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François Goulard, le mouton noir de la capitale

Cela s’appelle le service minimum. Le 11 septembre 2009, Nicolas Sarkozy arrive à Vannes pour la cérémonie d’hommage à deux soldats français tués en Afghanistan. Attendu à sa descente d’avion, comme il se doit, par François Goulard, il lui serre la main: « Bonjour, monsieur le maire. »

Et? Et c’est tout. Sauf un guère plus enthousiaste « Au revoir, monsieur le maire », en partant, après avoir pris le temps d’un aparté, sur le tarmac de l’aéroport, avec le député (UMP) du Finistère Jacques Le Guen. « Je lui serre la main parce que je suis républicain », glissera simplement le président à un élu.

François Goulard n’est pas en cour à l’Elysée. D’ailleurs, quand le chef de l’Etat reçoit les députés UMP, le maire de Vannes boycotte la convocation. « Le président n’est pas chef de parti, explique-t-il. S’il invitait l’ensemble des parlementaires, j’irais. » L’ancien ministre de Jean-Pierre Raffarin et de Dominique de Villepin a la critique acerbe contre Nicolas Sarkozy, qui « se vit comme un démiurge ».

Un critique du gouvernement

Il n’épargne pas davantage le gouvernement, dont il constate que les membres ne se bousculent pas à Vannes. Peu de ministres trouvent grâce à ses yeux: il salue l’action du pôle économique, emmené par Christine Lagarde et Eric Woerth, mais tacle volontiers le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, lequel se trouve être le plus fidèle compagnon de route de Nicolas Sarkozy. Les amis de mes ennemis sont mes ennemis…

La fameuse ouverture vantée au sommet de l’Etat ne l’émeut pas vraiment. Il en voit surtout ce qu’il estime être un inconvénient majeur: le brouillage des repères. « Martin Hirsch est la seule prise de guerre à avoir une influence sur la conduite du gouvernement, observe-t-il. Ce n’est le cas ni de Bernard Kouchner ni d’Eric Besson. Le RSA jeunes, par exemple, qui ne me convainc pas, n’aurait jamais été adopté si le Haut-Commissaire n’avait pas été là. »

Dans la capitale, François Goulard se plaît à provoquer. Au début d’octobre se déroule la première séance de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, avec -c’est nouveau- émargement des présents, pour lutter contre l’absentéisme. Goulard aperçoit le secrétaire général de l’UMP. Aussitôt, saluant l’ »effet positif » de la mesure, il lance à la cantonade: « Ça fait venir Xavier Bertrand ! »

Le spleen du parlementaire

Dans la salle des Quatre-Colonnes, où les députés croisent les journalistes le mardi et le mercredi, l’élu du Morbihan se retient rarement d’un bon mot. Une méchanceté si possible, même s’il tente de ne pas en abuser. « L’apparition dans les médias nationaux est désormais pénalisante, relève-t-il. Les gens nous voient à Paris en train de causer et se disent que nous ne sommes plus à leurs côtés. »

Mais ce n’est pas à 56 ans qu’il va se refaire… D’autant que François Goulard trouve là un moyen de combattre le spleen du parlementaire. Selon lui, la révision constitutionnelle adoptée en 2008 consacre l’hyperprésident plus qu’elle n’encourage les députés à résister au sens du vent: « Ils ne deviennent courageux que lorsque l’opinion se détache du pouvoir. »

Des espoirs en Dominique de Villepin

Avant l’élection présidentielle de 2007, François Goulard s’était rapproché de François Bayrou. Il s’en est vite éloigné, car il juge que le dirigeant du MoDem ne peut gagner qu’en se transformant en candidat de la gauche. Pas vraiment sa tasse de thé.

Alors il place tous ses espoirs en Dominique de Villepin. Par amour des causes désespérées? Il a suivi attentivement le procès Clearstream et croit, jusqu’au bout, en l’innocence de l’ancien Premier ministre. François Goulard veut se persuader qu’il existe une alternative à droite. C’est -aussi- son destin de mouton noir à Paris qui en dépend.

François Goulard, vu par Dominique de Villepin

« C’est un esprit toujours en mouvement. Il a une curiosité et une vitalité très grandes, liées à beaucoup d’humour et d’empathie, de bonheur à être au contact, sur le terrain, avec les autres. Une personnalité d’autant plus sympathique qu’il ne cache jamais ce qu’il pense. Ce n’est pas un homme de calcul. »

Source: Eric Mandonnet (L’Express)

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