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Dominique de Villepin: jusqu'où ira-t-il?

En transformant le Club Villepin en formation politique, l’ancien Premier Ministre compte ses troupes avant de s’engager dans une bataille incertaine, dont lui-même n’a pas encore défini les règles.

Claude Chirac deviendrait la directrice de la communication du Club Villepin. Aussi improbable soit-elle, la rumeur qui a parcouru le milieu politico-médiatique il y a deux semaines témoigne d’une dynamique tout à fait réelle. Et si l’annonce du départ de la fille de l’ancien président de la République du groupe PPR, où elle était en poste depuis 2007, a fait fantasmer quelques amoureux de la politique-fiction, l’histoire a déclenché cette confidence d’un membre de l’équipe Villepin : « Nous voyons de plus en plus Jacques Chirac, et des proches de sa fille nous soutiennent effectivement… Mais pour l’instant, pas elle. Cela dit, elle est la bienvenue. »

De fait, la rumeur traduit une vraie peur chez les sarkozystes : un soutien, même discret de cet ancien président de la République si populaire, à l’ennemi personnel de l’actuel chef de l’État serait du plus mauvais effet pour l’Élysée.

D’ailleurs, Chirac n’a-t-il pas reçu son ancien premier ministre pendant près d’une heure et demie dans ses bureaux, à la fin mai, après avoir déjeuné avec lui en février ? Et pire : les journaux ne rapportent-ils pas, à l’instar du Point de la semaine dernière, les lauriers désormais tressés par le vieux briscard, inlassable arpenteur de marchés, à l’action politique de celui qui fut un peu trop longtemps à son goût un homme de cabinet ? En cette matière, les compliments de celui à qui les qualités de campagne valurent le surnom de « bulldozer » par Pompidou valent tous les diplômes…

Pour autant, derrière ce tableau idyllique, tout n’est pas si rose au pays de Villepin. Car si l’ancien président de la République ne cache plus l’enthousiasme que lui procure l’aventure solitaire de son ancien premier ministre, dans les faits, ses soutiens sont assez rares, d’autant plus que certains s’éloignent, parfois avec l’aide de Nicolas Sarkozy. Ainsi de Georges Tron, devenu secrétaire d’État à la Fonction publique lors du dernier remaniement, et qui appelle désormais l’ancien premier ministre à ne pas « diviser » la majorité, tout en se définissant toujours comme villepiniste.

Plus éloquent encore, le cas du député de la Drôme Hervé Mariton, franc-tireur de l’UMP, et jusqu’ici soutien indéfectible du gaulliste, malgré des opinions parfois différentes. Celui-ci a annoncé la semaine dernière qu’il ne rejoindrait pas le nouveau mouvement de Villepin : « Je conserve beaucoup de sujets de convergence avec lui, confie celui-ci, mais aussi quelques sujets de divergence, qui se sont accentués récemment. » En cause notamment, la position de celui-ci sur l’Otan, la burqa, ou encore la réponse à apporter à la crise : « Nous ne positionnons pas le curseur au même endroit entre hausse des impôts et économies budgétaires. »

Héritier d’un certain gaullisme social, l’ancien premier ministre s’est en effet récemment prononcé pour une augmentation des prélèvements. Un point qui a aussi fait tiquer le député et maire de Vannes, François Goulard, pourtant fervent villepiniste. Pas de quoi le décourager pour autant : le parlementaire sera bien présent lors du lancement du mouvement, samedi, amenant avec lui plusieurs bus de sympathisants du Morbihan.

Quels objectifs politiques pour sa nouvelle formation ?

Parmi ses fidèles, Dominique de Villepin peut aussi compter sur l’ancien ministre de l’Outre-Mer, Brigitte Girardin, présidente du Club Villepin et cheville ouvrière du futur mouvement, le député du Val-de-Marne Marie-Anne Montchamp, très critique avec la politique menée par le gouvernement, son collègue du Finistère Jacques Le Guen, ou encore sur le parlementaire de l’Hérault, Jean-Pierre Grand.

Des soutiens suffisants pour animer un club… mais peut-être pas assez pour lancer une structure plus ambitieuse. Pour ne rien arranger, l’ancien premier ministre peine à définir une stratégie pour sa future formation. Seule certitude, le terme de mouvement est préféré à celui de parti, et la double appartenance sera possible avec d’autres organisations politiques. Quid des élections, des alliances ? Porteur, comme Bayrou en 2007, d’un espoir de renouveau, Villepin a attiré à lui des milliers de militants prêts à s’engager. Mais s’il ne structure pas son mouvement en donnant rapidement un horizon à ses sympathisants, ceux-ci s’en iront. Et la présence parmi eux d’un grand nombre d’anciens membres du MoDem devrait l’alerter sur cette éventualité.

Pourtant, Villepin a commencé à changer. Personne n’aurait ainsi parié il y a dix ans que l’énarque allait prendre goût aux bains de foule, poussant l’exploit jusqu’à rester encore plus longtemps que Chirac au Salon de l’agriculture. Et s’il ne s’intéresse pas encore beaucoup à l’appareil, les déplacements de campagne semblent n’avoir plus aucun secret pour lui. Il y a deux semaines, l’ancien premier ministre s’est ainsi rendu au Val-Fourré, cité sensible de Mantes-la-Jolie, en banlieue parisienne. L’occasion pour lui de soigner son image en recevant un accueil plus que chaleureux devant les caméras, et de cultiver sa fibre sociale au son des Chants du roi repris en choeur par deux Sénégalaises en boubou.

Là, passant d’une salle de boxe à un stand de disques de rap sous les cris de « Villepin président », l’ancien premier ministre se met presque à danser lorsque le son monte des enceintes, provoquant les sourires de la foule. Mieux, lorsque le jeune vendeur conquis lui offre un album, Villepin, royal, sort son portefeuille et insiste pour régler la note. Commentaire immédiat du jeune homme : « Hé, regardez, Sarko il aurait jamais payé lui ! » Et l’homme politique de sourire, ravi de la comparaison, avant d’enfoncer le clou en regrettant que le gouvernement oublie trop souvent « la réalité sociale », « la frustration, l’humiliation, et le manque de reconnaissance » dans les quartiers sensibles : « La politique, dans les quartiers, ne peut pas seulement être sécuritaire. La sécurité ne doit être qu’un élément d’une politique, elle ne constitue pas en soi une politique. » De quoi marquer sa différence avec le président de la République. Un exercice ardu et tout en nuances : être l’anti-Sarkozy, sans faire d’antisarkozysme. D’autres à droite se sont essayés au paradoxe… Sans succès.

La politique est affaire de temps, Villepin le sait mieux que tout autre, lui qui comparaîtra dans un an devant la cour d’appel de Paris dans le cadre du procès Clearstream. S’il était relaxé une seconde fois, l’événement serait parfait pour lancer sa candidature à la présidentielle. Mais le souhaite-t-il vraiment ?

Au début du mois, on apprenait que l’ancien premier ministre était en train d’acheter un hôtel particulier pour y vivre et installer son cabinet d’avocats… Comme s’il n’était pas vraiment décidé à se lancer dans la bataille politique. Conquérir la seule fonction qu’il juge digne de sa condition d’ancien premier ministre, n’estce pas pourtant un métier à plein temps ?

Source: Valentin Goux (Valeurs Actuelles – Numéro paru le 17 juin 2010)

Idées: ses vraies différences avec Sarkozy

Retraites: « La première mesure de justice c’est de jouer, non pas sur le report de l’âge légal mais sur le nombre d’annuités de cotisation, tout simplement parce que cela ne pénalise pas ceux qui ont commencé tôt à travailler et qui ont souvent connu les métiers les plus durs. » (RMC, le 29 mai)

Impôts: « Il faut agir sur deux pieds, à la fois sur le levier de la dépense publique et à travers les impôts. » (France Inter, le 20 mai)

Télévision publique: « À la veille de la présidentielle de 2012, va-t-on donc revenir à la diffusion d’une très officielle « voix de la France », à la tél
é comme à la radio ? Pareille perspective et pareil risque seraient non seulement une atteinte grave à notre démocratie républicaine… » (Manifeste cosigné dans Télérama, le 2 juin)

Déficits: « Angela Merkel voit une France qui donne des leçons et qui ne s’applique pas les règles élémentaires aujourd’hui de bonne gestion. » (AFP, le 8 juin)

Burqa: « Il ne faut pas le faire sur le coup de la passion, de l’émotion. La décision d’une interdiction générale ne me paraît pas conforme aux besoins, je crois qu’il faut éviter de surréagir dans ce domaine. » (AFP, le 22 avril)

Afghanistan: « L’intervention militaire en Afghanistan est aujourd’hui le problème. Ma conviction est qu’elle cristallise un certain nombre d’oppositions. On a aggravé le mal. » (Débat à Sciences Po, le 1er février)

Otan: « On n’entend pas davantage la France dans l’Otan et le rayonnement de la France n’en est pas accru, contrairement au pari qu’avait fait le président de la République. » (Mediapart, le 20 mai)

Proche-Orient: « J’ai été stupéfait de ne pas entendre suffisamment la France, dans les heures qui ont suivi ce drame de Gaza, comme je n’avais pas assez entendu la voix de la France au moment de l’intervention israélienne à Gaza. » (Dimanche +, le 6 juin)

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