Week-end noir dans les transports avec l’interruption du trafic de l’Eurostar, la suite de la grève du RER A et le déraillement du RER C.
« Peut-on encore faire confiance aux transports ferroviaires français ? »: le député Hervé Mariton était, ce lundi, l’invité de Sonia Mabrouk, dans le 22h de Public Sénat, en compagnie des députés européens Dominique Baudis (UMP) et Patrick le Hyaric (Front de Gauche). Le débat est à visionner entre le 5ème et la 20ème minute de la vidéo ci-dessus.
Pour Hervé Mariton, la situation du transport ferroviaire ce weekend reste « heureusement exceptionnelle en France ». « Les températures étaient basses: basses pour un mois de décembre, mais pas si basses que ça pour ce que l’on peut connaître en plein hiver. (…) Les conséquences paraissent d’une curieuse ampleur (…). Manifestement, il y a un peu de revue à faire au sein de la SNCF ou d’Eurostar pour assurer un meilleur service. La question aussi de l’information des passagers, le moins que l’on puisse dire, c’est que tout cela n’a pas été parfait. »
Le député s’est également exprimé avec franc-parler sur l’application du service minimum en Ile-de-France et sur la grève du RER A.
Sur l’interruption du trafic de l’Eurostar
« Les incidents matériels, ça peut arriver. Simplement, il faut en face un système d’information et de traitement de l’incident qui soit à la hauteur. Ca n’a manifestement pas été le cas. Comment se fait-il qu’il n’y ait pas de distribution possible d’eau? Pourquoi a-t-il fallu attendre des délais aussi importants?
Je connais assez bien les questions de transport ferroviaire, mais je ne suis pas un spécialiste technique du fonctionnement d’Eurostar. En même temps, j’ai du mal à comprendre ce qui ne permettrait pas de mieux faire face à une situation de ce type. Donc je crois qu’il faut qu’il y ait un retour d’expérience, comme on dit. Et surtout que si demain des incidents de nature comparable devaient se produire, il n’y ait pas une réponse aussi médiocre en terme de traitement des passagers. Je crois qu’il y a là une question de qualité de service qui est tout à fait essentielle. (…)
On est là sur un mode de transport extrêmement commode. Eurostar, ça a tout de même changé la vie sur la manière de traverser la Manche et la manière d’aller de France en Angleterre et de Paris à Londres. C’est pas parce que nous bénéficions d’une prouesse technique, et de ce qui est par ailleurs un succès commercial d’Eurostar, qu’on doit être indifférent à la qualité d’accueil des passagers. C’est bien de distribuer des collations dans Eurostar. C’est encore mieux de bien traiter les passagers lorsqu’il y a un incident technique de la nature de celui qui a été subi ce weekend. »
Sur l’application du service minimum en Ile-de-France
« Le RER A, grâce à la loi de 2007 (j’étais à l’époque président de la commission spéciale à l’Assemblée), la moitié du trafic est assurée aux heures de pointe. C’est insuffisant: c’est insuffisant aux heures de pointe, c’est gravement insuffisant sur les autres heures où il n’y a pas de trafic, mais c’est mieux que rien. (…) Ce qu’on a fait en 2007, c’est travail utile avec une loi qui permet aujourd’hui qu’aux heures de pointe, un train sur deux soit assuré sur la ligne A.
Deuxième point de mon point de vue, c’est la responsabilité de la Région Ile-de-France et du gouvernement: c’est de ne pas avoir veillé à une application suffisamment solide de la loi de 2007 en Ile-de-France et hélas aussi dans d’autres régions et d’autres agglos. Le Conseil Régional d’Ile-de-France avait décidé de faire le service minimum, si j’ose dire, sur l’application de la loi et en particulier a refusé, au prétexte que le réseau de transport en Ile-de-France est trop maillé, trop dense, la Région Ile-de-France a refusé de définir des priorités. (…)
La Région Ile-de-France aurait dû, et, de mon point de vue, devra demain définir des priorités: et d’évidence, la ligne A est une desserte prioritaire. J’ajoute cependant que le gouvernement eut été bien avisé en 2007 de vérifier que la Région Ile-de-France faisait complètement son travail. Le gouvernement avait parfaitement constaté qu’elle ne faisait pas complètement son travail et le gouvernement avait choisi de ne rien dire, et ça, je le regrette. (…)
Sur la grève du RER A
« La Cour des Comptes a rendu, il y a quelques semaines, un rapport sur la RATP. J’ai auditionné à la Commission des Finances de l’Assemblée, la semaine dernière, Pierre Mongin, le président de la RATP. Que dit ce rapport, entre autres choses? C’est un état de fait: que les salariés de la RATP et que les conducteurs de la RATP sont nettement mieux payés que leurs collègues européens et que leur temps de travail est significativement inférieur. (…) Je suis sérieux: je ne compare pas avec les conducteurs roumains qui sont tout à fait estimables mais dont, d’évidence, les conditions de salaire sont différentes. Je compare avec tous les conducteurs: prenons l’exemple à Berlin des conducteurs de métro allemands. (…)
Je dis simplement (des conducteurs de la ligne A) qu’ils sont mieux payés, qu’ils travaillent moins, qu’ils bénéficient déjà d’une situation plus favorable que d’autres de leurs collègues au sein de la RATP et je pense que l’entreprise a raison de ne pas céder à un chantage et à une prise d’otage des voyageurs, car il n’y a pas de raison que ce dont bénéficient les conducteurs de la ligne A au détriment d’autres à la RATP soit aggravé et il n’y a pas de raison que la compétitivité de la RATP par rapport à d’autres entreprises de transport soit aggravée.
Le rapport de la Cour des Comptes qui n’avait rien à voir avec les Régionales et qui n’anticipait pas le conflit de la ligne A a été très clair: à la RATP, les conducteurs sont mieux payés et travaillent moins qu’ailleurs. Je n’en fais pas un procès: ça amène simplement à être modeste, à être modeste dans les revendications du moment. (…)
Je crois simplement qu’on est aujourd’hui dans une situation où oui, beaucoup de Français souhaiteraient avoir davantage de pouvoir d’achat. Moi, je n’ai aucun état d’âme au fait que les salariés de la RATP soient plutôt bien payés et aient des conditions de travail globalement satisfaisantes, même si tout peut toujours être mieux. Je considère simplement que ce n’est pas l’endroit en France où la revendication salariale est la plus légitime aujourd’hui. J’assume. »
Source: Public Sénat