Secrétaire d’Etat aux Personnes handicapées en 2004-2005 dans le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, Marie-Anne Montchamp est, depuis sa création en juin, la porte-parole de République solidaire, le parti de Dominique de Villepin.
Députée du Val-de-Marne, elle pourrait à la rentrée quitter le groupe UMP pour créer avec une quinzaine d’autres dissidents de droite et du centre, – dont le président du Modem, François Bayrou – un nouveau groupe parlementaire à l’Assemblée Nationale.
Sommes-nous arrivés, après trois années d’exercice du pouvoir par Nicolas Sarkozy, à un point de non-retour ?
Je le pense. Nous sommes à un vrai tournant marqué par trois renoncements de l’exécutif, qui provoquent dans la majorité des clivages politiques de plus en plus palpables. Le premier est le renoncement à la réforme. On nous a dit « il faut réformer » et l’on nous propose des mesures à courte vue. La seule question que l’on se pose est : sont-elles compatibles avec le socle acceptable par l’électorat de droite ?
L’exemple des retraites en est l’illustration : on a juste reculé de deux ans l’âge de départ en espérant que cela ne compromettrait pas 2012. Et on a oublié de préciser qu’il faudra ensuite prendre des décisions budgétaires douloureuses, puisqu’il faut trouver 90 milliards d’euros. Le second renoncement est plus profond : on n’ose plus regarder la société française en face. Une société qui a ses peurs, ses contradictions. Mais on préfère ne pas les voir. Qu’est-ce qui fait aujourd’hui la famille ? Quel doit être le rôle de l’Etat. Quels sont les risques en matière de santé ? Qu’attend-on, en positif comme en négatif, des migrations ? Toutes les options que nous propose l’exécutif font l’impasse sur ces questions. On se voile la face. Le troisième renoncement c’est qu’on ne voit plus rien au-delà des échéances électorales de 2012. On sait qu’il faut rétablir l’équilibre des finances publiques, et qu’on ne pourra pas le faire sans augmenter les impôts. Mais on continue de faire comme si cela n’existait pas. On attend 2012.
Le remaniement annoncé, s’il est de grande ampleur, ne peut-t-il pas renverser la vapeur ?
L’espoir est toujours possible. On peut changer, repartir sur de bonnes bases. Mais cela risque d’être difficile. Il faudrait beaucoup de courage à l’exécutif pour renoncer à ses dogmes. Les politologues disent qu’on ne peut rien changer en fin de mandature. Alors on ne fait rien, tout en sachant, que les mesures décidées en 2007 ne sont plus adaptées à la situation de 2010 ?
Par exemple le paquet fiscal de 2007 ?
Evidemment. L’affaire Bettencourt aura au moins servi à une chose démontrer l’ineptie du bouclier fiscal. Comment peut-on demander au pays des efforts pour redresser ses comptes, réformer les retraites, et faire un chèque de 30 millions d’euros en faveur d’une des plus grosses fortunes de France ? Allez parler après de justice fiscale !
République Solidaire, le mouvement de Dominique de Villepin dont vous êtes la porte-parole, peut-il offrir aux électeurs de droite et du centre une alternative politique ?
L’engagement de Dominique de Villepin n’est pas né d’un coup de tête. Si les libertés n’avaient pas été mises à mal, il n’y aurait pas eu ce besoin de créer République Solidaire.
Vous vous êtes rapprochée de François Bayrou et envisagez de crée à l’Assemblée nationale un nouveau groupe politique, à côté de l’UMP et du Nouveau Centre. Cela peut-il se concrétiser à la rentrée ?
François Bayrou et Jean Lassalle ont du mal à se faire entendre comme députés non-inscrits. Autour de République Solidaire, nous sommes une dizaine de députés UMP. Pour constituer un groupe politique, il faut être quinze. Nous disposerions à ce moment des moyens de nous faire entendre. Cette démarche est engagée, et si elle se concrétise à la rentrée, elle peut rassembler bien au-delà de République Solidaire et du Modem.
La semaine dernière, lors des débats sur les retraites en commission des finances, vous avez mis le gouvernement en difficulté. Cela préfigure-t-il le bras de fer de la rentrée ?
La commission des finances est un excellent laboratoire de l’alternative. Les deux débats sur le budget 2011 et le financement de la sécurité sociale seront des moments intéressants. Jusqu’à quel point l’exécutif peut-il continuer à se contredire en parlant rigueur, sans remettre en cause ses dogmes ?
Source: Libération (Propos recueillis par François Wenz-Dumas)