Dominique de Villepin était, lundi dernier, l’invité d’Yves Calvi dans l’émission Mots Croisés sur France 2.
Les principaux points de son intervention…
Revenant sur l’opération militaire menée contre les preneurs d’otages au Niger, Dominique de Villepin a souligné qu’il s’agit d’un « choix légitime. (…) Il mérite donc, je pense, aujourd’hui, d’être soutenu par l’ensemble de la communauté nationale, même si pour l’avenir nous devons affiner notre jugement, chercher à comprendre une situation très évolutive, parce qu’il n’y a pas deux situations identiques.
Et le message que je voudrais faire passer ce soir, c’est d’éviter à tout prix l’engrenage de la force. Je ne crois pas à une solution militaire face au terrorisme. Je pense que le piège qui nous est tendu par les réseaux terroristes (…), c’est justement le piège de la militarisation. »
Justifiant le soutien qu’il a apporté au Président de la République, Dominique de Villepin a indiqué que « le message fort que nous adressons aux terroristes, c’est celui de notre détermination et de notre consensus national. »
Dominique de Villepin a rappelé que « à un moment donné, toutes ces évaluations, toutes ces analyses, ces différents risques à peser et à méditer » avant de décider d’une opération militaire du type de celle menée ce weekend au Niger « sont confiés à un homme seul qui est le Président de la République qui, dans la solitude de son bureau et dans la solitude de sa conscience, doit, quels que soient les avis qui lui ont été donnés, quels que soient les encouragements dans un sens ou dans un autre, prendre une décision et qu’on ne peut pas laisser des forces d’intervention sans des directives extrêmement précises pour gérer justement des situations très délicates. »
L’ancien Premier Ministre a estimé que l’opération militaire menée conjointement par l’armée nigérienne et l’armée française ce weekend devait rester « un choix ponctuel », « une nouveauté, une singularité »: « Est-ce que cela doit se transformer en une politique d’engagement direct, d’engagement croissant des militaires français dans la région? La réponse, c’est non ! »
Rappelant son opposition à la notion de « guerre contre le terrorisme » défendue en son temps par George Bush, Dominique de Villepin a déclaré: « Il y a des violences liées à des mouvements terroristes, mais on ne fait pas la guerre au terrorisme. Et je voudrais insister sur ce point, parce que j’ai été le premier à m’opposer à la guerre au terrorisme dictée par George Bush: face à des armées invisibles qui utilisent tous les moyens, vous ne vous opposez pas militairement et frontalement, parce que c’est le piège qu’ils vous tendent. Le risque, c’est alors la cristallisation des oppositions face à vous, et notamment des oppositions dans les populations locales.
C’est ce que nous avons en Afghanistan. Nous avons réussi cette chose extraordinaire que d’allier les talibans avec une large partie de la population et d’apparaître alors comme une force d’occupation. C’est l’erreur qu’il ne faut pas commettre. (…) Méditons d’abord sur ce que nous avons fait comme erreurs: c’est l’erreur que nous avons fait avec Napoléon en Espagne, c’est l’erreur que nous avons fait en Algérie, c’est l’erreur que nous avons fait au Vietnam. C’est l’engrenage de la violence qui conduit à toujours plus de violence sans légitimité. »
Dominique de Villepin a souligné « l’exigence essentielle d’une coordination » entre les différents pays européens: « Si nous ne négocions pas la libération de nos otages, mais que d’autres pays européens ou occidentaux le font, à quoi bon? Evidemment, nous nous retrouvons ensuite en situation d’infériorité et nous menaçons alors la vie de nos propres otage. Donc ce qui est essentiel, c’est la coordination entre les différents pays pour qu’il y ait la politique la plus homogène possible.
Deuxième chose essentielle, deuxième condition de l’efficacité: il faut mobiliser les pays de la région. » Tant que la Mauritanie, le Niger et le Mali « ne seront pas mobilisés de façon égale face à ces forces, eh bien nous sommes dans une situation d’extrême danger où envoyer nos soldats ne fait qu’accroître l’engrenage de la violence. C’est donc dire que la lutte contre le terrorisme suppose beaucoup de moyens extrêmement divers, beaucoup d’imagination et il faut mettre l’incertitude de son côté. Si vous êtes prévisible (or une armée, elle est toujours prévisible), eh bien vous perdez les guerres ! »
A suivre…