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Bondy, quatrième étape du Tour de France de Dominique de Villepin à la rencontre des Français

Dominique de Villepin a effectué mardi un déplacement à Bondy, en banlieue parisienne, dans une perspective « non pas politicienne mais républicaine »: il y a développé une ébauche de programme et de politique « alternative », tout en critiquant le débat sur l’identité nationale et se projetant bien au-delà du jugement Clearstream attendu le 28 janvier.

« C’est un plaisir d’être là parce que la République est partout. Je ne suis pas ici dans une perspective politicienne mais républicaine », a-t-il déclaré aux nombreux journalistes qui l’attendaient à son arrivée. « La politique, c’est la politique et rien n’interfère avec cela », a-t-il répondu à un journaliste qui l’interrogeait sur son état d’esprit avant le 28 janvier.

A ses côtés, le député UMP Georges Tron a souligné que M. de Villepin était « parfaitement déterminé à s’organiser politiquement et à le faire dans le cadre des prochaines échéances, 2012 bien évidemment ». « Je pense que sa motivation et sa détermination ne sont sorties que renforcées des mois difficiles qu’il a vécus dernièrement », a ajouté M. Tron.

« Je sais ce que je veux et qui je veux servir »

A neuf jours du jugement dans l’affaire Clearstream, Dominique de Villepin est allé mardi prendre le pouls de la banlieue parisienne lors d’une visite dans la ville populaire de Bondy, au nord de Paris. Visiblement soucieux de réoccuper le terrain politique, l’ancien Premier ministre a passé l’après-midi dans cette ville de près de 54.000 habitants où il a été accueilli par le maire socialiste, Gilbert Roger, et des responsables d’associations avec qui il a discuté et pris le thé.

Entre deux petits bains de foule sous l’oeil de nombreux journalistes, Dominique de Villepin a réaffirmé sa volonté « d’aller à la rencontre des Français ». « J’ai trop vu quand j’étais ministre, Premier ministre, secrétaire général de l’Elysée, à quel point il y avait un risque d’être coupé des réalités quotidiennes. C’est une chose d’être dans un bureau, c’est autre chose que de ressentir les choses », a-t-il dit.

Poursuivi pour complicité de dénonciation calomnieuse dans l’affaire des faux listings de la société Clearstream, l’ancien Premier ministre saura le 28 janvier s’il est condamné par le tribunal correctionnel de Paris. Dominique de Villepin dit attendre « sereinement » le jugement, tout en dénonçant une nouvelle fois « l’acharnement » de Nicolas Sarkozy, qui s’est porté partie civile dans cette affaire.

« Cet acharnement, tous les Français l’ont vu en direct pendant le procès », a-t-il dit. « Un président de la République a le droit très légitime d’être partie civile, il a le droit d’affirmer qu’il est un justiciable comme les autres mais il n’a pas le droit d’abuser de son pouvoir. Or, nous avons vu que dans cette affaire il est sorti de son rôle. »

Alors que se pose la question de ses ambitions pour 2012, Dominique de Villepin dit se sentir fortifié par cet épisode. « Mon engagement public n’est pas négociable, il est fortifié par cette épreuve de l’injustice. Les épreuves et l’injustice n’ont fait que redoubler la détermination et la conviction qui sont les miennes », a-t-il déclaré. « Je sais très fortement ce que je veux et qui je veux servir: la France et les Français. »

Une politique alternative

Reçu par le maire PS de Bondy, Gilbert Roger, il a confirmé qu’il voulait rester durablement dans le paysage politique, au besoin jusqu’en 2012, pour défendre une « tradition gaulliste, sociale, républicaine », valable entre autres selon lui pour les banlieues.

« Je suis soucieux, dans la tradition politique qui est la mienne, à mon sens pas assez écoutée, d’assumer mes responsabilités et d’offrir un certain nombre d’alternatives politiques », a-t-il dit, entouré de ses proches du Club Villepin (Brigitte Girardin, les députés Marie-Anne Montchamp, François Goulard, Hervé Mariton…).

« Martine Aubry est venue au mois de septembre, Carla Bruni-Sarkozy en décembre. Moi j’accueille tout le monde », explique le maire socialiste, Gilbert Roger, avant de servir de guide à l’ancien premier ministre. Dominique de Villepin vient à la rencontre des habitants de la cité du 14-Juillet, en pleine restructuration urbaine. Autour d’un thé à la menthe et de gâteaux orientaux, le voilà installé dans une loge de concierge à l’écoute des femmes du quartier.

L’ex-Premier ministre, qui avait annoncé l’état d’urgence en novembre 2005 lors des émeutes urbaines, a cette fois-ci « salué l’enthousiasme et la formidable vitalité et créativité » des banlieues.

Reçu par une association de solidarité, le Lien, dans une cité où il a bu le thé avec des femmes, la plupart d’origine africaine, M. de Villepin a salué « la République vivante » pour mieux s’opposer au débat sur l’identité nationale organisé par le gouvernement.

« Cette visite montre que le débat sur l’identité nationale est un faux débat. L’attachement à la République s’exprime ici avec une force considérable », a-t-il déclaré, en visant directement le chef de l’Etat. M. de Villepin a stigmatisé « le caractère profondément déplacé de ce débat », qui ne pouvait « aboutir qu’à la caricature ».

De même l’ex-ministre de l’Intérieur s’est-il prononcé pour une résolution et non une loi pour interdire le port du voile intégral. « Je crois qu’après des tâtonnements, on retrouve le chemin du bon sens. L’essentiel est de s’appuyer sur un consensus », a-t-il affirmé. Il s’est prononcé pour une interdiction du niqab et de la burqa dans les services publics, estimant « qu’une interdiction générale était hors de proportion ».

Reprenant les accents de son programme de politique générale à l’Assemblée en juin 2005, il a défendu son bilan à Matignon (« 600.000 emplois créés »). Dominique de Villepin a aussi énoncé des priorités -renforcer la compétitivité, la protection sociale, lutter contre les déficits- et même avancé quelques propositions, comme une « Agence nationale du développement économique ».

Il a aussi souhaité des « pôles d’excellence » dans le domaine éducatif, sans oublier de critiquer d’autres mesures voulues par Nicolas Sarkozy, comme l’exonération des heure supplémentaires ou les dérogations à l’ouverture des magasins le dimanche.

Sur le thème de la sécurité, M. de Villepin a salué le principe de la police de proximité. « Pourquoi se priverait-on des initiatives de gauche ? », a-t-il demandé en s’entretenant avec les animateurs du Bondyblog. Cette police « n’était pas toujours adaptée mais permettait de combler un vide », a-t-il estimé.

Un air de campagne électorale flotte autour de Dominique de Villepin qui n’hésite plus à se poser en « alternative » à Sarkozy. « Je n’admets pas qu’on soit dans l’autosatisfaction alors que la France a perdu 800 000 emplois et qu’on divertit le pays avec des débats inutiles comme celui sur l’identité nationale », assène-t-il en regrettant que sa sensibilité « gaulliste, sociale et républicaine » ne soit plus assez entendue.

L’homme de la situation

Pour ses partisans, l’ex-Premier ministre saura être l’homme de la situation dans les années qui viennent, condamnation ou pas.

Pour l’ancienne secrétaire d’Etat Marie-Anne Montchamp, présente à Bondy, « c’est une alternative évidente ».

Le député UMP Hervé Mariton juge « plus intelligent de réfléchir à l’avenir que de ne pas y réfléchir et mieux vaut le faire avec quelqu’un comme Dominique de Villepin que sans lui ».

Son collègue Jacques Le Guen voit quant à lui « quelque chose de chiraquien dans sa démarche, avec la nécessité d’avoir un contact avec les gens ». Le député breton met le cap sur 2012 : « On est un peu comme en 1994 lorsque Chirac était à 11 % dans les sondages. On a vu la suite. »

A Bondy, la visite de l’ancien Premier ministre de Jacques Chirac (2005-2007) a été accueillie par certains avec un certain scepticisme. Salah Derbal s’est dit « assez surpris ». « Nous les banlieusards, on voit les hommes politiques comme des hommes d’affaires. Quand ils viennent ici pour nous serrer la main, on sait qu’il y a quelque chose derrière. Il fait de la publicité à Bondy et au maire. » Un autre habitant, Farid Rekiouk, est plus positif. « Le fait qu’il ait choisi ce quartier, c’est une bonne chose, car les hommes politiques ne viennent jamais ici. »

Dans la cage d’escalier d’un immeuble de la cité du 14-Juillet, appelée à être démolie dans les mois qui viennent, trois jeunes se sont rassemblés pour apercevoir l’ancien chef du gouvernement. « Qu’il vienne ou pas, ça ne va rien changer pour nous. Nous, ce qu’on veut c’est être logés dans de bonnes conditions », déclare l’un d’eux, Christophe Narainen.

« On est derrière vous ! J’ai adoré votre discours contre la guerre en Irak », lance Abbes. « Face à Sarkozy, je vote Villepin », promet, quant à lui, Mouloud.

Et Ali, de conclure: « Je verrais bien Dominique de Villepin candidat en 2012, il a l’apparence d’un président, le charisme. Il doit avoir sa chance. Il est plus
dans le dialogue, c’est plus intéressant que les méthodes radicales de Sarkozy. »

Sources: Le Figaro et Reuters

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