L’affaire Karachi va connaître de nouveaux développements dans la semaine avec l’audition attendue de Dominique de Villepin par le juge Renaud van Ruymbeke consacrée à l’arrêt des commissions décidé par Jacques Chirac en 1995 sur deux grands contrats d’armement.
L’ancien Premier ministre a fait part vendredi de « très forts soupçons » de corruption (« rétrocommissions ») en 1995 vers des décideurs français en marge de contrats d’armements, qu’il a confirmés dimanche tout en précisant qu’il n’y avait « pas de preuve formelle ».
« M. de Villepin n’a aucunement modifié sa position à ce sujet », a souligné son avocat, Me Olivier Metzner, lundi à l’AFP.
Il a précisé que son client serait entendu « dans la semaine, conformément à sa demande », par le juge Renaud van Ruymbeke, qui enquête sur un volet financier de l’affaire.
« M. de Villepin n’entend mener aucun combat politique, mais simplement faire état, par respect des victimes et souci de vérité, de tout ce qu’il a eu à connaître en tant que secrétaire général de l’Elysée » lorsque Jacques Chirac a ordonné en 1995 l’arrêt de certaines commissions, selon Me Metzner.
L’ancien Premier ministre avait parallèlement assuré sur TV5 dimanche qu’ »à (sa) connaissance, il n’y a aucun lien » entre l’arrêt de certaines commissions et l’attentat qui a coûté la vie à quinze personnes dont onze salariés français de la Direction des Constructions navales (DCN) en 2002 à Karachi.
L’ex-cadre supérieur de l’armement Michel Mazens, témoin clé dans l’affaire, a assuré lundi dans Libération qu’il ne faisait également aucun lien entre ces deux événements, souhaitant préciser ses propos tenus devant le juge.
Les familles de victimes de l’attentat, à l’origine de la demande d’audition de M. de Villepin, exigent également que soit entendu comme témoin Alain Juppé, Premier ministre en 1995, pour qu’il s’exprime sur ce qu’il sait de l’interruption des commissions.
Devant le juge van Ruymbeke, l’ancien ministre de la Défense Charles Millon avait révélé que le versement des commissions sur les contrats Agosta (sous-marins vendus au Pakistan) et Sawari II (frégates vendues à l’Arabie Saoudite) avait été interrompu en 1995 en raison de soupçons de rétrocommissions fondés sur des vérifications menées par les services de renseignement.
Plus prudent, Alain Juppé a confirmé qu’à son arrivée à Matignon en 1995, Jacques Chirac lui avait dit qu’il avait « donné instruction au ministre de la Défense de suspendre le versement de certaines commissions liées à des ventes d’armes », parce que tout ça n’était « pas clair ». Cette instruction « a été appliquée, je n’en sais rien de plus », a-t-il précisé.
De son côté, le juge antiterroriste Marc Trévidic, chargé de l’enquête sur l’attentat, a demandé la déclassification de documents auprès d’Alain Juppé, ministre de la Défense, à la suite de la promesse de Nicolas Sarkozy de communiquer tous les documents demandés « en temps et en heure ».
Il s’agit de documents qu’il n’a pas obtenus lors de sa précédente demande de déclassification en mai, selon une source proche du dossier.
« Le juge est très mécontent après les propos du chef de l’Etat promettant que des documents seraient transmis en temps et en heure. Ces déclarations montrent que tous les documents qu’il souhaitait ne lui ont pas été transmis », a estimé Me Olivier Morice, l’avocat de familles de victimes, auprès de l’AFP.
Pour sa part, le député PS Bernard Cazeneuve, rapporteur de la mission d’information parlementaire sur Karachi qui a achevé ses travaux en mai, a demandé la création d’une nouvelle mission pour faire la lumière sur les éléments nouveaux.
Source: AFP