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Dette sociale: devant la Commission des Finances, Marie-Anne Montchamp met en garde contre une "crise systémique"

Sans attendre la conférence des déficits, Marie-Anne Montchamp remet le sujet de la dette sociale sur le tapis. La députée UMP a présenté mercredi devant la commission des Finances une communication critiquant la « politique d’équilibriste » du gouvernement. « On frôle la crise systémique », n’hésite pas à dire l’élue villepiniste.

Le problème est connu, mais il prend un tour particulier avec la crise de la dette qui secoue l’Europe. L’Acoss (l’Agence qui centralise la trésorerie des organismes de Sécurité sociale) cumule actuellement deux années de déficit de la Sécurité sociale. Le besoin de trésorerie dépasse déjà les 30 milliards d’euros, et il devrait atteindre 56 milliards à la fin de l’année, selon les informations obtenues par Marie-Anne Montchamp.

Ces chiffres sont moins dégradés que les prévisions, mais ils n’en sont pas moins « préoccupants ». Le gouvernement ayant décidé de ne pas transférer ces déficits vers la Caisse d’amortissement de la dette sociale, l’Acoss doit combler elle-même ces besoins de financement.

Pour se financer, l’Acoss a, jusqu’à présent, utilisé deux prêts (d’un an) de la Caisse des dépôts et consignations (pour 80 % du besoin de financement), et des billets de trésorerie (pour 20 % de ses besoins). Cela ne manque pas de souligner des faiblesses puisque d’une part la CDC a des limites de prêts, et d’autre part, déjà l’Acoss (qui a levé au total 6,7 Mds € à fin mars) représente près de 20 % du marché français des billets de trésorerie, instruments de financement de court terme par nature. Ce mois-ci, l’Acoss aura recours à un emprunt sur le marché international, avec l’appui de l’Agence France Trésor.

« Ce mode de financement à très court terme rend l’Acoss particulièrement exposée au risque de taux ». L’Acoss est ainsi devenue « emprunteur supplémentaire public » sur les marchés, avec de ce fait, puisqu’elle se finance à court terme, un vrai risque d’illiquidité. « Le financement à court terme de son déficit fait peser un risque trop important sur l’Acoss, estime la députée du Val-de-Marne. La Cour des comptes l’a signalé, tout comme l’agence de notation Standard & Poor’s, que j’ai auditionnée récemment ». L’élue demande que le Parlement soit informé de façon beaucoup plus précise de l’évolution de la trésorerie et des conditions d’émission de dette.

Au-delà de ces questions techniques se cache un débat de fond sur les prélèvements obligatoires. Pour transférer plus de dette à la Cades, il faudrait en effet accroître ses ressources, en l’occurrence la CRDS. « Il faut être courageux et augmenter les ressources de la Cades en relevant le taux de la CRDS. Cette contribution supplémentaire ne devra pas être incluse dans le bouclier fiscal », juge Marie-Anne Montchamp.

Source: Vincent Collen (Les Echos)

Le texte de l’intervention de Marie-Anne Montchamp devant la Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

La Commission entend la communication de Mme Marie-Anne Montchamp sur le suivi (tableau de bord) des comptes sociaux.

Le président Jérôme Cahuzac: Nous allons entendre Mme Marie-Anne Montchamp, par ailleurs notre rapporteure pour avis du projet de loi de financement de la sécurité sociale depuis trois ans, qui nous a alertés il y a quelques mois sur le problème de l’accumulation des déficits restant à la charge de l’ACOSS (Agence centrale des organismes de sécurité sociale). Ceci l’a amenée à souhaiter que soit réalisé un suivi régulier, détaillé et prospectif de l’ensemble des comptes sociaux.

Je rappelle que pour remplir sa mission, qui lui a été confiée au cours de notre réunion du 10 février dernier, Marie-Anne Montchamp dispose, en vertu de l’article 57 de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, des pouvoirs d’un rapporteur spécial.

Marie-Anne Montchamp, rapporteure: Depuis 2007, j’assure un suivi des finances sociales en vue de vous présenter le rapport pour avis sur les lois de financement de la sécurité sociale. À la commission des Finances, nous avons l’habitude d’étudier la question des comptes sociaux selon un rythme annuel, à partir des chiffres du mois de juin de la Commission des comptes de la sécurité sociale, et jusqu’à la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

Il me semble utile que la Commission examine ces comptes plus souvent, pour plusieurs raisons : tout d’abord, l’évolution de la trésorerie de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et de son financement reflète des phénomènes économiques et financiers qui pourraient nous échapper autrement ; d’autre part, nous avons constaté en 2009 que le déficit de l’ACOSS augmentait fortement, tout en laissant cet organisme gérer cette charge qui continue à croître ; il m’a donc semblé indispensable de suivre la façon dont l’ACOSS parvenait à financer cette charge alors que son rôle est de gérer la trésorerie.

C’est ainsi que je vous propose un « tableau de bord » périodique, qui nous permettra de suivre l’évolution des comptes sociaux sans attendre le rendez-vous du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ce document, encore imparfait, sera complété et amélioré dans ses prochaines versions mensuelles. Il pâtit par ailleurs du fait que les systèmes d’information et d’analyse des comptes de la sécurité sociale sont insuffisants. Mon souhait d’améliorer le suivi infra-annuel va dans le sens des préconisations de la mission sur les dépenses d’assurance maladie conduite par M. Raoul Briet.

En premier lieu, le tableau de bord présente l’évolution de la trésorerie de l’ACOSS. Celle-ci a pour mission de gérer la trésorerie de la sécurité sociale au jour le jour. Or, à cette mission s’ajoute actuellement la charge de refinancer par des instruments de court terme le déficit de l’année précédente – qui constitue donc une dette et non plus un découvert de trésorerie.

Les chiffres montrent aussi des évolutions qui n’avaient pas été anticipées au moment de la préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2010. Ainsi, les encaissements sont moins mauvais que prévu en raison d’une moindre dégradation de la masse salariale fin 2009.

En deuxième lieu, le tableau de bord présente l’exécution du plan de financement de l’ACOSS tel qu’il a été élaboré au moment de l’examen du PLFSS pour 2010. Je me permets de vous rappeler la structure de ce plan de financement : le système d’avances prédéterminées de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) qui prévalait auparavant a été remplacé par un prêt de la CDC à taux fixe en deux tranches de 15 milliards et 5 milliards d’euros. La première tranche du prêt a été débloquée pour un an le 1er janvier 2010 à 1,24 %. La deuxième tranche du prêt a été débloquée pour un an le 9 mars 2010 à 1,22 %. Au-delà de cet « emprunt socle », il est prévu une ligne de trésorerie au jour le jour de 11 milliards d’euros auprès de la CDC, facturée au taux Eonia majoré de 16 points de base bp. Par ailleurs, l’ACOSS peut également avoir recours à des billets de trésorerie, dont 15 milliards d’euros au maximum par émissions sur les marchés, jusqu’à 5 milliards d’euros souscrits par les trésoreries sociales et au besoin, environ 5 milliards d’euros souscrits par l’Agence France Trésor (AFT). Enfin, comme les billets de trésorerie risquent de ne pas suffire à couvrir les besoins en fin d’année 2010, un programme d’euro commercial papers a été prévu pour un montant maximal de 20 milliards d’euros. N’étant pas « outillée » pour ce type d’émission, l’ACOSS bénéficiera donc pour le financement de ses besoins complémentaires du support de l’Agence France Trésor (AFT), qui lui servira pour ce faire de prestataire de service sur le plan technique.

Enfin, le tableau de bord présente les dernières données relatives à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES). Bien que l’horizon de travail de cette caisse ne soit pas mensuel, j’ai tenu à présenter certaines données car une partie de la dette sociale est financée à court terme, ce qui constitue une anomalie. La CADES profite des taux à court terme qui sont actuellement très bas, mais elle s’expose au risque de les voir remonter, qui n’est pas négligeable. Cette éventualité, si elle se réalisait, aggraverait le coût de la dette, et pourrait même conduire à l’impossibilité de trouver des financements à moyen ou long terme dans un contexte où tous les émetteurs chercheraient à échanger des emprunts de court terme contre des emprunts de long terme.

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p>En conclusion, je rappelle que le choix du Parlement, sur proposition du Gouvernement, de ne pas transférer le déficit de l’ACOSS à la CADES fin 2009, et de faire comme s’il s’agissait d’un déficit de trésorerie, n’est pas soutenable. Le déficit est structurel, si bien qu’il va continuer à augmenter au-delà de 2010. Dans le contexte d’une croissance économique ralentie, environ 30 milliards d’euros de déficit supplémentaire par an sont à prévoir dans les années à venir.

Il est dangereux de laisser à l’ACOSS le soin de gérer une dette. La finançant à court terme, elle s’expose au risque de taux. De surcroît, elle fait appel au marché sans être en mesure d’indiquer aux investisseurs une date de fin de sa situation déficitaire. Sur fonds de crise systémique en Europe, cette attitude est très risquée.

Je tiens ce discours depuis deux ans, mais l’actualité me donne des arguments supplémentaires.

(…)

Daniel Garrigue, député UMP de la Dordogne: Je voudrais saluer le courage avec lequel la Rapporteure aborde un sujet hautement sensible. Ce sujet est sensible financièrement : les mécanismes de financement de la protection sociale sont vulnérables, à la différence des mécanismes de financement de l’État, reposant sur l’accumulation des déficits. Ce sujet est aussi sensible politiquement : j’imagine mal que l’on puisse traiter ce sujet sans aborder la question des ressources. Or, le bouclier fiscal, sur lequel on refuse un débat politique, constitue un blocage à l’accroissement des ressources. La communication de Mme Montchamp est explosive, et il sera difficile de la contenir dans l’enceinte de la commission des Finances.

(…)

Source: Nos Députés

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