Discours de Dominique de Villepin au Conseil National
Dominique de Villepin est intervenu, ce samedi à la mi-journée, devant le Conseil National de République Solidaire.
Texte du discours de Dominique de Villepin
« Merci à vous tous du fond du cœur d’être là. Je sais que vous avez bravé pour cela le froid et les intempéries. Je sais que vous êtes venus de tous les départements, de toutes les régions et je veux saluer tout particulièrement nos amis venus d’Outre Mer. Je suis heureux de me trouver parmi vous aujourd’hui. Heureux de voir ce qu’est devenu notre mouvement en si peu de temps. Il y a quelques mois à peine, c’était le moment de la fondation de notre mouvement. Mais, grâce à votre mobilisation à tous, grâce à toi Brigitte, grâce à vous mes amis parlementaires et élus qui se dévouent sans compter, grâce à vous Isabelle IGNACE et Sidi SAKHO à la tête du mouvement jeunes, grâce à vous Christophe CARIGNANO en charge du réseau Villepincom.net, grâce à vous Denis BONZY et Sihame ARBIB en charge de la mobilisation citoyenne, grâce à vous responsables des fédérations, – Grâce à vous tous, aujourd’hui, nous sommes en ordre de marche et tenons notre premier conseil national. Je souhaite que nous fixions ensemble notre feuille de route.
Notre devoir, aujourd’hui, c’est de regarder notre pays en face et d’ouvrir les yeux sur ce qui nous entoure. Ce n’est pas un moment comme les autres, mais un moment décisif. Chacun d’entre nous le sent bien.
Soyons lucides, le monde change et ne nous attendra pas.
Nos économies sont en crise. Il ne suffit pas de dire que c’est fini pour que cela soit vrai. Que nous a révélé la crise de 2008 ? Que nous ne pouvions compter que sur nous-mêmes. Le capitalisme n’est ni bon, ni mauvais, mais son besoin de profits est illimité, dévorant les ressources naturelles de la planète et le travail de l’être humain. Les banques sauvées par l’argent public au pire de la crise, spéculent aujourd’hui contre les Etats. Qui peut le comprendre ? Qui peut l’admettre ? Les leçons du siècle passé sont simples, les crises du système économique conduisent aux guerres, la régulation seule apporte la paix et la prospérité.
Nous allons vers de plus en plus de confrontations. Le monde a basculé. L’Occident ne peut plus prétendre diriger le monde. Avec le retour en force de la Chine, de l’Inde, du Brésil s’annoncent aussi des conflits sur les monnaies, sur l’énergie, sur les matières premières. Voyez seulement comment la Chine s’efforce de contrôler des matières premières comme les terres rares pour en faire une arme stratégique. La mondialisation heureuse ne peut être que responsable et maîtrisée.
Soyons lucides, l’Europe joue sa survie.
Une déflagration en chaîne entraîne les pays les uns après les autres dans la débâcle. On croyait le FMI réservé aux pays du Sud. Désormais, il doit se mobiliser pour les économies du nord : d’abord la Grèce, ensuite l’Irlande. Déjà les marchés lorgnent leurs prochaines victimes : le Portugal, l’Espagne, plus loin l’Italie.
L’euro qui était notre bouée – et qui l’a encore été pendant la crise, rappelons-le – l’euro ne doit pas devenir notre boulet, à cause de postures dogmatiques et de querelles de gouvernements. L’euro trop fort c’est des usines qui ferment et des emplois qui partent.
Ayons la lucidité d’admettre que notre pays souffre.
Il y a une dépression française.
La France est fatiguée. Chez beaucoup de Français il y a le sentiment d’être à bout, qu’après déjà beaucoup d’efforts, ils ne peuvent plus faire face et qu’il suffirait d’un accident de plus pour que survienne le dérapage.
La France a peur. Elle a peur pour son avenir, qu’elle sent confusément plus dur que le présent, elle a peur de sa jeunesse, elle a peur du monde et de la mondialisation parce qu’elles remettent en cause nos positions.
La France enfin se referme sur elle-même. A l’heure où dans le monde on entend s’exprimer l’optimisme et l’enthousiasme de peuples entiers, en France, on vit sous l’emprise d’un nouveau mal du siècle. Du sentiment que tout a déjà été dit, écrit, inventé, essayé.
La vérité de la France de 2010, c’est l’enfermement que nous subissons chaque jour Qui peut dire que nous soyons vraiment libres de nos choix ?
Les conditions de travail créent des dépendances insupportables.
C’est vrai pour le travail posté, où tout est réglé et minuté dans les moindres détails. C’est vrai pour l’agriculture. Je l’ai vu en Haute-Saône en rencontrant une famille d’éleveurs laitiers. Ils se sentent sous la coupe des prix fixés par la centrale d’achat. C’est vrai pour les PME face aux grandes entreprises qui sont souvent leur donneur d’ordre unique, comme me l’ont dit ces entrepreneurs à Dijon.
Face à l’Etat aussi, combien de dépendances pesantes.
Dans notre Etat-Providence, l’assistanat empêche de donner les moyens de sortir de la misère. On maintient en survie sans chercher à donner d’autre perspective que la colère.
Les artisans, les travailleurs indépendants, les professions libérales sont soumis à une bureaucratie tatillonne et paralysante. Tout le monde est d’accord pour dire qu’il faut embaucher. Quand on le fait, combien de déclarations, de formulaires, de contrôles, décourageant même les plus motivés ?
Le contribuable, quant à lui, supporte une fiscalité complexe et trop souvent incompréhensible.
En un mot, la société française étouffe dans un carcan.
Le diplôme dicte chez nous le cours d’une vie. Comme si tout était écrit une fois pour toutes. Pourtant qu’est-ce qui compte vraiment ? Le mérite, l’énergie, la volonté. Les quartiers deviennent des zones fermées dont on ne parvient plus à sortir. Quel gâchis, quand on en connaît les énergies, le désir d’initiative, les espoirs. De même, les discriminations nées de l’ignorance, de la haine ou de la peur empêchent de vivre selon sa liberté, face au racisme, à l’antisémitisme, face à la xénophobie et à l’homophobie.
Pourquoi sommes-nous ainsi plongés dans l’impuissance ?
C’est l’effet de la lassitude de notre démocratie. On nous a dit de laisser faire les experts, de dormir tranquille. Aujourd’hui, le réveil est brutal. Le système politique s’enferme dans les surenchères et dans les réponses toutes faites, comme s’il n’y avait jamais rien de nouveau, à part l’anecdote, le sensationnel et les querelles de personnes.
C’est le résultat de la coupure des pouvoirs avec le peuple. Qui peut encore croire que la solution viendra d’en haut ? Qu’elle viendra des certitudes du pouvoir ? Je suis convaincu que seuls les Français peuvent créer le sursaut. Voilà pourquoi je vais à leur rencontre et suis à leur écoute.
Nous n’arrivons pas à faire des choix assumés parce que nous avons les mains liés. Nous avons renoncé à l’exigence d’indépendance.
Nous n’engagerons notre redressement qu’à force de volonté commune et de choix assumés. Or nous n’y arrivons pas, parce que nous avons les mains liées. La France doit s’en redonner les moyens. La clé, c’est l’indépendance, c’est-à-dire l’équilibre entre la responsabilité et la solidarité, qui encourage, qui aiguillonne, qui accompagne. Se libérer de toutes les dépendances, c’est la condition pour choisir sa vie et aller vers les autres.
Notre République s’est construite sur l’idéal de l’indépendance. On oublie que ceux qui ont fait la France, ceux qui ont donné la République à la France pendant la Révolution ont été avant tout des hommes libres, des citoyens émancipés, des producteurs indépendants. De même, au cœur de la IIIe République, il y a l’aspiration à l’indépendance défendue par Gambetta et Clemenceau. Sans même évoquer ici la haute figure du général de Gaulle. Aujourd