Le procureur de la République de Paris, Jean-Claude Marin, a annoncé, vendredi 29 janvier sur Europe 1, son intention de faire appel de la relaxe de l’ancien premier ministre Dominique de Villepin dans le procès Clearstream. « Tout n’a pas été dit dans cette affaire », a-t-il déclaré. Dominique de Villepin sera donc jugé une deuxième fois, probablement fin 2010 ou début 2011.
Interrogé sur BFM TV, Dominique de Villepin a réagi à l’annonce du procureur Jean-Claude Marin.
« Je connais bien Jean-Claude Marin. Cet appel n’est pas sa décision. Il est sous l’autorité de Nicolas Sarkozy », a déclaré Dominique de Villepin. Selon lui, cet appel du parquet montre que le président de la République « poursuit dans son acharnement ».
« Nicolas Sarkozy préfère persévérer dans son acharnement, dans sa haine », a dit Dominique de Villepin.
« Arrêtez monsieur le président cette haine qui ne peut vous faire que du tort », a-t-il lancé. « C’est un triste spectacle, ce n’est pas un grand jour pour la politique ».
Vendredi 19h42 – Le Matin: Le parquet sous le poids du soupçon
En dévoilant ses intentions vendredi, au lendemain du délibéré, Jean-Claude Marin a tenté de devancer les critiques: « je n’ai pas besoin de recevoir d’instructions de quiconque pour faire appel », a-t-il assuré.
Peine perdue. Dominique de Villepin, a aussitôt dénoncé « une décision politique » et regretté que « la justice soit instrumentalisée » par le président de la République.
Dans les rangs des magistrats, on s’interrogeait aussi, avec une pointe d’agacement.
« Ce qui me gêne, c’est que comme d’habitude, les suspicions sont généralisées sur les décisions prises par le parquet, parce qu’il est dépendant du pouvoir politique », a souligné Christophe Régnard, président du principal syndicat de magistrats, l’USM. « C’est l’image de la justice qui en est éclaboussée ».
L’avocat général Philippe Bilger n’a pas mâché ses mots. « Ce qui me paraît grave, c’est le fait que personne ne croira que (Jean-Claude Marin) a agi librement et spontanément ». En tant que magistrat, il a dit voir dans cet appel « une imprudence judiciaire pour demain » et, en tant que citoyen, « une faute politique ».
En France, contrairement aux magistrats du siège, qui rendent les décisions de justice et son théoriquement indépendants, les magistrats du parquet sont subordonnés à la Chancellerie, qui les nomme et gère leur carrière.
D’ailleurs, dans un arrêt de juillet 2008, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) avait épinglé le manque d’indépendance du parquet français.
La Chancellerie peut donner des instructions aux procureurs pour qu’ils engagent des poursuites ou fassent appel d’un jugement. Cela a par exemple été le cas à l’issue du procès des meurtriers présumés du jeune juif Ilan Halimi, sous la pression des victimes qui réclamaient une sanction plus lourde.
Les critiques ont été exacerbées par le projet de réforme de la procédure pénale, qui prévoit de confier les pouvoirs d’enquête du juge d’instruction au procureur, sans modifier son statut.
« Il faut couper le lien entre le parquet et le pouvoir politique, voilà c’est tout », a souhaité M. Régnard.
Dans le dossier Clearstream, les soupçons de pressions politiques sont entretenus par la forte implication de Nicolas Sarkozy depuis le début de l’affaire. Partie civile, il n’a pas été avare en commentaires sur l’implication des prévenus.
Pour Philippe Bilger, « le président s’honorerait en sortant enfin de l’enceinte judiciaire et de cette empoignade qui ne donne pas une bonne image de la démocratie ».
Sur le strict plan juridique, cet appel n’est pourtant pas surprenant, dans la mesure où Jean-Claude Marin avait requis une condamnation de Dominique de Villepin. « Quand un parquetier voit son analyse désavouée totalement par le tribunal, un appel parait cohérent », souligne le pénaliste Didier Rebut.
A ses yeux, c’est l’inverse qui n’aurait pas été logique. En l’absence d’appel, « on n’aurait pas pu exclure une pression », visant à « calmer le jeu politiquement », deux ans avant la présidentielle.
Le procès devrait se tenir selon M. Marin « fin 2010 ou début 2011″, à la veille de la campagne électorale.
D’ici là, un nouveau procureur général, François Falletti, sera entré en fonctions à la cour d’appel de Paris.
Vendredi 19h16 – Agence France Presse: « L’appel a été décidé à l’Elysée »
L’ancien Premier ministre Dominique de Villepin a affirmé ce soir sur Canal+ que la décision du parquet de Paris de faire appel de sa relaxe dans l’affaire Clearstream a été prise hier « lors d’une réunion à l’Elysée ».
« Quand le procureur de la République Jean-Claude Marin dit ‘j’ai décidé’, c’est faux », a lancé M. de Villepin sur la chaîne de télévision privée Canal+.
« Le procureur n’a pas l’autorité pour décider et prendre une telle décision. Il y a eu une réunion hier à l’Elysée où cette décision a été prise », a-t-il ajouté.
« C’est un fait. J’ai été sept ans secrétaire général de l’Elysée. Je connais l’Etat, je connais la fonction publique… Et donc, je vous dis, je vous affirme. Je n’ai pas l’ombre d’un doute », a-t-il martelé affirmant, pour étayer son propos, avoir eu « une information par des fonctionnaires de la présidence de la République ».
Vendredi 17h27 – Le Point: La réaction de François Goulard
Vendredi 16h48 – Le Point: La réaction de Me Leclerc, avocat de Dominique de Villepin
Vendredi 16h19 – Le Monde: La presse étrangère évoque un « revers » politique majeur pour Nicolas Sarkozy
Le jugement du procès Clearstream était très attendu, y compris au-delà des frontières de l’Hexagone. Peu de journaux étrangers n’évoquent pas, vendredi 29 janvier, la décision de la justice française de relaxer l’ancien « French Prime Minister », Dominique de Villepin. La plupart d’entre eux y voient le choc de deux cultures, de deux manières d’envisager la politique française, et notent dans cette décision, à l’instar de la presse française, la possibilité d’un véritable affrontement entre les deux hommes à l’horizon 2012.
Selon le quotidien américain The New York Times, il s’agit d’un « revers politique significatif » pour Nicolas Sarkozy, qui pourrait l’handicaper sur le long terme : M. de Villepin, précise le journal, « pourrait bien diviser la droite, affaiblir M. Sarkozy et mettre en doute le caractère ‘inévitable’ de sa réélection ». Le journal canadien francophone Le Devoir évoque quant à lui « la capacité de nuisance » de l’ancien premier ministre au moment de désigner le candidat UMP à la prochaine élection présidentielle.
De la même façon, le britannique Times souligne que Dominique de Villepin pourrait être aidé par le bilan mitigé du président : « Il se peut que sa réélection s’avère difficile, à moins que l’économie ne se redresse plus vite que prévu. Sa popularité ne s’est jamais remise d’un plus-bas atteint au début de l’année 2008. Sa cote reste en dessous des 40 % depuis qu’une série d’affaires a contribué à renforcer son image d’ami des riches. » Dans son blog, le correspondant en France du Times, Charles Bremner, dresse, en outre, un portrait sans complaisance de Dominique de Villepin : « adoré » par certains, « principalement des vieilles dames pour son panache », « il pense être désigné par le destin pour servir la nation et attend qu’on lui fasse signe ». « Reste la question des élections », rappelle Bremner.
Tout le contraire d’un Nicolas Sarkozy, dont « la rigidité » contraste avec l’image « snob, intellectuelle » de Dominique de Villepin, écrit le Wall Street Journal. En Espagne, El Pais se penche sur la future bataille que devraient se livrer « ces deux hommes de tempéraments, de trajec
toires et de carrières différents ». « Sarkozy garde toutes ses chances de l’emporter, vu qu’il est déjà président », mais Villepin profitera « d’un jugement favorable, qui intervient alors qu’il a joué durant tout le procès le rôle de victime », rapporte le quotidien ibérique.
Ces deux conceptions de la politique se sont retrouvées bousculées lors du procès. L’hebodmadaire américain Time rappelle que « Sarkozy s’est retrouvé dans la position de la victime au sein d’une soi-disant conspiration pour saccager sa carrière ». Or, ces rôles, note le journal, se sont inversés à la lecture du jugement : « Même si la bataille légale se termine, l’absence de victoire par KO signifie que la bataille va se déplacer sur le terrain de la politique. » The Guardian revient quant à lui sur le combat politique « vicieux » entre ces deux fils du chiraquisme pour prendre la succession de leur mentor : « Bien qu’une poignée seulement de parlementaires se considèrent ouvertement comme faisant partie du clan Villepin, il n’est pas exclu que l’homme qui a surnommé Sarkozy ‘le nain’ puisse emporter l’adhésion des déçus du président. »
Vendredi 15h50 – Public Sénat: Interview de Georges Tron
Public Sénat: Le procureur Jean-Claude Marin a décidé de faire appel. Une décision politique ?
Georges Tron: « Je n’imagine pas, dans cette affaire, que le procureur prenne tout seul la décision de faire appel. Il n’y a pas d’ambigüité sur le caractère politique de la décision. D’ailleurs l’appel était réclamé hier soir par les proches du chef de l’Etat et vertement approuvé ce matin par les mêmes. »
Avez-vous été surpris de la décision du parquet ?
« Nous n’avons pas été surpris, tant nous avions imaginé tous les scenarios. Pourtant les attendus du tribunal étaient clairs : ils exonèrent Dominique de Villepin de toutes responsabilités. C’est tellement clair que ça a surpris tant du côte du parquet que de l’Elysée. »
Dominique de Villepin inquiète-t-il Nicolas Sarkozy ?
« Il y a quelque chose, quelque part, qui relève d’un sentiment personnel de Nicolas Sarkozy. C’est un mélange de crainte et d’acharnement personnel. »
De haine personnelle aussi ?
« Oui je pense. Mais si sur le plan juridique, c’est assez incongru, sur plan politique, c’est aller à l’encontre de ce qu’espèrent les élus et militants. Des députés sarkozystes nous ont dit hier clairement, comme Chantal Brunel qui l’a dit publiquement, qu’il fallait aller vers l’apaisement et se réjouir que cette page se tourne. »
Quand un procureur requiert une peine mais que le juge prononce la relaxe, n’est-il pas classique que le parquet fasse appel ?
« Mais ce n’est pas classique d’avoir le président de la République partie civile. Ce n’est pas classique de voir les collaborateurs du chef de l’Etat appeler de leurs vœux la décision de faire appel, sachant que le Président donne ses instructions à la garde des Sceaux. »
Le procès en appel pourrait avoir lieu fin 2010-début 2011. Est-ce un moyen de mettre de nouveaux bâtons dans les roues à Dominique de Villepin à l’approche de 2012 ?
« L’instrumentalisation de la justice se retourne toujours contre ceux qui l’utilisent. Si c’est un calcul, c’est un calcul extrêmement dangereux. On sera dans une logique d’un procès lancé début 2011, avec une audience courant 2011, et éventuellement la cassation pour 2012. Ce calendrier est dangereux pour tout le monde, pour la majorité en particulier, pour celui qui sera notre candidat. Cela créera une division interne qui aura des transpositions sur le plan politique. Est-il bon d’avoir une majorité qui se divise sur la place publique ? C’est absurde. »
Diriez-vous que l’acharnement de Nicolas Sarkozy contre Dominique de Villepin le rend aveugle ?
« Je ne dirais pas cela. Mais ça rend difficilement compréhensible certaines attitudes. »
Vendredi 15h28 – Le Monde: « Je pourrais demander des excuses »
Il a le visage las des marathoniens à la fin du parcours. Jeudi 28 janvier, juste après le jugement, il a volé jusque chez son père, Xavier de Villepin. L’ancien sénateur UMP, âgé de 83 ans, venait de déjeuner devant son téléviseur et de voir son fils commenter sa relaxe. Toute la journée, alors que l’appel du procureur de Paris, Jean-Claude Marin, annoncé vendredi n’était pas encore connu, le téléphone n’a cessé de sonner.
Jacques Chirac a été l’un des premiers à se manifester. Depuis des mois, la justice leur interdisait de se rencontrer. Puis, il y a eu le déferlement des amis. Ingrid Betancourt, l’ancienne otage, amie de la famille depuis les années de jeunesse à Sciences-Po. Des éditeurs parisiens, d’anciens membres de ses cabinets, des diplomates du bout du monde. Et encore ceux qui voient dans Dominique de Villepin un nouvel allié contre Nicolas Sarkozy. Ségolène Royal a ainsi longuement appelé pour le féliciter d’en avoir terminé avec ces cinq années « atroces ». La veille, c’est François Bayrou qui avait envoyé par SMS une citation de Virgile – en latin – sur la force que procurent les épreuves.
Maintenant qu’il vient de sortir du plateau de France 2, où le président des chaînes publiques, Patrick de Carolis, était venu l’accueillir, il profite d’un moment de calme, dans la fausse intimité d’une loge de maquillage. On lui a rapporté que les sarkozystes n’ont pas dételé, que l’avocat du président, Me Thierry Herzog, accuse la justice de ne pas avoir condamné les « commanditaires » de l’affaire Clearstream. Il balaie tout d’un revers de main : « Et moi, je pourrais m’interroger sur le commanditaire de cette folle procédure ! Je pourrais demander des excuses ! »
Et voilà le président de la République qui ressurgit, comme un adversaire jamais oublié. « Je ne sais pas aujourd’hui si je pourrai renouer un jour avec lui », lâche-t-il avant de se reprendre. « Je vais avancer, rassembler mes forces pour peser davantage. Mais mon combat n’est pas contre Nicolas Sarkozy. C’est surprenant, je le sais, mais je ne veux pas m’enfermer dans un débat d’opposant. »
Ses amis politiques avancent pourtant dans cette voie. Brigitte Girardin, la patronne des Clubs Villepin, affirme déjà que le site du club a « explosé » sous les demandes d’adhésion. Jeudi soir, c’est avec son épouse Marie-Laure et quelques amis hors des cercles politiques que M. de Villepin est allé fêter sa relaxe. La cinéaste Danièle Thompson les attendait chez elle pour dîner. Comme dans les happy ends de ses scénarios.
Vendredi 15h12 – Libération: Interview de Dominique Barella, ancien membre du Conseil Supérieur de la Magistrature
Le magistrat Dominique Barella estime que le procureur de la République, Jean-Claude Marin, est «totalement sous influence», et obéit aux instructions de Nicolas Sarkozy.
Libération: Comment interpréter la décision du parquet de faire appel du jugement relaxant Villepin?
Dominique Barella: C’était évidemment prévisible. Le procureur est totalement sous influence, il obéit aux ordres du ministre de la Justice, et donc du président de la République. Il n’a aucune indépendance, nous en avons la preuve encore une fois aujourd’hui.
Ce matin à la radio, le procureur Jean-Claude Marin assurait pourtant le contraire, déclarant ne pas avoir reçu d’ordre écrit de la chancellerie…
Depuis quand un procureur a besoin d’un écrit pour obéir ? S’il respectait cette règle, il aurait sauté depuis longtemps. Depuis le début de l’affaire Cl
earstream, Jean-Claude Marin ne s’est pas illustré par son indépendance. Il a quand même inventé une infraction complètement farfelue pour poursuivre Villepin: complicité de dénonciation calomnieuse par abstention. «Par abstention», ce terme ne rime à rien.
Pourquoi l’Elysée annonçait-il hier dans un communiqué que Nicolas Sarkozy ne faisait pas appel?
De toute façon, Nicolas Sarkozy, en tant que partie civile, ne pouvait pas faire appel du jugement de relaxe. Même un étudiant en deuxième année de droit connaît cette règle: la partie civile ne peut faire appel au pénal que sur les intérêts civils. Or, Villepin a été relaxé, il n’a rien à payer.
Est-ce une erreur? Ou bien une manœuvre politique?
Je ne crois pas une seconde que Sarkozy, avocat de profession et entouré d’une armada de conseillers juridiques, ait pu commettre une pareille erreur de droit. D’évidence, Nicolas Sarkozy, à la fois partie civile et le président, joue sur les deux tableaux.
La manœuvre est tellement grosse… Il annonce hier qu’il ne fera pas appel — alors qu’il ne peut pas faire appel, j’insiste — pour laisser penser qu’il n’y a pas d’acharnement. Et comme par hasard, 24 heures après, le procureur fait appel. Si Jean-Claude Marin était indépendant, pourquoi ne pas avoir fait appel tout de suite après le jugement ? C’est une manipulation politique, cela ne fait aucun doute. Nicolas Sarkozy instrumentalise la justice pour régler des problèmes personnels. C’est gravissime et vraiment inquiétant pour les justiciables.
Que voulez-vous dire?
Nicolas Sarkozy prépare une réforme pour supprimer l’instruction. Demain, il n’y a aura donc plus de juge d’instruction, suffisamment indépendant pour instruire l’enquête. C’est le parquet, totalement aux ordres de l’Elysée, qui s’en chargera… Il faut que les Français comprennent ce que cela signifie : aujourd’hui, c’est un homme politique connu qui est victime d’acharnement, mais demain, à qui le tour? C’est une triste journée pour la justice. Sarkozy vient de signer la fin de la séparation des pouvoirs, il a tué Montesquieu.
Dernière question: avec l’appel du parquet, que risque désormais Villepin ?
On recommence le procès, l’affaire va donc être rejugée. Comme si la justice n’avait que ça à faire…
Vendredi 14h11 – France Inter: La réaction de Me Metzner, avocat de Dominique de Villepin
Vendredi 14h08 – L’édito du Monde: Obstination
La ténébreuse affaire Clearstream n’a pas fini d’empoisonner la vie politique française. Après six ans de soupçons, de manoeuvres et d’accusations de machination, elle a déjà conduit, à l’automne 2009, à un procès pour le moins baroque dans lequel le plaignant le plus éminent était l’actuel président de la République, Nicolas Sarkozy, et le principal prévenu l’ancien premier ministre Dominique de Villepin. En relaxant sans ambiguïté M. de Villepin le 28 janvier, le jugement du tribunal correctionnel de Paris semblait mettre un terme à ce feuilleton judiciaire et replacer la rivalité entre les deux hommes sur le terrain politique, avec pour enjeu la prochaine élection présidentielle de 2012. L’accalmie aura été de courte durée : la décision du parquet de faire appel va réenclencher la machine judiciaire.
Hélas ! Oui, hélas, quelles que soient les motivations juridiques de cet appel ! Car, depuis mai 2007, chaque épisode de cette affaire abaisse davantage la fonction présidentielle. Nicolas Sarkozy, qui s’était constitué partie civile en janvier 2006, aurait pu retirer sa plainte après son élection à la présidence en mai 2007. En décidant, alors, de la maintenir, il a engagé sa fonction sur des chemins tortueux.
Au plan juridique, tout d’abord. Le président de la République, en effet, n’est pas un justiciable comme les autres. S’il peut poursuivre en justice, il ne peut pas être poursuivi, puisqu’il est protégé pendant la durée de son mandat par l’immunité présidentielle. Le risque est donc réel que l’égalité des armes et l’équité du procès soient rompues. Nicolas Sarkozy l’a bien compris : en faisant savoir qu’il ne serait pas partie civile dans le prochain procès en appel de l’affaire Clearstream, il entend se mettre à l’abri de ce reproche.
Cela ne lève pas pour autant le soupçon d’instrumentalisation de la justice par celui qui détient, de par sa fonction, un rôle essentiel dans l’organisation du système judiciaire et la nomination des magistrats, en particulier les principaux responsables du parquet. Celui-là même qui vient de faire appel. Le président de la République ne sera plus partie civile ; mais il reste à la manoeuvre.
Ce n’est pas glorieux. Et il est en outre probable que ce ne sera pas très efficace sur le plan politique. Plus que jamais, Dominique de Villepin pourra clamer son innocence. Plus que jamais, il pourra se poser, selon ses termes, en septembre 2009, en « victime de l’acharnement d’un homme, Nicolas Sakozy ». Plus que jamais, il pourra se présenter comme une « alternative » à l’actuel chef de l’Etat.
Vendredi 13h36 – Associated Press: Dominique de Villepin et ses proches chargent Nicolas Sarkozy
Dominique de Villepin n’a pas l’intention d’étouffer ses ambitions politiques. Relancé après sa relaxe en première instance dans l’affaire Clearstream, l’annonce d’un nouveau procès a aussitôt poussé l’ancien Premier ministre, soutenu par ses proches, à pointer du doigt son grand rival, Nicolas Sarkozy.
Réagissant à l’appel du parquet, Dominique de Villepin a immédiatement dénoncé vendredi une « décision de nature politique ». « Nicolas Sarkozy, le président de la République, préfère persévérer dans son acharnement, dans sa haine, plutôt que d’assumer la responsabilité de sa fonction, c’est-à-dire de défendre les institutions », a déclaré sur RMC-Info/BFM-TV celui qui avait dit jeudi n’avoir « aucune rancoeur, aucune rancune ».
Jeudi, après l’annonce de sa relaxe, l’ancien Premier ministre s’était attaché à se positionner comme une « alternative » au sein de la majorité présidentielle.
« La préoccupation qui est la mienne, ce n’est pas 2012, c’est 2010, c’est aujourd’hui, c’est les difficultés auxquelles nous sommes confrontés, c’est la nécessité de se préoccuper de savoir quelle est la meilleure politique à mener », a-t-il assuré dans le journal de 20h de France-2. « Nous avons besoin d’autres idées, d’autres propositions, et c’est sur ce terrain que je veux me poser », a-t-il ajouté, estimant « qu’au sein de la majorité, que sur l’échiquier politique, il y a d’autres réponses possibles ».
Selon le procureur de la République Jean-Claude Marin, le procès pourrait avoir lieu fin 2010 ou début 2011. Une nouvelle date stratégique dans le calendrier de Dominique de Villepin, qui a toujours affiché son intention de poursuivre sa carrière politique, avec en ligne de mire, la présidentielle de 2012.
Après avoir affiché leur « soulagement » jeudi, les proches de l’ancien Premier ministre ont attendu l’annonce de l’appel du parquet pour lancer la
charge contre le chef de l’Etat.
« Personne n’est dupe », a jugé le député UMP du Morbihan François Goulard. « C’est de l’hypocrisie de la part du chef de l’Etat, qui se donne apparemment le bon rôle hier et envoie son procureur faire appel ce matin sur une radio », a-t-il critiqué. « C’est aussi un instrument politique, car il y a une crainte réelle du chef de l’Etat que Dominique de Villepin soit un rival, qui le menace demain ».
« C’est dommage », a commenté Hervé Mariton. « Pour moi, ce qui est important (…), le seul débat qui reste, c’est le débat politique », a ajouté le député de la Drôme interrogé par l’Associated Press.
« Un acharnement sur le plan personnel » dénoncé aussi par Georges Tron, député de l’Essonne. « C’est une faute politique grave », a-t-il regretté sur France Info, estimant qu’un nouveau procès va permettre à Villepin de devenir « non plus par la volonté des Français, mais par la volonté du président, son principal opposant ».
Vendredi 11h44 – Agence France Presse: La réaction des députés villepinistes
Hervé Mariton: « Je trouve que les formes de cette annonce sont critiquables pour le moins, et que ce n’est pas comme cela que notre société, que notre justice devrait fonctionner. Le parquet est dans une logique curieuse, j’aimerais penser qu’elle réponde bien à ce qu’est sa mission justice. Donc je suis perplexe et à vrai dire déçu. C’est de notre responsabilité de tourner la page politique, car c’est notre volonté politique, et puis la justice continue avec une décision du parquet qui je pense ne s’imposait pas » (RTL).
François Goulard: « C’est assez stupéfiant d’entendre ça. Personne évidemment n’est dupe. C’est de l’hypocrisie de la part du chef de l’Etat qui se donne apparemment hier le beau rôle et on voit son procureur faire appel ce matin sur une radio. C’est quand même extraordinaire: pour le chef de l’Etat, la justice est un instrument, un instrument de pouvoir, c’est une vindicte, un acharnement de la part d’un homme contre un autre. C’est aussi un instrument politique parce qu’il y a une crainte réelle de la part du chef de l’Etat que Villepin soit un rival et un rival qui le menace demain. Je dirais que c’est d’une certaine manière assez écoeurant » (Europe 1).
Jean-Pierre Grand: « Personne ne peut imaginer que le procureur Marin n’ait fait appel sans un ordre de l’Elysée. Cet acharnement de Nicolas Sarkozy contre Dominique de Villepin enferme le président de la République dans un combat personnel qui nuit à sa fonction présidentielle et par conséquent à la France. Dominique de Villepin a pris toute la mesure du piège politique qui lui est tendu, donc il ne polémiquera pas avec le président de la République. Désormais, son seul interlocuteur politique, c’est le peuple français » (AFP).
Georges Tron: « Il n’y a pas d’ambigüité sur le caractère politique de la décision. Il y a quelque chose, quelque part, qui relève d’un sentiment personnel de Nicolas Sarkozy. C?est un mélange de crainte et d’acharnement personnel. Sur le plan politique, c’est aller à l’encontre de ce qu’espèrent les élus et militants. On sera dans une logique d’un procès lancé début 2011, avec une audience courant 2011, et éventuellement la cassation pour 2012. Ce calendrier est dangereux pour tout le monde, pour la majorité en particulier, pour celui qui sera notre candidat. Cela créera une division interne. » (Public Sénat)
Vendredi 9h30 – Associated Press: Premières réactions de François Goulard et Hervé Mariton
Le député UMP du Morbihan François Goulard a dénoncé vendredi un « acharnement » de Nicolas Sarkozy, avec l’annonce d’un appel du parquet dans l’affaire Clearstream.
« C’est tout à fait stupéfiant d’entendre ça. Personne n’est dupe. C’est de l’hypocrisie de la part du chef de l’Etat, qui se donne apparemment le bon rôle hier, et envoie son procureur faire appel ce matin sur une radio », a critiqué ce proche de Dominique de Villepin sur Europe-1.
« C’est quand même assez extraordinaire. Pour le chef de l’Etat, la justice est un instrument de pouvoir », a-t-il ajouté. « C’est une vindicte, un acharnement, de la part d’un homme contre un autre ».
« C’est aussi un instrument politique, car il y a une crainte réelle du chef de l’Etat que Dominique de Villepin soit un rival, qui le menace demain », a avancé François Goulard, estimant que c’était « assez écoeurant ».
« C’est dommage », a commenté le député UMP de la Drôme Hervé Mariton. « Un tribunal souverain a décidé hier de le relaxer. Pour moi, ce qui est important (…) le seul débat qui reste, c’est le débat politique », a ajouté le député villepiniste interrogé par l’AP. Le deuxième procès « se déroulera simplement dans des conditions différentes ».
Vendredi 8h35 – BFM TV: Dominique de Villepin chez Jean-Jacques Bourdin
Dominique de Villepin a dénoncé vendredi matin « une décision politique », fruit de « l’acharnement » de Nicolas Sarkozy, après l’annonce du procureur de la République de Paris, Jean-Claude Marin, de faire appel du jugement rendu jeudi dans l’affaire Clearstream.
« C’est donc que la décision est une décision de nature politique et ce qu’elle montre cette décision, c’est qu’un homme, Nicolas Sarkozy, le président de la République, préfère persévérer dans son acharnement, dans sa haine, plutôt que d’assumer la responsabilité de sa fonction, c’est-à-dire de défendre les institutions », a-t-il commenté sur RMC-Info/BFM-TV. « Il est le garant de la magistrature, il est le garant de la justice française ».
« Je connais bien Jean-Claude Marin et je le connais en tout cas suffisamment pour savoir que ce n’est pas sa décision », a déclaré Dominique de Villepin. « Jean-Claude Marin ne souhaitait pas que ce premier procès ait lieu parce que je l’ai entendu de sa bouche: il savait qu’il n’y avait rien dans ce dossier à me reprocher ».
« Il décide ce matin de faire appel (…) Il est sous l’autorité hiérarchique du Garde des Sceaux et du président de la République », a-t-il ajouté.
« L’aspect judiciaire, nous le connaissons, le tribunal, qui a fait preuve d’un grand courage, n’a laissé aucun espace », a ajouté l’ancien Premier ministre. « Il a répondu par avance à toutes les questions qui pourraient se poser en appel, en marquant mon innocence sur l’ensemble du dossier, qu’il s’agisse du droit ou qu’il s’agisse des faits ».
L’ancien Premier ministre a accusé Nicolas Sarkozy d’avoir « menti » dans l’affaire Clearstream, notamment « sur la date à laquelle il été informé » de l’existence d’une opération contre lui.
« Nicolas Sarkozy a menti dans ce dossier, les éléments sont là, il a menti sur la date à laquelle il a été informé de ces opérations », a-t-il déclaré.
Le chef de l’Etat « a poussé lors du procès, dans la bouche de son avocat, tellement loin qu’il a été amené à utiliser des documents à qui il a donné une interprétation fausse », a accusé Dominique de Villepin.
« Il a été amené à s’appuyer sur l’un de ceux qui a été reconnu coupable en donnant du crédit à la thèse défendue par Imad Lahoud » selon laquelle l’informaticien connaissait bien l’ancien Premier ministre.
« Trop loin, c’est trop loin et c’est surtout trop loin quand on est président de la République », a aussi déclaré Dominique de Villepin.
Vendredi 8h25 – RFI: Interview de Brigitte Girardin
Brigitte Girardin, présidente du Club Villepin, a dénoncé vendredi sur RFI « l’acharnement » contre l’ancien Premier ministre après l’appel général du parquet dans l’affaire Clearstream pour laquelle Dominique de Villepin a été relaxé jeudi.
« Je trouve cela un petit peu étonnant après un jugement aussi clair », a déclaré Brigitte Girardin pour qui « malheureusement on voit que l’acharnement contre Dominique de Villepin n’est pas terminé ».
Elle a prévenu que la perspective d’un nouveau procès allait renforcer « l’énergie » de l’ancien Premier ministre. « Plus on essaiera de l’attaquer, de l’empêcher d’avoir cet engagement (politique) qui est toute sa vie, plus sa détermination et son énergie seront fortes », a-t-elle fait valoir, ajoutant : « Son engagement politique n’est pas négociable. Rien ne l’arrêtera de ce côté là ».
Brigitte Girardin a estimé que « l’opinion publique (allait) être sur la ligne qu’elle a eue tout le long de ce procès de soutien à Dominique de Villepin ». « C’est malheureux de voir comment à quel point on s’acharne contre un homme pour tout simplement l’empêcher d’avoir l’engagement politique qu’il souhaite au service des Français ».
« Sa détermination sera encore plus forte car ce n’est pas acceptable qu’on traîne dans la boue comme on l’a traîné quelqu’un qui n’avait rien à se reprocher », a dit Brigitte Girardin.
Vendredi 8h18 – Europe 1: Sur Europe 1, le Procureur Marin interjette appel
Le procureur de la République Jean-Claude Marin a annoncé ce matin au micro de Jean-Pierre Elkabbach à Europe 1 qu’il fera appel contre l’acquittement de Dominique de Villepin, ordonné hier par le Tribunal correctionnel de Paris. Il y aura donc un second procès Clearstream.
En France, le ministère public, dirigé par le procureur de la République, dépend du ministre de la justice et donc, du gouvernement.
Selon le procureur, le tribunal n’a pas tiré toutes les conséquences des déclarations « paradoxales » de Dominique de Villepin.
« Le tribunal a innoncenté Dominique de Villepin, la justice ne l’a pas encore fait », a déclaré le procureur. Estimant que dans ce dossier, « il y a tous les éléments pour entrer en voie de condamnation », le procureur trouve « surprenant » le jugement rendu par le tribunal, qui lui « paraît contraire à ce qui a été dit pendant la procédure et pendant les débats ». « Il reste encore une part de vérité à faire émerger », a-t-il ajouté, affirmant que « la justice n’est pas encore totalement rendue ».
L’ancien Premier ministre, Dominique de Villepin, relaxé par le tribunal, affirmait pourtant jeudi soir qu’il «n’imaginait pas un instant» que le parquet fasse appel d’un jugement ne laissant place à «aucun doute» sur son innocence.
Interrogé au cours du journal télévisé de France 2 sur un éventuel appel du jugement par le parquet de Paris, il a répondu: «Le parquet, nous le savons tous, c’est la garde des Sceaux et c’est le président de la République donc je n’imagine pas un instant…». Il avait ensuite argué d’une décision «claire», ne laissant place à «aucun doute».
Vendredi 7h05 – Agence France Presse: Un camouflet pour Nicolas Sarkozy qui ouvre la voie à Dominique de Villepin pour 2012
« Désaveu », « revers », « claque », « camouflet », « coup de semonce ». C’est par ce florilège que la presse nationale souligne vendredi la sanction infligée par les juges au chef de l’Etat avec la relaxe de Dominique de Villepin dont l’horizon s’éclaircit pour 2012.
« Un soulagement pour Dominique de Villepin. Un revers pour le président de la République. Et un véritable vainqueur : l’indépendance de la justice », résume Dominique Quinio dans La Croix. après la décision du tribunal correctionnel de Paris dans l’affaire Clearstream.
Nombreux sont les éditorialiste à saluer l’indépendance de ces magistrats.
« En relaxant son ancien concurrent dans la course pour le pouvoir, en rejetant la demande du procureur, les juges adressent de fait un coup de semonce à l’égard d’un pouvoir politique enclin à souhaiter une justice, sinon aux ordres du moins « compréhensive » à ses désirs », constate Jean-Paul Piérot (L’Humanité).
« Par cette décision irrécusable, la justice ne démontre pas seulement son indépendance à l’égard de l’exécutif, si maladroit dans l’affaire. Elle change aussi la donne dans la majorité » affirme aussi Laurent Joffrin (Libération).
Il constate que « la série noire continue pour Nicolas Sarkozy, entamée avec l’affaire du dauphin. Malmené dans les sondages, malheureux dans ses résultats, il se retrouve embarrassé d’un rival à droite », estime-t-il.
Michel Urvoy dans les colonnes de Ouest-France va plus loin encore: « Parions que ce jugement va compliquer la mise en oeuvre du projet de suppression du juge d’instruction. Et qu’elle va relancer la question de savoir si le chef de l’État est un justiciable comme les autres », écrit-il. « À ce niveau, la qualité du plaignant, qu’il s’en sorte gagnant ou humilié, ouvre la porte à des interprétations contraires au respect dû à la chose jugée » ajoute-t-il.
Unanimement la presse semble également convaincue que ce jugement va bouleverser la donne à droite, car le rival de Nicolas Sarkozy va peser dans la perspective de la présidentielle de 2012.
« Sa vengeance sera-t-elle implacable, méthodique et cruelle ? » demande Paul-Henri du Limbert (Le Figaro). « L’avenir le dira, mais il est évident que son appétit de revanche est immense », poursuit-il.
Dominique de Villepin incarne « une alternative pour une autre politique que celle de Nicolas Sarkozy à la prochaine présidentielle », explique Gérard Carreyrou (France-Soir).
Et c’est là que réside le danger pour le Chef de L’Etat. « Les sondages le créditent déjà de 8 à 10% au premier tour. C’est suffisant pour détenir les clefs du scrutin présidentiel. Par son esprit revanchard, le Président l’a remis en selle », note Hubert Coudurier (Le Télégramme).
« Depuis hier 11 h 30, on peut considérer qu’il est candidat et qu’il mettra autant d’acharnement à faire battre Nicolas Sarkozy en 2012 que celui-ci en a mis à le faire pendre à un croc de boucher par les juges », surenchérit Hervé Favre dans La Voix du Nord.