Pour la députée UMP villepiniste, l’Etat est exsangue, le modèle de la non augmentation des impôts a atteint ses limites et il faut redonner des moyens à la puissance publique. De toute urgence.
Entretien.
Que vous inspire le budget 2011 que vient de présenter le gouvernement ?
Nous sommes au bout d’un modèle. D’habitude, on attend de la loi de finances, même si elle prévoit de nécessaires économies, qu’elle donne l’impulsion d’une politique à conduire. Pour la première fois, la seule impulsion visible est celle de la réduction des déficits publics où, par nécessité, chaque million économisé compte. Nous sommes comme un ménage surendetté à qui l’on dirait : « surtout, pensez à éteindre la lumière quand vous quittez une pièce ». Voilà l’échelle où nous sommes rendus dans l’exercice budgétaire. En réalité, le ménage surendetté sait très bien que la solution à ses problèmes passerait par l’arrivée de ressources nouvelles, grâce à une hausse conséquente de ses revenus.
Qu’entendez-vous exactement quand vous parlez de la fin d’un modèle ?
Il faut redonner des ressources à notre modèle économique et social. Le dogme de la non augmentation des impôts, sur fond de bouclier fiscal maintenu et d’incantation à la réduction de la dépense a atteint ses limites. Dépenser moins et mieux se traduira sans doute par des évolutions vertueuses mais qui porteront sur des marges extrêmement faibles. Surtout, ce dogme nous prive de toute capacité à réenclencher un projet collectif pour lequel une réforme fiscale s’impose. Nous n’avons que trop tardé, pour des raisons purement politiciennes et par frilosité, à ouvrir ce débat. Le théorème qui prévaut dans l’économie française, selon lequel zéro euro d’augmentation d’impôt fabrique un euro de croissance est erroné. Je crois plus à une dynamique où un euro d’impôt supplémentaire engendrera deux ou trois euros de croissance.
Comment imaginez-vous concrètement cette réforme fiscale ?
Je pense à une politique fiscale enthousiasmante, adossée à un projet collectif sortant de cette corrélation où l’impôt est, soit profondément injuste, soit confiscatoire selon que l’on se place du côté des classes moyennes ou des plus aisés de nos compatriotes. Nous allons devoir réinvestir. Quand on parle éducation, recherche, domaines d’excellences, où la France, osons le dire, a été déclassée, nous ne pouvons pas nous résigner. L’intervention de la puissance publique peut nous permettre de retrouver une dynamique compétitive.
Mais comment une politique fiscale peut elle être enthousiasmante ?
En étant tout d’abord fondée sur des principes républicains d’équité et de justice. Le fameux « Chacun contribue en fonction de ses capacités ». Quand le doute s’installe, les politiques fiscales sont détournées. L’exemple le plus criant c’est le bouclier. L’idée que la puissance publique puisse faire un chèque de restitution aux plus gros contribuables est insupportable aux yeux de la majorité des Français et crée une suspicion collective préjudiciable à la cohésion nationale. Il faut aller vers une plus grande progressivité, d’un impôt reconnu pour son équité et lisible par tous, grâce à une architecture fiscale suffisamment simple, non dérogatoire. Pour atteindre cet objectif, un rééquilibrage de la fiscalité des revenus du patrimoine et du travail s’impose. Le président de la République, rappelons-le, a voulu revaloriser le travail. C’est la fameuse formule « Travailler plus pour gagner plus ». Le corollaire, c’est aussi avoir un revenu disponible plus important. Pourtant, la fiscalité du travail est restée deux fois plus lourde que celle du patrimoine. Voilà le socle sur lequel on peut adhérer à un projet partagé et effectivement enthousiasmant.
Cette idée d’une grande réforme de la fiscalité est -presque- déjà inscrite comme un débat de premier plan, lors de la prochaine campagne présidentielle…
Je ne pense pas que l’on puisse attendre cette échéance pour mettre en place une réforme fiscale qui n’interviendrait alors qu’en 2013 ou 2014 pour voir ses premiers effets en 2015. Il sera trop tard. Il y a deux ans on aurait encore pu se donner cette marge. Aujourd’hui, nous faisons penser à un vieux coucou sans kérosène, en bout de piste, alors qu’il faudrait remettre les gaz. Prenons un exemple. Nous allons entamer la réforme de la dépendance, avec un modèle exsangue du fait de l’absence de ressources nouvelles. Que risque-t-il d’arriver ? Nous allons faire porter la dépendance par les assurances personnelles. Et donner un coup de canif à notre modèle social en refusant de considérer la dépendance comme un risque engageant la solidarité nationale, pour prôner le chacun pour soi. La gaulliste sociale que je suis ne peut l’imaginer. La crise a mis à terre les thèses libérales. Il nous faut maintenant repenser l’intervention publique, redéfinir le rôle de l’Etat, inventer le « mieux d’Etat ». Au lieu de mener une politique du rabot, qui ne répond qu’à une logique arithmétique
Source: Valeurs Actuelles