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Retraites (2/3): Les sujets clefs de la réforme

Les questions et sujets clefs de la réforme des retraites…

La réforme des retraites en six questions

1) Pourquoi une réforme maintenant?

La dernière en date -la loi Fillon d’août 2003, entrée en vigueur le 1er janvier 2004- prévoyait des mises au point tous les quatre ans : il s’agissait d’ajuster les paramètres de la réforme en fonction de l’évolution économique et démographique constatée. En 2008, ce rendez-vous a bien eu lieu, confirmant la nécessité de l’allongement de la durée de cotisation de 40 à 41 ans. Un rendez-vous technique était prévu pour 2010.

C’est cette simple rencontre que Nicolas Sarkozy a transformée en échéance politique majeure : le 22 juin, s’adressant -pour la première fois- au Parlement réuni à Versailles, le président de la République annonce que « 2010 sera un rendez-vous capital. Il faudra que tout soit mis sur la table: l’âge de la retraite, la durée de cotisation, la pénibilité ».

Pourquoi ouvrir ce chantier? Alors que les déficits publics ont explosé sous l’effet de la crise (ils flirtent avec les 8% du produit intérieur brut), le chef de l’Etat se refuse à augmenter les impôts pour les résorber (on verra que, ces derniers jours, il a écorné cette promesse). La réforme des retraites, elle, concerne les dépenses: on fait des économies en travaillant plus longtemps. Elle permet donc de s’attaquer aux déficits sans forcément augmenter les impôts ou les cotisations.

2) Quelle est l’ampleur des déficits?

Pour justifier l’urgence de la réforme, l’exécutif avait besoin d’une expertise indiscutable: celle du Conseil d’orientation des retraites (COR) l’est, puisque s’y retrouvent patronat, syndicat et représentants de l’Etat, afin de réaliser des « diagnostics partagés ».

Le 14 avril, le COR a publié ses nouvelles projections (les dernières datent de 2007, avant la crise). Au jour d’aujourd’hui, les déficits de l’ensemble des régimes de retraite obligatoires s’élèvent à 25 milliards d’euros, un montant initialement prévu pour… 2020.

3) Quel est le calendrier de la réforme?

  • Le 12 avril, Eric Woerth, ministre du Travail et de la Fonction publique, a rencontré les organisations syndicales et patronales (une par une) tout au long de la journée. L’objectif est de parler méthode et non pas du fond, les choses sérieuses ne commençant qu’après la publication du rapport du COR, le 14 avril.
  • Ensuite, jusqu’à fin avril, il y aura des rencontres bilatérales, entre Eric Woerth, Georges Tron (secrétaire d’Etat à la Fonction publique), et chaque organisation syndicale et patronale.
  • Début mai, Eric Woerth, après avoir rencontré et écouté les partenaires sociaux, présentera les différentes options possibles, même celles dont le gouvernement ne veut pas. Tout au long du mois de mai, le COR publiera le chiffrage des différentes propositions, y compris les plus extrêmes (travailler jusqu’à 65 ans)
  • Mi-juin, le gouvernement rendra publiques ses propres options. La date n’est pas innocente : elle a été choisie pour ne pas interférer avec le congrès de la CFDT (du 7 au 11 juin à Tours). De nouvelles consultations auront lieu sur la base de ce document.
  • Courant juillet, le texte définitif de la réforme sera présenté en Conseil des ministres. L’Elysée espère le faire durant la première quinzaine du mois pour éviter d’être accusé de faire passer une réforme en catimini, pour cause de torpeur estivale. Le débat devrait avoir lieu au Parlement à la rentrée de Septembre, de façon à ce qu’un texte soit voté au mois d’octobre.

4) Qui est concerné ?

Tout le monde, répète Nicolas Sarkozy : c’est à dire les salariés du privé, les fonctionnaires et les bénéficiaires de régimes spéciaux. La nomination d’Eric Woerth comme ministre du Travail ET de la Fonction publique, reflète ce choix. Jusqu’à présent, les réformes avaient été « saucissonnées » : celle de 1993 n’a concerné que les salariés du privé, celle de 2003, ces derniers et les fonctionnaires. Celle de 2007, les agents des régimes spéciaux. Mais la volonté d’impliquer tout le monde ne signifie pas que les spécificités (ou avantages) des uns et des autres vont disparaître.

5) Quelles sont les pistes possibles?

  • L’allongement de la durée de cotisation: il est très probable. La loi Fillon de 2003 établissait un principe : les gains d’espérance de vie, s’ils se poursuivent au rythme actuel, seront partagés à hauteur de deux tiers pour la vie active, et d’un tiers pour la retraite. Ainsi quelqu’un qui aura 60 ans en 2030, devra avoir travaillé durant 42 ans et un trimestre.
  • La hausse de l’âge légal, actuellement fixé à 60 ans. Il est probable, pour deux raisons. D’abord, c’est la mesure qui rapporte le plus d’argent à court terme. Ensuite, les marchés financiers et la Commission de Bruxelles regardent cet indicateur avec attention : la France est l’un des rares pays à afficher un âge légal aussi bas. Le relever serait ressenti par nos partenaires étrangers comme le signe d’une réforme sérieuse.
  • La hausse des prélèvements: elle était tabou jusqu’à la fin mars. Mais, en recevant les députés le 31 mars, Nicolas Sarkozy a évoqué un « petit effort » demandé aux Français. Le sujet reste encore flou, mais il est assez probable que (au moins) certaines catégories de contribuables devront payer plus pour financer les retraites.
  • La question de la pénibilité: c’est la seule mesure « douce » actuellement prévue. L’idée que ceux qui font des métiers pénibles doivent pouvoir partir avant les autres est unanimement approuvée. Mais quel contenu lui donner? Les partenaires sociaux ont négocié en vain sur le sujet. Le gouvernement a décidé de le reprendre. Il va s’appuyer sur les critères retenus par les partenaires sociaux, ceux de « facteurs d’exposition » (travail de nuit, en chambre froide, exposition aux intempéries). Reste à savoir comment ces facteurs seront déterminés et qui va payer.

6) Quelle est la position des principaux acteurs syndicaux et patronaux ?

  • La CGT: elle est opposée à toute remise en question de l’âge légal et à l’allongement de la durée de cotisation. Pour financer les retraites, elle estime qu’il faut améliorer l’emploi et trouver d’autres sources de financement (élargir l’assiette des cotisations, taxer davantage les revenus financiers…).
  • La CFDT: elle est le seul syndicat à vouloir un changement radical de système (elle est favorable aux comptes notionnels qui permettent à chacun de recevoir ce qu’il a versé, et de savoir à tout moment de sa vie active à quoi il aurait droit). Comme cette option a été éliminée d’office par le gouvernement, elle devra raisonner dans le système actuel. Elle aussi, comme tous les syndicats à l’exception de la CFE-CGC, est hostile à une augmentation de l’âge légal. En revanche, elle serait prête à accepter une hausse de la durée de cotisation, à condition qu’elle soit assortie de contreparties. Mais elle attend son Congrès pour se déterminer : les retraites en seront un morceau de choix.
  • Force Ouvrière: refuse tout allongement de la durée de cotisation ou de l’âge légal. Et milite pour une augmentation des cotisations salariales et patronales, la taxation des dividendes, des plus values sur actions, etc.
  • Le Medef: veut porter l’âge légal de 60 à 63,5 ans à partir de 2012. Il s’oppose à toute hausse de cotisation.

Source: Corinne Lhaïk (L’Express)

La réforme des retraites en 10 sujets clefs

L’horizon et le cadrage

La réforme de 2003 avait pour horizon 2020 : c’est en particulier jusqu’à cette date qu’est fixée, pour l’heure, la rè
gle d’une augmentation de la durée de cotisation proportionnelle à celle de l’espérance de vie. Cette fois, le gouvernement devrait prévoir un horizon plus lointain, probablement 2030. L’échéance de 2050 est jugée trop lointaine : elle impliquerait d’afficher dès aujourd’hui un report très important de l’âge de départ. Autre question clef sur le cadrage de la réforme : s’agit-il de prendre des mesures résorbant entièrement ou partiellement le besoin de financement ? En 2003, le gouvernement affichait un objectif d’équilibre pour le privé. Mais le besoin de financement prévisionnel pour le public (Etat, collectivités) en 2020 était encore considérable (16 milliards d’euros) et rien n’était prévu pour le combler, si ce n’est une hausse de la contribution de l’Etat.

Age légal et/ou durée de cotisation

Pour retarder l’âge de départ, le gouvernement peut d’abord augmenter la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d’une pension à taux plein. C’est la logique des réformes de 1993, 2003 et 2008 (régimes spéciaux). La durée atteindra 41 ans en 2012 (2016 pour les régimes spéciaux) et 41,5 ans en 2020. Si l’exécutif prolongeait au-delà le principe d’une hausse proportionnelle à l’espérance de vie, on atteindrait 42 ans en 2030 et 43,5 ans en 2050. Problème : cela pénaliserait les personnes qui ont commencé à cotiser tard (études, périodes de chômage non indemnisé en début de carrière). Autre solution : relever l’âge légal minimal d’ouverture des droits à la retraite, aujourd’hui fixé à 60 ans. La plupart des syndicats s’y opposent, car cela pénaliserait les salariés qui ont commencé à travailler très jeunes et qui cotisent déjà plus que nécessaire. Dans tous les cas, le nécessaire développement de l’emploi des seniors sera aussi invoqué.

La pénibilité

La réforme de 2003 prévoyait la mise en place de mesures en faveur des salariés exerçant des métiers pénibles (horaires décalés, port de charges, etc.). Mais après l’échec des négociations interprofessionnelles, qui ont patiné de 2005 à 2008, le sujet est au point mort. Les syndicats exigent un mécanisme de départs anticipés à la retraite pour les salariés concernés. Une telle mesure serait cependant complexe à mettre en oeuvre, aurait un coût élevé et risquerait d’aboutir à recréer des régimes spéciaux, ce que le gouvernement exclut. L’Elysée a promis que le sujet serait bien sur la table mais estime qu’il dépasse le cadre des retraites. L’exécutif privilégie des mesures ciblées favorisant le maintien dans l’emploi et les aménagements de carrières.

Les recettes

Les projections du Conseil d’Orientation des Retraites (COR) montrent que même avec des hypothèses « extrêmes » sur l’âge légal et la durée de cotisation, le besoin de financement prévisionnel des régimes (environ 100 milliards d’euros en 2050) ne sera pas entièrement couvert. L’Elysée a levé le tabou sur une hausse des prélèvements, au nom de l’équité. Reste à savoir s’il s’agira d’une mesure à portée essentiellement politique (taxer les plus aisés) ou si l’exécutif en attend des rentrées financières importantes. En janvier, François Fillon avait par ailleurs affirmé que le principe de la loi de 2003 prévoyant une hausse des cotisations retraite compensée par une baisse des cotisations Unedic (empêché par la crise) restait d’actualité même s’il ne pourrait intervenir tout de suite.

Le niveau des pensions

Pour ceux qui sont déjà à la retraite, la loi assure un maintien du niveau de vie, les pensions étant revalorisées au même rythme que l’inflation. Les salariés en activité, eux, s’inquiètent du taux de remplacement dont ils bénéficieront, c’est-à-dire du pourcentage de leur dernier salaire que représentera leur première pension. En 2003, la CFDT avait obtenu que les salariés ayant fait toute leur carrière au SMIC soient assurés de toucher une retraite représentant 85 % du SMIC, via un relèvement du « minimum contributif » (qui majore les périodes cotisées avec de faibles rémunérations). Cette garantie pourrait être reconduite, le gouvernement n’ayant, semble-t-il, pas trouvé d’autre recette miracle. Les syndicats réclament surtout que le taux de remplacement cesse de se dégrader pour l’ensemble des salariés : il est tombé à 43 % du dernier salaire, quand le régime de base du privé (CNAV) est censé garantir 50 %.

La fonction publique

Le relèvement de l’âge légal ou de la durée de cotisation concernera tant le public que le privé, les régimes étant désormais harmonisés sur ce point. Mais au-delà ? « C’est un des sujets de référence, ce n’est pas forcément LE sujet de référence », a prudemment indiqué Georges Tron, secrétaire d’Etat à la Fonction publique sur Radio J. « C’est un sujet qu’on ne peut pas enlever de la discussion globale, mais on ne peut pas pour autant en faire un préalable », a-t-il ajouté. Un temps envisagée par François Fillon, la refonte du mode de calcul de la pension des fonctionnaires (basé sur les 6 derniers mois de salaire au lieu des 25 meilleures années dans le privé) est moins à l’ordre du jour, car jugée complexe et risquée : il faudrait prendre davantage en compte les primes pour la retraite, ce qui pénaliserait fortement les enseignants (qui en ont peu). Sauf à augmenter les salaires. Compliqué et cher. L’exécutif réfléchit à d’autres mesures telles que l’augmentation du taux de cotisation, la création d’une caisse de retraite publique ou encore la fin du droit à départ anticipé après 15 ans de service pour les mères de trois enfants.

Les avantages familiaux

Les autres avantages de retraite accordés au titre des enfants (assurance-vieillesse des parents au foyer, bonifications de pensions, etc.) ne devraient pas être bouleversés. Le gouvernement vient d’en réformer l’un des plus importants : la majoration de durée d’assurance, pour se mettre en conformité avec la jurisprudence européenne sur l’égalité hommes-femmes.

Les régimes spéciaux

La réforme de 2008 a prévu l’alignement progressif de la durée de cotisation des régimes spéciaux (SNCF, RATP, EDF, GDF, etc.) sur le régime du privé et des fonctionnaires : elle atteindra 41 ans en 2016. Mais l’âge légal de départ, lui, est loin d’être harmonisé. Les cheminots peuvent notamment partir à compter de 55 ans (comme les carrières « actives » chez EDF), et même 50 ans pour les conducteurs de train. Le relèvement probable de l’âge légal de départ devrait logiquement toucher aussi les régimes spéciaux. Au risque de mettre le feu aux poudres dans les entreprises concernées, alors que la dernière réforme est toute fraîche. En particulier à la SNCF, où le climat social est dégradé.

Le Fonds de réserve des retraites

Prévu pour lisser les besoins de financement après 2020, son existence même va être mise sur la table. Avec des actifs représentant un peu plus de 30 milliards d’euros, son rôle ne peut qu’être limité. Le gouvernement réfléchit à une utilisation anticipée des fonds. La recette actuelle garantie du FRR – prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine et de placements (environ 1,5 milliard par an) -pourrait être fléchée vers la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) si celle-ci se voit attribuer, comme c’est probable, de nouvelles dettes à amortir. Les actifs du fonds pourraient aussi servir à payer les déficits accumulés.

L’épargne retraite

Le gouvernement le répète à l’envi : il s’agit de sauver les régimes de retraite par répartition, pas de mettre en place un système fondé sur la capitalisation. Le patronat milite néanmoins pour la création d’un « étage » de capitalisation. La CFDT demande que l’épargne retraite soit rendue plus accessible a
ux classes populaires et aux salariés des PME.

Source: Les Echos

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