Chaque weekend du mois d’août, retrouvez notre série « Le précurseur »: un florilège d’écrits de Dominique de Villepin choisis par Miss Nicopéia.
Septième épisode ce dimanche 22 août, sur le thème de la responsabilité.
Extrait du requin et la mouette, par Dominique de Villepin
« Ce livre enfin a muri grâce à une expérience que je souhaite faire partager. Tout ce qui se passe en dehors de nos frontières a désormais une répercussion sur notre vie quotidienne. Du ministère des Affaires étrangères au ministère de l’Intérieur, j’ai mesuré combien la continuité l’emportait sur la rupture, qu’il s’agisse de la défense de nos idéaux et de nos principes ou de la lutte contre les démons de la haine, du racisme et de l’antisémitisme. Il n’y a pas d’un côté les questions internationales, de l’autre les problèmes intérieurs, mais une seule et même destinée dont nous sommes tous responsables.
(…) Ce qui se joue, c’est d’abord la réconciliation de l’homme avec lui-même.
(…) Ce qui se joue aussi, c’est la réconciliation de l’homme avec l’autre.
(…) Ce qui se joue enfin, c’est la réconciliation de l’homme avec son environnement. Nous disposons des moyens de ruiner ou de faire disparaître notre planète, Nous courons le risque de saccager sans retour ce monde qui assure notre subsistance et notre survie. Au nom de cette force nouvelle, héritée des progrès de la technique, nous avons une responsabilité, garantir à nos enfants qu’ils vivront dans un environnement préservé des dégradations les plus graves, un environnement qui sera moins un potentiel à exploiter qu’une ressource à protéger.
(…) Au cœur du tourbillon, à nous de trouver la volonté d’un arrachement. C’est la difficulté de notre époque: nous travaillons une matière en fusion, qui n’attend pas. Et pourtant rien ne serait pire que de renoncer. Dans tous les domaines, de la science à l’économie, des relations internationales à l’art, l’exigence d’une éthique fondée sur l’homme est plus forte que jamais si nous voulons redonner corps et sens au progrès.
(…) Nous voici à ce point crucial où s’entrevoit la possibilité d’une réconciliation entre la puissance et la grâce, entre le ciel et la mer, entre le requin et la mouette, parfaite alliance des contraires célébrée par les philosophes et les poètes. Oui, une nouvelle fraternité est possible. »
Source: Dominique de Villepin – « Le requin et la mouette », Albin Michel, 2004, introduction, pp.11, 12, 14, 15, 17
Extrait de Hôtel de l’insomnie, par Dominique de Villepin
» Mon souci est là: vivre sous le signe d’un salut fraternel, attiré par une étoile et suspendu à l’espérance d’une parole solidaire.
(…) Je n’ai jamais imaginé une vie qui ne soit consacrée au service d’une passion, loin des rivalités du quotidien. Alors, servir les autres, servir la beauté, avec l’assurance de se brûler. Mais n’est-ce pas la meilleure façon de combattre l’injustice?
(…) Que reste-il alors du combat de nos nuits, si ce n’est une flamme qui sauve?
Voilà que ce journal est devenu un carnet de résistance. Je ne crois pas que la politique puisse nous sauver de nous-mêmes. (…) Ceux qui, au fil des nuits, parlent à travers ces pages, le disent avec force: il y a encore une idée de l’homme à défendre.
(…) L’insomnie n’est pas l’apanage de quelques uns, elle est le devoir de tous. Des cœurs nous pressent, des tâches nous obligent, comme la mémoire de certains lieux nous habite. »
Source: Dominique de Villepin – « Hôtel de l’insomnie », Plon 2008, pp 12, 16, 194, 195