Le chef de République solidaire a réuni un millier de partisans à Paris. Malgré le débauchage de plusieurs de ses amis par Nicolas Sarkozy, il revendique la force que lui donnerait l’isolement.
Héraut de l’antisarkozysme, mais toujours membre de l’UMP, Dominique de Villepin avance tout en paradoxe. Il compte, parmi ceux qui ne renoncent pas à se dire ses amis, quelques piliers du gouvernement. De Bruno Le Maire à Jean-François Copé, de Georges Tron à Alain Juppé, ses anciens compagnons de route se sont mis au service du chef de l’Etat pour travailler à sa réélection.
Villepin, lui, a réaffirmé samedi, devant les cadres de son parti, République solidaire, qu’il avait l’ambition « d’incarner une alternative » pour 2012. Une déclaration de candidature ? « Nous aurons l’occasion d’en reparler (…) c’est donc à partir de ce que je crois être l’intérêt général que je prendrai mes décisions », élude l’ancien Premier ministre de Jacques Chirac.
« Girouettes »
Le discours prononcé devant un millier de villepinistes prêts à en découdre n’a pas levé l’ambiguïté. Villepin n’a donc pas coupé les ponts avec sa famille politique. Lâché par la porte-parole de son mouvement, Marie-Anne Montchamp, Villepin assume sa solitude : « C’est une très bonne compagne pour le gaulliste que je suis. »
Il s’est taillé un franc succès, samedi, quand il a raillé « ces girouettes qui n’ont jamais tourné aussi vite », référence au débauchage de plusieurs de ses amis. « Pardonnons-leur, c’est à cause du vent », a-t-il ironisé, toujours soucieux de ménager ceux qui ont rejoint le chef de l’Etat. « Sa solitude, c’est sa force », assure l’un de ses proches. Elle fait de lui un franc-tireur, libre de critiquer sans retenue ce Président qui, selon lui, maltraite la France.
Avec ses implacables réquisitoires, Villepin a fédéré tous ceux qui, à droite, n’ont jamais accepté qu’un Sarkozy réside à l’Elysée. Fondé le 19 juin, République solidaire revendique plus de 20 000 « adhérents et sympathisants ». « Plus de 80% sont là par antisarkozysme », avoue l’un d’eux.
Mais la secrétaire générale de République solidaire, Brigitte Girardin, avait prévenu : « Samedi, nous voulons faire entendre nos propositions, sortir de l’antisarkozysme primaire dans lequel on veut nous enfermer. » Pas question, donc, de revenir sur les critiques des dernières semaines : cette « tache sur le drapeau » que fut le discours sécuritaire de Grenoble, ou ce « problème pour la France » que serait son chef.
Sans jamais prononcer le nom de Sarkozy, Villepin s’est efforcé de montrer comment « l’idéal de l’indépendance » pouvait conduire au redressement d’une France « fatiguée ».
Pour lutter contre « la dépression française », il a pointé quelques pistes concrètes, « obligation d’emploi pour les jeunes dans les grandes entreprises » ou encore « service solidaire universel ouvrant droit à un revenu civique ». Mais la salle, poliment attentive, ne s’est vraiment échauffée que lorsque l’orateur s’en est pris implicitement au chef de l’Etat, à propos des médias, de la justice ou de l’Otan.
Et pour déclencher véritablement l’enthousiasme, l’orateur devra s’avancer aussi loin que possible vers la promesse d’une candidature : « Je vous le dis, nous serons aux avant-postes du combat de 2012. » Une prudente proclamation, ponctuée par une salve de « Villepin, président ! »
Couteau
Le nouveau patron de l’UMP Jean-François Copé a indiqué qu’il avait « besoin d’avoir un échange avec Dominique de Villepin pour voir ce qu’il souhaite ». Les deux hommes ne s’en cachent pas : ils n’ont jamais cessé d’être en contact depuis le début du quinquennat.
Les villepinistes de l’intérieur, ceux qui se sont engagés dans l’aventure de République solidaire, sont très réservés sur les chances de succès de cette médiation. « Nous sommes libres et indépendants, nous le resterons », assure Brigitte Girardin. Le député (UMP) Jean Pierre Grand, lui, juge « invraisemblable » un accord Villepin-Sarkozy pour 2012.
Les ministres « villepino-compatibles » sont d’un tout autre avis. Georges Tron (Fonction publique) s’est félicité dimanche que son ex-mentor se soit « affranchi de la facilité » en renonçant aux « formules chocs » qui réjouissent « ceux qui l’acclament quand il revient le couteau plein de sang ». Selon lui, Villepin va « réfléchir » à 2012. Et il n’exclut pas qu’au terme d’une réflexion « dépassionnée », il finisse par considérer que « la candidature de Sarkozy est à la fois logique et naturelle ».
Des propos qui n’ont pas eu l’heur de plaire à Villepin qui, hier soir, a appelé Tron à faire preuve de « pudeur » et de « respect » à son égard. Marie-Anne Montchamp (Solidarités) veut croire, elle aussi, que Villepin finira par « prendre toute sa place » dans la majorité : « Il a toujours sa carte de l’UMP et moi j’ai ma carte à République solidaire que je garde avec affection. »
Après l’intervention du chef de l’Etat du 16 novembre, les téléspectateurs avaient eu, en direct sur France 2, une illustration de la relation ambiguë entre Villepin et ses amis ministres. Alors que François Baroin venait de dire tout le bien qu’il fallait penser de la prestation de Sarkozy, le président de République solidaire en avait, comme il se doit, dit le plus grand mal.
Puis, sans transition, les deux hommes s’étaient mis à se tutoyer, s’échangeant des compliments. « J’ai compris que Dominique n’était pas encore prêt à rejoindre Nicolas Sarkozy », en a conclu le ministre du Budget.
Hilare, Villepin a laissé dire.
Source: Libération