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La conférence sur le climat de Copenhague vire au duel entre les Etats-Unis et la Chine

La conférence sur le climat de Copenhague est entrée, vendredi 11 décembre, dans une phase décisive, avec l’acceptation implicite par tous les pays d’une base de discussion : le matin, avait été distribué aux délégués des 191 parties à la Convention un « brouillon » (draft text).

Rédigé par le diplomate maltais Michael Zammit Cutajar, le texte fait une synthèse des positions publiées dans la semaine, un projet danois reflétant l’approche des pays du Nord et un projet des pays du Basic (Brésil, Afrique du Sud, Soudan, Inde et Chine) exprimant celle du Sud.

Le texte de M. Cutajar prend pour base la continuation du protocole de Kyoto. Il indique que l’on « devrait » limiter la hausse de la température de la planète à 2° C ou à 1,5° C (le choix est laissé à la discussion). Il propose de se fixer un objectif global de réduction des émissions en 2050, plusieurs options étant ouvertes : – 50 %, – 85 %, – 95 %.

Les pays développés « devraient » limiter les leurs d’ici à 2050 d’une valeur comprise entre – 75 % et – 95 %, et d’ici à 2020 d’une valeur allant de – 25 % à – 40 %. Quant aux pays en développement, ils viseraient « à atteindre une substantielle déviation de leurs émissions » de – 15 % à – 30 % d’ici à 2020.

Sur la question des financements de l’aide aux pays les plus pauvres, le document ne s’avance pas sur les montants ou l’architecture, mais inscrit un mécanisme immédiat (« fast start ») d’aide aux plus pauvres pour 2010-2012.

Si le texte constitue maintenant la base de discussion, cela ne signifie pas que l’accord est certain. Les Etats-Unis ont réagi par la voix de Todd Stern, le chef de leur délégation, qui a jugé que la partie sur les engagements des pays du Sud « ne constituait pas une base de négociation. (…) Les Etats-Unis n’iront pas à un accord sans que les plus grands pays en développement s’impliquent et prennent des actions réelles ». Sans prononcer le mot de « contraignant », Washington attend un engagement plus net de la part des grands émergents, la Chine en particulier.

Effacement de l’Europe

Sans répondre directement, le représentant chinois s’est cependant montré acerbe à l’égard des Etats-Unis. En référence à une déclaration antérieure de Todd Stern, selon laquelle Pékin ne devait pas s’attendre à une aide financière, en raison de sa prospérité, He Yafei, vice-ministre des Affaires étrangères a déclaré : « Je pense que ce gentleman est ignorant. Il manque de sens commun ou est extrêmement irresponsable. »

Cet échange montre que la conférence se focalise sur la relation Chine-Etats-Unis. L’annonce par l’Europe d’une aide de 7,2 milliards d’euros sur trois ans, vendredi, n’a pas suscité un accueil très chaleureux. « C’est non seulement insignifiant, mais ça nourrit encore plus la défiance sur les intentions des leaders de l’Union européenne », a jugé le délégué soudanais Lumumba Stanislas Dia-Ping, dont le pays préside le G77. « Ce dont on parle, c’est du court terme et ça ne suffit pas. (…) Que ferons-nous dans trois ans ? », a également lancé He Yafei.

Aucune réponse claire n’est venue du camp européen, singulièrement effacé dans cette conférence, alors qu’il était habituellement très actif. Il semble observer le duel entre Etats-Unis et Chine, celle-ci s’appuyant sur le G77 qui la reconnaît comme son porte-parole.

Comme le résume Yvo de Boer, secrétaire de la Conférence, « la discussion sérieuse sur les finances et sur les objectifs d’émissions a commencé ». Les ministres vont entrer en scène dès dimanche : la présidence danoise les réunit à l’écart du Bella Center pour discuter du texte, et tenter d’accommoder les positions avant l’arrivée des chefs d’Etat, en fin de semaine.

Le sommet pourrait se transformer en un duel Sud contre Etats-Unis, l’Europe ayant à choisir son camp. Rupture ? Accord ? Les jeux restent plus ouverts que jamais.

Source: Hervé Kempf (Le Monde)

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