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Débat sur l'identité nationale: Prestidigitation nationale, par Gérard Courtois du Monde

Branle-bas général, le grand débat sur l’identité nationale est ouvert ! Branle-bas dans les 100 préfectures et les 340 sous-préfectures de France, de Navarre et d’outre-mer, sommées par l’adjudant-chef Besson de lui envoyer leur feuille de route d’ici au 16 novembre, avec consigne de mobiliser les « forces vives de la nation » pour « réaffirmer les valeurs républicaines et la fierté d’être français ». Branle-bas dans les déjeuners dominicaux, les cafés du commerce et sur le Web, bien sûr. Déjà l’on entend le roulement de tambour des grands mots, le cliquetis des grandes dates, des grands hommes et des grands symboles. Chacun, déjà, fourbit références et citations, Renan contre Barrès, Bainville contre Braudel, ou l’inverse.

Et dire que ce tintamarre va durer trois mois ! Par avance, on en frémit d’ennui. Non qu’il y ait, derrière ce fatras prévisible – à l’image des dizaines de questions lancées à la cantonade par le site officiel créé pour l’occasion -, de sérieuses interrogations et de vigoureuses disputes. Mais parce que ce « grand débat » national est engagé de manière si biaisée et manoeuvrière qu’il ne peut rien en sortir de solide et de vivifiant. Mauvais esprit ? Qui plus est de « mauvais Français » ? Dans ce cas, l’on n’est pas seul. N’est-ce pas un membre du gouvernement, Martin Hirsch en l’occurrence, qui a lâché, dans un stupéfiant moment de franchise, qu’il s’agit bien d’une « opération 100 % politique » ?

On ne saurait mieux dire. L’accessoire, chacun l’a immédiatement compris, est la préparation des élections régionales de mars prochain, la volonté affichée de braconner à nouveau sur ce qui reste des terres du Front national et l’assurance sarcastique d’embarrasser une gauche partagée entre le silence et les cris d’orfraie. L’essentiel pourtant n’est pas là.

A force de tourner casaque en permanence, à force d’utiliser les valeurs comme de vulgaires figures de rhétorique, à force de multiplier les acrobaties idéologiques et de brouiller les cartes politiques, le pouvoir actuel a fini par égarer les Français en général et ceux de droite en particulier. Pourfendeur, en 2007, d’un « modèle français » paralysant, le voilà qui en vante avec emphase les mérites protecteurs. Chantre, il y a peu, d’un libéralisme « sans complexe » et tout terrain pour soigner le pays de ses vieilles arthroses, le voilà qui fait mine désormais de dénoncer le capitalisme financier sans foi ni loi. Sans oublier la défense du mérite contre la rente, le credo de l’Etat « impartial », la fin de la « Françafrique ». La liste est longue des changements de cap, qui sont autant d’aveux d’impuissance, « bouclier fiscal » excepté.

La France est donc ce qui reste quand on a tout essayé. Nous y sommes. Après tous les numéros réalisés depuis deux ans, il n’est pas sûr que les Français se laissent prendre à ce nouveau tour de prestidigitation. Gageons qu’ils sont plutôt demandeurs d’un solide contrat social.

Source: Chronique signée par Gérard Courtois et publiée dans l’édition du quotidien Le Monde datée du 10 novembre 2009

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