Invité vendredi matin sur RTL, Dominique de Villepin a affirmé que la Tunisie venait de traverser « trois semaines noires » après les émeutes qui ont quadrillé le pays. Pour le Président de République Solidaire, le pouvoir « tient à un fil, mais il a la possibilité de rebondir s’il sait tenir ses engagements ».
« Après autant de morts, des dizaines de morts en Tunisie, il y a un devoir du pouvoir, c’est celui de mettre en oeuvre rapidement les promesses qui ont été faites en matière de liberté d’information, de perspectives politiques » pour sortir « du verrouillage politique, d’un pouvoir bloqué (…). La seule légitimité aujourd’hui » de Ben Ali « ce sont les engagements qu’il a pris », déclarait Dominique de Villepin quelques heures avant l’annonce du départ du Président Ben Ali.
S’agissant du Niger, Dominique de Villepin a estimé que le recours à la force pour libérer des otages n’était « pas une politique et devait rester « un choix ponctuel », notant que « trois interventions militaires successives », dont celle relative aux Français enlevés au Niger, « ont échoué ».
L’ancien Premier Ministre a également évoqué sa prochaine rencontre avec Nicolas Sarkozy à l’Elysée, dans le cadre des consultations sur la présidence française du G20.
Sur la Tunisie
« Le devoir du pouvoir maintenant est de mettre en oeuvre les promesses faites », a-t-il expliqué, ajoutant que le pouvoir « tient à un fil, mais qu’il a la possibilité de rebondir s’il sait tenir ses engagements ».
« Ces engagements peuvent permettre à la Tunisie de sortir du chaos », a poursuivi Dominique de Villepin, précisant que la France peut contribuer à apporter une réponse économique et sociale à la crise tunisienne.
Au sujet des otages français tués au Niger, l’ancien chef du gouvernement a assuré que la France devait « se mobiliser face au terrorisme », mais que « l’emploi de la force ne saurait être la seule solution ».
Source: Le Figaro
Sur le Niger
Dominique de Villepin a estimé aujourd’hui sur RTL que le recours à la force pour libérer des otages n’était « pas une politique et devait rester « un choix ponctuel », notant que « trois interventions militaires successives », dont celle relative aux Français enlevés au Niger, « ont échoué ». « Nous avons bien sûr à nous mobiliser face au terrorisme mais attention à l’engrenage de la violence, la force ne saurait être à elle toute seule une politique », a lancé sur RTL l’ex Premier ministre, et ancien ministre des Affaires étrangères.
« Le choix qui a été fait » d’une intervention militaire pour tenter de libérer les otages enlevés au Niger doit rester « un choix ponctuel », a-t-il jugé. « Le gouvernement, le président de la République ont estimé que dans la situation précise à laquelle nous étions confrontés, il y avait nécessité, pour éviter le passage de la frontière (avec le Mali), pour éviter une situation encore plus difficile pour nos otages, de tout tenter pour les libérer », a-t-il noté. « Mais je constate que les trois interventions militaires successives qui ont eu lieu ont échoué », a-t-il dit, citant outre le Niger « celle pour libérer Michel Germaneau en liaison avec les forces mauritaniennes, et celle du Tanit en Somalie ».
Le skipper du voilier Tanit Florent Lemaçon, capturé avec sa famille par des pirates somaliens, a été tué en avril 2009 par une balle du commando français qui tentait de le libérer. Michel Germaneau, un humanitaire de 78 ans, enlevé par Aqmi le 19 avril a été exécuté par ses ravisseurs. Une intervention militaire franco-mauritanienne avait été décidée pour le retrouver. « L’emploi de la force n’est pas tout seul une politique, il faut donc être beaucoup plus ambitieux que cela dans la recherche du renseignement, dans la coordination de nos actions avec l’ensemble des pays voisins », a plaidé M. de Villepin, président de République solidaire, et membre de l’UMP. « Nous avons un effort global à faire et pas seulement à recourir à l’emploi de la force militaire qui risque de cristalliser contre nous davantage de mécontentement », a-t-il insisté.
Source: Agence France Presse
Sur sa future rencontre avec Nicolas Sarkozy
Dominique de Villepin a déclaré ce vendredi accepter l’invitation de Nicolas Sarkozy, qui souhaite rencontrer les anciens Premiers ministres dans le cadre de la présidence française du G20.
« Le G20, c’est l’affaire de tous les Français, de la communauté nationale », a expliqué sur RTL Dominique de Villepin qui ira « bien sûr » à l’Elysée pour rencontrer le chef de l’Etat, avec lequel il entretient une relation très tendue.
« La dernière fois que j’ai vu Nicolas Sarkozy, c’était à l’occasion de la présidence française de l’Union européenne, (2007). J’avais répondu dans les mêmes conditions positivement. C’est un devoir d’ancien Premier ministre », a expliqué Dominique de Villepin.
Le procès en appel de ce dernier dans la manipulation menée avec de faux listings de la société Clearstream doit se tenir en mai. Relaxé en première instance, il est poursuivi pour « complicité de dénonciation calomnieuse ». Nicolas Sarkozy s’est désisté de sa constitution de partie civile et ne sera pas représenté devant la cour d’appel de Paris.
Source: Reuters
Le script de l’émission
Jean-Michel Aphatie : Bonjour, Dominique de Villepin.
Dominique de Villepin : Bonjour.
Les Tunisiens descendent dans les rues depuis bientôt un mois pour dire leur frustration et leur désarroi. La police tunisienne tire à balles réelles sur ses manifestants. Ecoutez, au micro de l’envoyé spécial de RTL, le désarroi d’une mère : « On est sorti en courant. J’ai trouvé mon fils dans la rue avec le sang qui coule de sa bouche, de ses oreilles. Il a eu un trou ici. Il est en train de mourir ». Un pouvoir qui laisse tirer ou qui fait tirer sur ses concitoyens est-il encore crédible sur la scène internationale, Dominique de Villepin ?
C’est un pouvoir qui tient à un fil dans une situation de crise ouverte, mais qui a aujourd’hui la possibilité du rebond. S’il sait tenir ses engagements, le Président Ben Ali a tenu, hier, des paroles fortes. Il a pris des engagements forts. Vous l’avez dit, après autant de morts, des dizaines de morts en Tunisie, il y a un devoir du pouvoir, c’est celui de mettre en œuvre rapidement les promesses qui ont été faites. C’est vrai en matière de liberté d’information, c’est vrai en matière de perspective politique.
Il y a un verrouillage, un pouvoir bloqué sur le plan politique. Il y a donc des réponses très fortes à apporter et puis, il y a un avenir à donner à cette jeunesse tunisienne ; ne l’oublions pas, sur les 10 millions de Tunisiens, 5 millions ont moins de 25 ans et sont aujourd’hui frappés par une crise très importante qui n’est pas une crise économique ou sociale qui frappe la seule Tunisie. C’est aussi la conséquence de la crise mondiale et des réponses doivent être apportées.
Le Président Ben Ali a demandé, hier, aux forces de police de ne plus tirer à balles réelles sur les manifestants, ce qui sous-entend que les policiers avaient la possibilité de le faire.
Il y a eu encore deux morts hier.
Comment continuer à diriger un pays quand on a autant de morts sur la conscience ?
C’est manifestement trois semaines noires pour la Tunisie. Je le redis, pour l’intérêt général des Tunisiens, il y a des engagements forts pris par le Président Ben Ali, et on peut imaginer toutes sortes de réponses… Je crois que la Tunisie doit sortir de cette crise.
Mais avec le Président Ben Ali, c’est possible ?
Le Président Ben Ali prend des engagements. Sa légitimité, sa seule légitimité…
Avec du sang sur les mains ?
Sa seule légitimité aujourd’hui, ou en tout cas, sa plus grande légitimité aujourd’hui, ce sont les engagements qu’il a pris parce que ces engagements-là…
Malgré ce qui s’est passé !
Oui… Parce que ces engagements-là peuvent permettre à la Tunisie de sortir du chaos dans lequel elle est en train de plonger. Et ce que je souhaite, c’est qu’il y ait un sursaut, qu’il y ait une capacité de l’ensemble des Tunisiens à s’unir, une capacité du Président Ben Ali à sortir de cette logique de verrouillage politique par quelques-uns et qui soit donc amené à porter…
Par lui !
Oui, par ces quelques arrêts, quelques familles. On doit sortir de cette situation. Cela implique des gestes forts. Vous avez raison dans une crise profonde et c’est au vu de ces gestes, au vu du respect de ces engagements que le Pouvoir réussira ou ne réussira pas à passer ce cap.
Pour tenter de décrire simplement la réalité à laquelle nous sommes confrontés, Dominique de Villepin, est-ce qu’on p
eut dire que l’Europe, la France est complaisante avec le Président Ben Ali, son régime et ses actes par peur de l’islamisme ?
Alors vous permettez au diplomate que je suis de se soucier ce matin, seulement d’apporter des réponses. On est – et c’est votre rôle de commentateur, d’observateur que de donner des bons et des mauvais points -, le rôle du responsable politique c’est d’essayer d’apporter des solutions. C’est vrai.
Il y a des valeurs tout de même !Quand on tire des balles réelles sur des manifestants, peut-être qu’on contrevient à des valeurs que le commentateur et le responsable politique défendent en commun !
Oui. Vous avez raison ; mais c’est vrai, c’est vrai qu’il y a des réponses à apporter. Et la France peut contribuer à apporter ces réponses. Ne l’oublions pas, nous sommes un pays très anciennement ami de la Tunisie. Nous sommes le premier partenaire de la Tunisie, le premier investisseur, nous avons une communauté d’origine tunisienne très importante en France. Ce sont autant de devoirs vis-à-vis de la Tunisie, et nous devons être chef de file pour contribuer à apporter une réponse économique et sociale aujourd’hui à la Tunisie, et faire comprendre s’il en était encore besoin à l’ensemble des autorités tunisiennes, à quel point un changement politique profond est nécessaire. Le Président Ben Ali a indiqué qu’il ne serait pas candidat en 2014 ; mais cette perspective ne saurait seulement suffire.
C’est loin 2014 !
Il y a donc des gestes très forts pour ouvrir le pays, changer la donne sur le plan politique et cela, seul, sera susceptible de rassurer les Tunisiens.
Et vous n’avez pas répondu à ma question, peut-être parce que vous ne voulez pas y répondre. Mais je voudrais juste le vérifier. On a peur de l’islamisme en Tunisie ? C’est pour ça qu’on soutient Ben Ali ?
Alors, l’islamisme a été contenu en Tunisie. Je ne crois pas qu’aujourd’hui, on puisse s’abriter ni devant la crainte d’une ingérence ; vis-à-vis d’un pays ami, je l’ai dit, on a des devoirs, ni devant la crainte de l’islamisme compte tenu de la situation qui existe en Tunisie. Le problème de la Tunisie, aujourd’hui, c’est un problème social, un problème économique et un problème politique.
Un autre dossier difficile est devant nous, au Niger. Des incertitudes demeurent sur les circonstances de la mort des deux otages. Faut-il employer tous les moyens pour empêcher les prises d’otages des ressortissants français désormais par ceux qui nous menacent, en Afrique notamment ?
Je l’ai indiqué dès le lendemain de ce drame. Nous avons, bien sûr, à nous mobiliser face au terrorisme. Mais attention à l’engrenage de la violence. La force ne saurait être, l’emploi de la force ne saurait être à elle toute seule une politique.
C’est une façon de condamner l’emploi de la force dans cette circonstance, Dominique de Villepin ?
C’est une façon à la fois de soutenir le choix qui a été fait mais qui doit être un choix ponctuel. Le gouvernement, le Président de la République les ont estimé que dans la situation précise auquel nous étions confrontés, il y avait nécessité de recourir pour éviter le passage de la frontière, pour éviter une situation encore plus difficile pour nos otages. Il fallait tout tenter pour les libérer mais je constate que les trois interventions militaires successives qui ont eu lieu, celles pour libérer Michel Germaneau en liaison avec les forces mauritaniennes, celle dans le cas du Tanitt en Somalie pour libérer un otage et puis, cette dernière, ont échoué.
Donc, je le redis, l’emploi de la force n’est pas, tout seul, une politique. Il faut donc être beaucoup plus ambitieux que cela dans la recherche du renseignement, dans la coordination de nos actions avec l’ensemble des pays voisins, la mobilisation – nous voyons bien que cette mobilisation est encore insuffisante dans la région – certains pays restent à l’écart de cette mobilisation ; donc, nous avons un effort global à faire et pas seulement à recourir à l’emploi de la force militaire qui risque de cristalliser contre nous davantage de mécontentements.
Le Président de la République a annoncé son intention de convier les anciens Premiers ministres pour évoquer l’organisation du prochain G20 en France qui aura lieu à l’automne. Répondrez-vous positivement à la sollicitation de Nicolas Sarkozy, Dominique de Villepin ?
Bien sûr. Bien sûr. La présidence du G20 c’est un grand enjeu pour la France. La dernière fois que j’ai vu Nicolas Sarkozy, c’était à l’occasion de la présidence française de l’Union Européenne. J’avais répondu dans les mêmes conditions positivement. C’est un devoir d’ancien Premier ministre.
Vous dites : « Bien sûr ». Mais comme vous avez accusé le Président de la république d’avoir fait une « tache sur le drapeau » après le discours qu’il avait tenu à Grenoble à la fin du mois de juillet, on se dit que finalement, même des accusations très graves, ou des imputations très lourdes, finalement, elles n’ont pas de poids. Elles vont faire que vous allez dialoguer, continuer à dialoguer ensemble. Ca paraît difficile à croire !
C’est exactement le contraire, Jean-Michel Aphatie. La responsabilité c’est de savoir distinguer le personnel…
La « tache sur le drapeau », ce n’était pas personnel !
La « tache sur le drapeau », c’est une critique politique d’une situation que je considérais comme inacceptable ; mais savoir distinguer les enjeux personnels, voire les enjeux politiques de l’intérêt général, et en l’occurrence le G20 c’est l’affaire de tous les Français. C’est l’affaire de la communauté internationale.
Dominique de Villepin, ancien ministre des Affaires Etrangères, était l’invité de RTL ce matin. Bonne journée.