Print Shortlink

Discours de Dominique de Villepin à l'Ambassade du Qatar en France


Dominique de Villepin: « Le monde arabe, un devoir pour la France »
envoyé par clubvillepin

A l’occasion de l’année « Doha 2010, capitale culturelle arabe » et dans le cadre des rencontres organisées sous le thème « le commun culturel entre le monde arabe et la France », l’Ambassadeur de l’Etat du Qatar en France S.E.M. Mohamed Al Kuwari a remis, mardi soir, à Dominique de Villepin et au poète libanais M. Salah Stétié le prix « Doha Capitale Culturelle Arabe ».

L’occasion pour Dominique de Villepin de prononcer un brillant et vibrant discours sur le monde arabe.


Dans son discours, Dominique de Villepin a souligné « le rôle du Qatar dans de grandes médiations diplomatiques, au Moyen-Orient et ailleurs (…) mais aussi dans de grandes initiatives culturelles ».

Il a rappelé l’existence du Centre pour la liberté de la presse de Doha, une « initiative difficile, entreprise avec courage (…) et menée, quelles que soient les difficultés, avec détermination ».

Dominique de Villepin a rendu hommage à son « vieil ami » et « complice », le poète libanais Salah Stétié, qualifié de « réconciliateur de tous ces peuples, de tous ces rivages de la Méditerranée », voulant, par la poésie, « porter sur les fonds baptismaux une Méditerranée capable de se parler et d’agir dans un même sens ».

L’ancien Premier ministre a poursuivi son discours « en faisant référence à (sa) propre histoire »: « Ce monde arabe, je l’ai découvert tôt, puisque né au Maroc, et j’en ai touché très tôt la force, le message. Et pour moi, si je devais résumer combien je fus marqué par cette expérience et ce partage, j’évoquerais trois mots.

Le premier, c’est la mesure du temps. Le temps que l’on touche du doigt sur ces terres, dans le regard de ces hommes, de ces femmes, de ces enfants. Un temps qui n’a pas la même matérialité que chez nous, qui a gardé sa force ancienne, qui a gardé son grain. Un temps qui se mesure à l’aune de nos vies et de nos accomplissements. Un temps qui nous oblige. Un temps qui est à la fois force aiguillon, mais, en même temps, un temps qui se voile parfois de ce sablier qui file, de ce sablier qui voit, grain à grain, ce temps irréversiblement passer. Temps qui se voile de nostalgie, temps qui se voile de poésie.

Mesure du temps, mais peut-être surtout surprise de l’autre, car ce contact avec le monde arabe, c’est d’abord cette surprise d’un être différent, d’un autre qui nous fait découvrir la fraternité, combien nous avons de liens, combien nous avons de coeurs battant en commun.

Mais en même temps, cette étrangeté qui nous renvoie à notre propre différence, à notre propre citoyenneté, à notre propre identité. Oui, nous sommes plus hommes quand nous nous confrontons à cette autre rive. (…)

Il y a très naturellement une quête de l’autre qui nous renvoie à nous-mêmes et qui nous rend plus grands. Je suis convaincu que cette terre arabe, elle est indissociable de notre propre terre. Et que toute peur vis-à-vis de cet autre que nous hésiterions ou ne parviendrions pas à apprivoiser serait un échec, un échec de nous-mêmes, un échec de notre culture, un échec de nos rêves. Et il y a là un défi à relever. (…)

Le monde arabe, c’est pour moi aussi un ailleurs. Un ailleurs qui nous offre un espace que nous n’avons plus, un espace qui nous offre la possibilité d’entreprendre, d’aimer, d’espérer. (…) »

Dominique de Villepin a conclu son propos en évoquant « la politique arabe du Général de Gaulle »: « Oui, je pense que sur cette rive, il y a un devoir pour la France. Et si je devais rappeler un impératif pour notre diplomatie, c’est de ne jamais oublier que cette politique arabe, c’est tout simplement l’exercice du rôle premier de la diplomatie française, son rôle de médiateur, sa vocation à tendre la main à tous ceux qui sont dans la difficulté, dans la crise et qui souffrent.

Cette France qui prend le risque d’aller vers l’autre, cette France qui prend le risque de rendre possible la paix, elle est elle-même. Quand la France se livre à la surenchère, quand la France oublie ce devoir, alors elle perd le sens profond de sa mémoire et de ses devoirs. (…)
Il y a, nous le savons, des solutions possibles. Il y a des hommes, des femmes, des enfants qui espèrent. Et il suffit parfois de peu de choses, de patience, de détermination, d’audace aussi pour que cet ailleurs, cet autre, ce temps deviennent alors notre temps, l’autre notre frère et bien sûr, cet espace, cet ailleurs, notre terre. »

Ecrire un Commentaire