs morts étant enregistrées. Au Caire et dans une plusieurs grandes villes d’Egypte, environ 15 000 personnes répondent à l’appel, lancé la veille, à manifester contre le pouvoir en place.
Les rassemblements sont rythmés de slogans appelant à l’amélioration des conditions de vie (« Pain, Liberté, Dignité »), mais aussi de « Moubarak dégage » ou de « la Tunisie est la solution », scandés par d’autres protestataires, qui souhaitent le départ du président Hosni Moubarak.
26 janvier. Pour la deuxième journée consécutive, les manifestants bravent l’interdiction imposée par les autorités. Au Caire et à Suez, de violents heurts opposent les manifestants et les forces de l’ordre, qui procèdent à des centaines d’interpellations.
Dans la capitale, les rassemblements ont lieu sur la grande place Tahrir, à l’initiative du « Mouvement du 6 avril », un groupe réformateur pro-démocratie. En début de soirée, dans la ville portuaire de Suez, des bâtiments gouvernementaux, dont le siège du Parti National Démocratique de Moubarak, sont attaqués à coups de pierre et de cocktails molotov. En deux jours de troubles, les violences ont tué six personnes, policiers ou manifestants, et blessé des dizaines d’autres. Au moins mille personnes ont été arrêtées.
27 janvier. Pionnier dans l’organisation des manifestations, le « Mouvement du 6 avril », essentiellement constitué de jeunes, lance un nouvel appel à la mobilisation via les réseaux sociaux. L’ancien président de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et prix Nobel de la paix en 2005, Mohamed ElBaradei, quitte l’Autriche et arrive en Egypte. Le principal opposant au président Moubarak, venu pour « s’assurer que tout se passe de manière pacifique et régulière », se dit prêt à « mener la transition » politique et déclare vouloir se présenter à l’élection de novembre 2011.
Un manifestant est tué par balle dans le Sinaï, tandis que Suez est le théâtre de violents affrontements.
28 janvier. A l’initiative du « Mouvement du 6 avril », cette journée de prière hebdomadaire est proclamée « vendredi de la colère », à laquelle se joignent pour la première fois les Frères musulmans et l’opposant Mohamed ElBaradei. Le ministère de l’Intérieur, qui avait mis en garde contre de nouvelles manifestations et avait annoncé des «mesures décisives», déploie un impressionnant dispositif de sécurité.
Dans tout le pays, des rassemblements dégénèrent en confrontations avec la police. Le siège du parti politique d’Hosni Moubarak est saccagé à Ismaïlia , celui du Caire et le siège du gouvernorat d’Alexandrie sont incendiés. Dans ces deux villes et à Suez, un couvre-feu est décrété, bientôt étendu à tout le territoire égyptien. Sur ordre de Moubarak, l’armée se déploie. Pour autant, les tanks et les hélicoptères qui patrouillent au Caire et à Suez restent en observation, sans ouvrir le feu. Des scènes de fraternisations sont même observées.
Dans une allocution télévisée en fin de soirée, le président Moubarak, qui s’est entretenu au téléphone avec son homologue américain Barack Obama, annonce avoir limogé le gouvernement et vouloir prendre « des mesures rapides pour combattre la pauvreté, le chômage et la corruption ». Vingt personnes auraient trouvé la mort durant la journée.
29 janvier. La tension ne baisse pas alors qu’au Caire, les manifestants, par milliers, font de la place Tahrir un lieu symbolique de rassemblement contre le régime. Dans la capitale, des cortèges de protestants convergent vers les sites administratifs comme le ministère de l’Intérieur ou le siège de la télévision d’Etat. Le Caire étant la proie des pillards, le musée regroupant les trésors antiques du pays est placé sous la protection de l’armée.
Ahmad Chafic, l’ancien ministre de l’aviation, est nommé premier ministre, alors que le chef du renseignement, Omar Souleimane, devient vice-président.
30 janvier. Le bilan des premiers jours de la contestation avoisinerait les 150 morts. Malgré le couvre-feu, des milliers de personnes défient toujours le pouvoir en place sur la grande place Tahrir du Caire. Ils sont galvanisés par le porte-parole de l’opposition Mohamed ElBaradei qui annonce devant eux « une ère nouvelle ». Très influente en Egypte, l’armée, ainsi que des milices, tente de maintenir le calme dans les rues de la capitale.
31 janvier. Une grève générale est organisée. Des milliers de manifestants se rassemblent encore sur la place Tahrir, épicentre de la mobilisation. Des entreprises étrangères commencent à organiser le rapatriement de leurs salariés. Le ministre de l’intérieur du nouveau gouvernement tout juste nommé est remplacé. Lors d’une brève allocution télévisée, le vice-président égyptien Omar Souleimane annonce que le président Moubarak l’a chargé d’ouvrir un dialogue immédiat avec l’opposition.
5 février. Hosni Moubarak quitte la direction de son parti, le Parti National Démocrate. Paris suspend les ventes d’armes vers l’Egypte.
6 février. Moubarak entame une discussion avec les Frères musulmans.
7 février. Les manifestations continuent contre Hosni Moubarak. Le raïs s’engage à augmenter de 15 % les salaires des fonctionnaires et des retraités.
p>
8 février. Le mouvement de protestation contre le président égyptien Hosni Moubarak s’intensifie, avec les défilés de centaines de milliers de personnes au Caire et en province. D’après les journalistes, il s’agit des manifestations les plus importantes depuis le début de la contestation, le 25 janvier.
9 février. Les manifestations font 5 morts dans une oasis du sud egyptien.
10 février. Le chef de l’Etat égyptien Hosni Moubarak, sous la pression d’une contestation populaire sans précédent délègue ses prérogatives au vice-président tout en s’accrochant au pouvoir, déclenchant la fureur des manifestants.
11 février. Moubarak quitte Le Caire pour Charm el-Cheikh. Sa démission est annoncée dans la soirée par Omar Souleimane, vice-président et nouvel homme fort du régime, lors d’une allocution à la télévision d’Etat.
Source: Le Parisien