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Dominique de Villepin dans Jogging International (2/3): "Plus c'est difficile, plus j'éprouve le besoin de courir"

Dominique de Villepin aux 20kms de Paris en octobre dernier

La deuxième partie de l’interview donnée par Dominique de Villepin au mensuel Jogging International…

Vous êtes parvenu à courir tous les jours dans ces conditions?

Tous les jours. Plus c’est difficile, plus j’éprouve le besoin de courir. Plus les journées sont longues, plus je cours. La course n’est pas la variable d’ajustement dans une journée, mais bien le contraire. La course est encore plus indispensable lorsque la charge de travail est lourde.

Même de 2005 à 2007 lorsque vous étiez Premier ministre de Jacques Chirac?

Ca m’était difficile, mais j’essayais, même courtement, de courir. J’ai beaucoup couru dans le parc de Matignon, qui, honnêtement, n’est pas le meilleur endroit pour cela, c’est même très frustrant. On n’a jamais le plaisir de courir. A l’Elysée, c’est pire, parce que c’est encore plus petit.

Vous souvenez-vous de votre premier marathon?

Mon premier marathon, je crois bien qu’il s’agit du marathon de Paris, en 1980. J’étais à l’ENA. Je devais avoir 24 ans.

Qu’est-ce que la course à pied représente pour vous?

Le dépouillement. C’est ce que je trouve extraordinaire dans la course à pied. Pour moi, ce n’est pas simplement une activité physique, mais une ascèse du quotidien. C’est le goût du sport qui dépasse le sport, qui devient une hygiène de vie, une morale personnelle. Quand vous faites un marathon, vous ne pouvez pas tricher. Il y a des valeurs que l’on partage avec tous ceux qui sont là. Chacun part avec ses atouts et ses handicaps. Il y a une simplicité que j’aime dans ce sport. Le marathon vous oblige à beaucoup d’humilité. Une fois de plus, il n’y a pas de différence sociale, pas de différence culturelle. Chacun se donne du mal avec ses acquis. C’est ce qui était très touchant quand le marathon de Paris s’est ouvert aux handicapés: il y avait cette solidarité qui rassemble tous les coureurs, valides ou non. J’aime cette morale. On se bat surtout contre soi-même, on se bat pour se dépasser, mais aussi pour partager. On prend le départ avec l’élite.

Où avez-vous fait votre meilleur temps?

2h57 au marathon de l’Essonne. Mais je suis partagé à propos de ce marathon. C’est à la fois un bon et un mauvais souvenir. Paradoxalement, c’est un marathon où j’ai cassé. J’ai fait une bêtise de course de néophyte. J’étais vraiment très entraîné et je suis parti très vite, sur une base inférieur à 2h40, pendant les trente premiers kilomètres. Je me sentais tellement bien au 33è que j’ai suivi un groupe de trois coureurs qui couraient, au train, substantiellement plus vite que moi. Je devais faire du 15 km/heure; ils sont passés nettement au-dessus. Je me sentais bien, j’ai accéléré. Un kilomètre plus tard, boum, j’ai explosé. J’ai dû marcher facilement un bon kilomètre et demi. Cela a été une expérience instructive sur les erreurs qu’on peut commettre en course, même quand on est habitué. Une bêtise d’autant plus grande qu’à l’arrivée, j’étais bien. J’ai été chercher mon frère et mon beau-frère qui étaient derrière; j’ai dû refaire 8 ou 9 km. J’étais bien, mais voilà, j’ai vraiment mal géré ma course.

Quels étaient vos objectifs?

Mon objectif a toujours été de faire moins de 3 heures. D’autant que j’en avais un autre, plus secret, que je n’ai malheureusement jamais atteint: je voulais faire les minima en moins de 2h45 pour m’aligner sur Boston. C’est une frustration. Il y a trois choses que je n’ai pas faites mais que j’espère encore réaliser: le marathon de Boston, les 100 km de Millau et le Marathon des Sables. Je m’entraîne au Racing avec toute une équipe qui fait le Marathon des Sables: Christophe Brun et toute la bande. En fait, c’est la longue distance qui m’intéresse. Ce qui me passionne, c’est de passer des caps. Il ne s’agit pas de se faire mal, mais de ressentir ce que l’on éprouve. Pour moi, la course, c’est un formidable régulateur de stress, un régulateur alimentaire aussi. Parce que j’adore manger, j’adore bien boire, je fais beaucoup d’excès alimentaires. Pendant les périodes de fort entraînement, je ne coupe jamais tout. Je bois moins de vin, mais je n’interromps pas ma consommation. Je cherche à goûter pleinement le bonheur de courir et en même temps à vivre mieux.

Est-ce que vous avez initié vos proches à la course?

Dans ma famille, ma soeur, mon frère et mon beau-frère ont fait le marathon, j’ai deux ou trois neveux qui l’ont fait également. Ma femme en a fait deux. Et là, j’avoue qu’elle m’a bluffé. Surtout le premier qu’elle n’aurait jamais dû faire puisqu’elle ne s’était pratiquement pas entraînée. Une folie que je déconseille formellement à tout le monde. Mais bon, nous n’étions pas encore mariés… (éclats de rire). Nous étions partis ensemble au Touquet pour un week-end. Je voulais absolument rentrer pour le marathon de Paris. Ma femme n’était pas contente et me disait que je lui cassais vraiment les pieds avec mes marathons. Nous avons réussi à rentrer quand même le dimanche matin mais elle faisait « la tête ». Pour l’amadouer, je lui ai suggéré de faire les dix premiers kilomètres et elle a accepté. Il faut dire qu’elle courait et m’accompagnait souvent dans des sorties, mais jamais plus de 10 à 15 km. Elle est partie sur un coup de tête et elle a réussi à terminer en moins de 5 heures. Et le deuxième en moins de 4 heures !

Suivez-vous un plan d’entraînement?

De mon temps, la méthode de référence, c’était celle de Serge Cottereau. Je m’alignais sur la préparation de l’époque. il avait l’intelligence d’adapter les préparations au niveau de chacun. C’était notre sujet de conversation par excellence. En course, on échangeait nos pratiques, nos recettes, nos malheurs, nos bobos. Mais je ne suis jamais entré dans une logique scientifique. Si l’on veut faire moins de 2h30, il faut s’y mettre sérieusement. Autrement, ça n’a pas beaucoup de sens.

Source: Jogging International (propos recueillis par Pascal Meynadier, avec Jean-Baptiste Tréboul et Philippe Maquat)

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