Intervention de Dominique de Villepin au Congrès de l'UNPI
envoyé par clubvillepin
Intervention de Dominique de Villepin au Congrès de l’Union Nationale de la Propriété Immobilière (UNPI) le jeudi 21 octobre 2010 au Palais des Congrès à Paris.
Je suis heureux de m’exprimer ici devant vous à l’occasion de votre congrès.
Nous le voyons. Le patrimoine immobilier, ce n’est pas seulement de la valeur, c’est aussi une part du lien social, un porteur de sens et de durée. C’est un enjeu essentiel pour notre pays de parvenir à marier une exigence forte de justice sociale et le souci constant de l’efficacité économique. La recherche de cet équilibre est au cœur de mon engagement et de celui de République Solidaire. Cette conception impose des responsabilités.
Je veux saluer ici le travail de L’Union nationale de la propriété immobilière, une organisation très responsable et féconde en propositions à la fois raisonnables et innovantes.
En témoigne par exemple l’excellent accord du 13 décembre 2006 que nous avions signé sur la modération des loyers de 2007, avec une recommandation que vous aviez adressée à vos adhérents de limiter la hausse à 1,8% et d’agir autant que faire se peut sur le niveau des charges. J’observe d’ailleurs qu’actuellement les hausses de loyer du secteur libre sont inférieures à celles du secteur social.
Le rapport du président Perrin au secrétaire d’Etat au logement, au début de cette année, concernant un régime de location-accession adapté au secteur privé en constitue un autre exemple, très remarquable, et je me permets de vous dire que je souscris très largement aux propositions que vous faites. Le loyer devient un revenu défiscalisé pour le propriétaire, puisqu’il s’agit d’une vente à paiement échelonné, et l’accédant, au prix d’une faible augmentation de ses charges, peut concrétiser son rêve de devenir propriétaire.
Vous êtes au cœur de deux grands défis de la France
1.Premier défi, gérer l’offre de logements, c’est s’adapter à une France qui change.
Et la France traverse de grands changements.
o Un changement démographique tout d’abord. Le besoin de logement est globalement en forte progression, car le nombre de ménages augmente deux fois plus vite que la population, en raison de la baisse constante de la taille des ménages due à de nouveaux modes de vie, à l’augmentation des divorces, aux familles recomposées. C’est pourquoi, aujourd’hui, un tiers des départements français connaissent un phénomène important et inquiétant de vacance de logements.
o Il y a aussi un changement social avec le désir croissant de la population française, traditionnellement plus locataire, d’accéder à la propriété. Le logement est à la fois un grand secteur économique, une préoccupation quotidienne pour tous nos compatriotes et un vaste domaine d’intérêt général à l’équilibre duquel l’Etat doit constamment veiller.
o Un changement territorial enfin, en raison de l’inadéquation de l’offre entre territoires déficitaires et surdotés. On sait rarement que le rythme actuel de constructions de logements en France est à peu près suffisant, mais que les logements ne se construisent pas là où on en a besoin.
Ces changements sont la cause de l’inadéquation entre l’offre et la demande de logements. Si beaucoup de locataires ne trouvent pas de logement, beaucoup de propriétaires ne trouvent pas de locataires. Le résultat c’est une double pénalisation : des loyers trop élevés pour beaucoup de Français, un accès à la propriété impossible dans les grandes agglomérations, tandis que beaucoup de propriétaires ne bénéficient pas des fruits attendus de leurs investissements, quand ils ne sont pas confrontés à des situations financières très difficiles faute de loyers. Quelles en sont les causes ?
o La première est une législation trop restrictive en matière d’urbanisme et de construction, qui affecte les parties de notre territoire où l’offre est insuffisante. On doit pouvoir construire plus et surtout plus vite, là où les tensions sur le marché immobilier sont les plus fortes. Une procédure protectrice n’est pas plus efficace parce qu’elle est interminable. Nos grandes villes ne se transforment pas assez vite. Nous avons, de ce point de vue, des textes à simplifier mais surtout des pratiques administratives à faire évoluer.
o L’autre anomalie, à l’origine du déséquilibre du marché de logement en France, est fiscale : l’immobilier est globalement sur-fiscalisé et l’Etat tente, partiellement et maladroitement, par des dispositifs changeants, de promouvoir la production de logements. Mais il aboutit généralement à stimuler la construction là où elle est souvent le moins nécessaire. La chronique immobilière des dernières années en fournit maints exemples. Quels sens ont ces avantages fiscaux coûteux pour le Trésor public, qui poussent à construire là ou sévit déjà la vacance des logements ?
2. Deuxième défi, dans une France manquant de cohésion sociale, la propriété immobilière ne doit pas être une barrière mais le barreau d’une échelle. Comment faire ?
En favorisant l’accession à la propriété. Elle progresse régulièrement mais faiblement, concernant désormais 58% des Français. Elle doit être encouragée, en évitant les excès qui sont, comme chacun le sait, à l’origine de la crise financière avec les subprimes. L’investissement immobilier privé doit aussi avoir, dans cet ensemble, toute sa place. Ceci requiert de la part de l’Etat une politique claire, stable, reposant sur une juste appréciation des réalités, ne laissant pas perdurer des déséquilibres dommageables, reconnaissant l’apport économique et social des uns et des autres. C’est le souhait, pour l’avenir, que je voulais formuler devant vous aujourd’hui.
En favorisant la mixité sociale locative par l’incitation fiscale. Ne nous privons pas de l’inventivité qui nous permettrait, à l’instar de certains de nos partenaires européens, de marier l’investissement privé et le soutien à la mixité sociale des quartiers ou à l’intérieur des immeubles.
En favorisant aussi la propriété collective coopérative pour favoriser le logement alternatif, intergénérationnel. Il n’y a pas de concurrence des formes d’investissement immobilier mais seulement une complémentarité dans le cadre d’une régulation efficace de l’offre de logements.
3. L’objectif c’est bien de réaliser ensemble le droit au logement pour tous et la garantie de la propriété privée au service de la croissance économique. Il y a là trois enjeux essentiels pour une action concrète.
Premier enjeu, la garantie du droit au logement. C’est avant tout la tâche du secteur de l’habitat social. Le parc social a évidemment son rôle à jouer, sa rénovation est un enjeu d’importance nationale. Le respect par l’Etat des engagements pris en 2003 dans le programme national de rénovation urbaine est impératif. Mais une réforme s’impose pour le rendre plus efficace. C’est pourquoi mon gouvernement avait adopté pour le logement social la démarche du Droit Opposable et c’est pourquoi il faut des mécanismes de lissage des déséquilibres de l’offre et de la demande (petits logements pour étudiants) éventuellement au prix de maximum de loyers pour une période transitoire.
Deuxième enjeu, la fiscalité nationale sur l’immobilier, pour favoriser l’investissement. Nous devrons, à l’avenir, à la fois réformer et stabiliser la fiscalité immobilière dans son ensemble. Sujet complexe, s’il en est, sur lequel, là aussi, l’UNPI a pris de nombreuses et utiles initiatives.
o Reconnaître l’importance de l’investissement immobilier privé, c’est admettre que la fiscalité immobilière se rapproche, autant que possible, du droit commun. C’est ainsi que je propose une règle simple d’amortissement des constructions pour le calcul des revenus fonciers. Cet amortissement des actifs immobiliers, dont la part correspondant au foncier serait exclue, serait linéaire, assez long, pour correspon
dre à la période au terme de laquelle des travaux de rénovation sont nécessaires. L’ensemble des revenus fonciers resteraient globalisés, les déficits imputables à un bien se déduisant d’éventuels autres revenus de location.
o Nous pourrions également envisager que la TVA soit applicable à une partie des locaux donnés à bail par le propriétaire d’un immeuble, alors qu’aujourd’hui l’option est globale. Ceci permettrait d’optimiser la situation d’immeubles comportant à la fois des logements et des locaux commerciaux.
Troisième enjeu, la fiscalité locale. Mais c’est aussi pourquoi il faut reconsidérer la fiscalité immobilière. Je sais que l’évolution de l’impôt foncier des collectivités locales vous préoccupe. C’est à juste titre.
o En privant les collectivités d’autres ressources évolutives, et en transférant notamment aux départements des charges à croissance forte, je pense aux dépenses sociales, l’Etat a organisé une tentation permanente pour les collectivités locales, celle d’exploiter au maximum les contributions dont elles déterminent les taux. C’est plus qu’un risque, c’est une quasi-certitude. Nous abordons là un plus vaste sujet, qui est celui des relations entre l’Etat et les collectivités territoriales, de la détermination entre celui-ci et celles-là de leurs compétences respectives. Disons pour simplifier qu’il est anormal de faire supporter aux collectivités des charges relevant par nature de la solidarité nationale, comme le RSA, dont toutes les modalités sont uniformes sur le territoire national.
o Une fois faite la clarification de ces compétences et la redistribution corrélative des charges, il n’y aura plus de raison que la fiscalité locale continue de croître à un rythme soutenu comme elle l’a fait ces dernières années. Sous cette hypothèse, je pense, comme vous, qu’un encadrement de la progression de la taxe sur le foncier bâti ne serait pas anormal.
Mesdames et messieurs,
Je voudrais le rappeler avec force, le logement de nos compatriotes est un sujet économique et social autant que politique. Nous ne sommes pas réunis pour parler de chiffres abstraits, mais du logement d’un cinquième des ménages dans le secteur locatif libre. La question ne se limite ni au nombre de constructions de logements sociaux, ni aux politiques d’accès à la propriété. Le logement locatif du concerne près de sept millions de nos concitoyens sur 33 millions de logement en France. Le logement a massivement besoin de l’investissement privé et les conditions économiques dans lesquelles se rentabilise l’investissement immobilier revêtent une importance majeure.
Nous devons affronter le défi du changement et de la modernisation de la France dans un monde en mouvement, travaillé par les forces de la mondialisation et affaibli par la crise économique. Pour cela nous devons mobiliser toutes les énergies et avancer avec audace. Vous, en tant qu’acteurs responsables de la propriété immobilière, êtes au cœur de cette grande transformation.
Dominique de Villepin