Dominique de Villepin était, ce vendredi, l’invité du Talk Orange Le Figaro. Les principaux points de son intervention…
Sur les retraites
« Il faut à la fois savoir satisfaire à un impératif de réforme (…) et en même temps, il faut pouvoir rassembler très largement et faire en sorte que cette réforme, qui est nécessaire, puisse être la réforme de tous les Français. Or il manque aujourd’hui un élément important dans cette réforme. (…) Il y manque une exigence de justice. C’est là où il faut que le gouvernement soit capable de faire encore un effort supplémentaire, si l’on veut que cette réforme soit une réforme qui s’inscrive dans la durée, si on veut que cette réforme réussisse.
Et je préconise que l’on trouve un compromis, là où c’est sans doute le plus facile. J’ai compris que le gouvernement ne transigerai pas sur le passage de l’âge légal de 60 ans à 62 ans. Je pense que sur le deuxième seuil, le passage de la retraite à taux plein de 65 ans à 67 ans, il y a la possibilité d’en rester à 65 ans, tout simplement parce que ceux qui feront les frais de ce passage à 67 ans, ce sont les plus précaires et ce sont surtout les femmes. 50% des femmes seront amenées, si la réforme est votée, à partir à la retraite à 67 ans. Cela a un coût: 6 milliards d’euros. Faisons en sorte que dans le cadre d’une meilleure répartition de l’effort national, eh bien, ceux qui sont le plus à même de financer cette réforme le fassent. Ils sont un peu mis à contribution pour le cas actuel (…), je crois qu’il y a encore un effort supplémentaire à faire. »
Sur le CPE
« Il vaut mieux toujours anticiper sur le blocage, s’ouvrir et écouter. Il y a aujourd’hui une occasion de rassembler très largement les Français. Et je souhaite que le gouvernement écoute. (…) Il y a toujours le risque que certains secteurs stratégique, les transports, que les jeunes se mobilisent: c’est ce que j’ai connu, moi, avec le CPE.
La conjoncture était particulière avec le CPE: non seulement il y a eu une mobilisation des jeunes, ce qui est un élément effectivement très important dans le risque de blocage, mais il y avait en plus une mobilisation d’une partie de ma propre majorité, et y compris Nicolas Sarkozy, qui se se sont opposés à cette réforme et qui l’ont rendu impossible. »
Sur la nécessité du « compromis »
« La capacité à trouver un compris qui rassemble, un compromis pour l’action, un bon compromis, ce n’est pas édulcorer une réforme. Une bonne réforme, c’est une réforme qui est comprise et c’est surtout une réforme qui est juste. J’ai la conviction que si la réforme passe telle quelle (…), eh bien la majorité le paiera très cher en 2012. La tentation de devenir le Capitaine Courage de la politique, je l’ai eue moi-même en 2006 avec le CPE. S’arc-bouter sur ses certitudes, avoir la conviction qu’on peut tout faire changer, c’est une tentation qui existe. Parfois, elle se paie très cher. »
Sur le budget 2011
« L’exigence d’économies s’impose à tous. Il est important que ce budget reflète les moyens dont dispose la France et nous devons faire preuve d’esprit de responsabilité. En même temps, nous avons un équilibre à trouver entre la lutte contre les déficits et, en même temps, la nécessité de sauvegarder la croissance. (…) Si nous ne voulons pas étouffer la croissance, nous devons trouver cet équilibre et c’est dans la durée et dans la préservation du consensus que se trouve à mon sens la réponse. Nous n’avons aucune chance de revenir à l’équilibre, comme le pense le gouvernement, en 2013. Il nous faudra de 10 à 12 ans pour faire face aux déficits qui sont les nôtres. »
Sur les prévisions économiques du gouvernement
« Elles ne sont pas trop optimistes, elle sont tout simplement utopiques. Elles ne se réaliseront pas. Nous savons tous qu’il est impossible de réduire, comme le gouvernement le souhaite, avec une croissance très faible (la croissance 2011 sera inférieure aux prévisions, entre 1 et 1,5%): avec une croissance aussi faible, il n’y a pas de possibilité de revenir à l’équilibre, comme cela est annoncé aujourd’hui. (…)
Le redémarrage est technique. Les entreprises ont reconstitué leurs stocks. Est-ce que cela veut dire qu’il y a aujourd’hui davantage de confiance dans l’avenir? Est-ce que cela veut dire aujourd’hui que les Français sont prêts à consommer davantage? Je ne le crois pas. Il y a une inquiétude par rapport à cet avenir. Il y a par ailleurs une compétition mondiale extrêmement rude. Sachons donc ne pas nous tromper sur le diagnostic que nous portons sur la conjoncture actuelle. »
Sur la possibilité, évoquée par Jean-Pierre Grand, de ne pas voter le budget 2011
« Nous verrons. Nous ne connaissons pas encore les termes exacts de ce budget. Le gouvernement a des choix à faire. Il faut que ce budget soit à la fois courageux et en même temps réaliste. C’est à partir de la présentation du budget que l’on pourra décider de la meilleure réponse à apporter. »
Sur les propos de François Fillon selon qui Dominique de Villepin menait la même politique sécuritaire que lui
« Je menais une politique avec une exigence qui est celle, à la fois du respect de la loi et du respect de chaque communauté, à aucun moment en ne discriminant une communauté pour une communauté, comme l’a montré la circulaire qui avait été signée par le Ministère de l’Intérieur. (…) Les expulsions collectives ne sont pas conformes à la loi, qui doit, c’est le terme de la loi, décider de mesures individuelles. (…) Par ailleurs, l’évolution depuis l’interview de François Fillon m’a donné raison. A la fois, les grands observateurs internationaux, à la fois l’Union Européenne, le Parlement et la Commission, le Pape et les Nations Unies, sans même parler des principaux partenaires européens de la France. Donc à un moment donné, il ne faut pas nier la réalité. Il y a eu un problème cet été et la France, à travers le Président et le gouvernement, la France ne s’est pas grandie par cette politique. Je crois qu’il faut savoir tourner les pages. On ne gagne jamais dans la surenchère. C’est vrai en matière de sécurité intérieure, c’est vrai en matière de lutte contre le terrorisme. Tout ceci, parce que c’est difficile, demande de l’équilibre, de la mesure et de la responsabilité. »
Sur sa candidature à l’élection présidentielle de 2012
« Nous verrons bien. J’ai toujours refusé la personnalisation du pouvoir. Ce qui m’intéresse, c’est une stratégie de rassemblement, c’est une stratégie républicaine, et puis c’est offrir une alternative républicaine à une politique qui, à mon sens, n’a pas tenu ses promesses et malheureusement ne donnera pas aux Français les résultats qu’ils espèrent. »
Sur la Tribune publiée par François Baroin, Jean-François Copé, Christian Jacob et Bruno Le Maire
« L’objet de la tribune, c’était de dire qu’il faut faire de la politique autrement et qu’il faut essayer d’éviter les erreurs qui ont été commises au cours des dernières années. (…) Nous savons que la politique évolue vite. Les choses peuvent changer d’ici 2012. Les quatre que vous avez cités (trois anciens ministres et mon ancien directeur) sont des amis proches et j’écoute toujours avec beaucoup d’attention ce qu’ils disent. »
Sur la candidature de Jean-François Copé au Secrétariat général de l’UMP
« C’est un homme de talent: il peut briguer beaucoup de places. Je ne suis pas sûr que nous soyons dans un temps où il soit essentiel pour les Français que l’on se répartisse les postes. Donc j’observe avec quelque détachement et un
peu d’inquiétude la tentation qui existe aujourd’hui au sein de l’UMP de se répartir les différents postes. Et je regrette le spectacle qui est donné à Biarritz qui ne me paraît pas à la hauteur des enjeux d’aujourd’hui. Mais dans le cas particulier, c’est vrai que c’est un homme de talent. Quand j’ai rencontré Nicolas Sarkozy la veille de son élection, il était venu prendre le petit déjeuner avec moi, il m’avait demandé quelques conseils et je lui avais tout particulièrement recommandé Jean-François Copé, parce qu’il avait été, dans mon équipe, un ministre non seulement fidèle, mais très efficace. »