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Budget 2010: La France s'installe parmi les cancres budgétaires

Ce chiffre fait peur : 140 milliards d’euros, deux fois plus que les dépenses de l’Etat pour l’Education, presque deux fois et demi la collecte de l’impôt sur le revenu… C’est le montant astronomique du déficit de l’Etat en 2009 détaillé mercredi par Eric Woerth, le ministre du Budget, et Christine Lagarde, la ministre de l’Economie. Un trou abyssal qui représente la moitié des dépenses de l’Etat; en clair, les administrations vivent à crédit un jour sur deux !

Un record absolu depuis 1945, presque deux fois plus que lors de la récession de 1993 (71,6 milliards). En 2010, la situation ne va guère s’améliorer. Certes, le déficit de l’Etat devrait légèrement diminuer, à environ 115 milliards d’euros, mais pour l’ensemble des administrations, il atteindra le chiffre édifiant de 8% du PIB (8,2% en 2009). Alors que le plafond autorisé par le traité de Maastricht – qui s’en souvient encore ? – est de… 3%.

Un déficit public historique

Priorité à l’emploi et à la reprise. Le projet de loi de Finances 2010, présenté mercredi en Conseil des ministres, ressemble fort à un nouveau plan de relance. Nicolas Sarkozy a rappelé que le G20 convergeait sur la nécessité de ne pas cesser de soutenir la croissance.

Le taux de dépenses publiques va atteindre un nouveau record en 2010 (55,9 % de PIB). La résorption du déficit est renvoyée à l’après-2012 : il atteindra 8,5 % de PIB l’année prochaine et encore 6 % à la fin de la législature, si une croissance relativement soutenue revient.

La dette publique atteindra alors 90 % de PIB. Cette estimation du gouvernement ne prend pas en compte le grand emprunt, qui imposera un collectif budgétaire au printemps.

Si le déficit de l’Etat se réduira sensiblement l’année prochaine (à 116 milliards d’euros, tout de même), celui de la Sécurité sociale dépassera 30 milliards d’euros, en dépit du doublement surprise du forfait social sur l’intéressement et la participation, annoncé hier.

Le chef de l’Etat abordera la fin de son mandat sans aucune marge de manoeuvre budgétaire.

Une fuite en avant inquiétante

Les estimations de déficit contenues dans le projet de budget 2010 inquiètent les économistes qui y voient une fuite en avant potentiellement lourde de menaces pour la crédibilité de la France sur les marchés et la cohésion de la zone euro.

Le déficit public, estimé à 8,2% du produit intérieur brut en 2009, augmenterait à 8,5% en 2010 et se situerait encore à 7% en 2011, 6% en 2012 et 5% en 2013, contre 3,4% en 2008.

La dette publique, qui représentait 65,7% du PIB en 2007, l’année de l’élection de Nicolas Sarkozy, atteindrait 77% en 2009, 84% en 2010 et jusqu’à 91% en 2013, une prévision que les économistes jugent d’ailleurs trop optimiste avec un déficit à 5%.

La France sera ainsi durablement en dehors des limites européennes plafonnant le déficit à 3% et la dette à 60%, qu’elle s’était engagée – avant la crise – à respecter en 2012.

La récession, en augmentant les dépenses et en réduisant les recettes, a mis à mal les finances publiques de la totalité des pays de la zone euro, propulsant le déficit de certains d’entre eux comme l’Espagne ou l’Irlande au-delà des 10% du PIB.

Une hypothèse de croissance de 0,75% en 2010

Présenté comme « le budget de la reprise », le Projet de loi de finances (PLF) pour 2010 prévoit un déficit public de 116 milliards d’euros, soit 8,5% du PIB. Adopté mercredi en conseil des ministres, il maintient la suppression de près de 34.000 postes de fonctionnaires l’an prochain et intègre deux réformes fiscales importantes, la taxe carbone et la suppression de la taxe professionnelle.

Le déficit budgétaire 2010 se réduit de 25 milliards d’euros, par rapport aux 141 milliards d’euros prévus pour 2009 (8,2% du PIB), ont souligné les ministres de l’Economie et du Budget, Christine Lagarde et Eric Woerth, lors d’une conférence de presse à Bercy.

Le budget 2010 est construit sur une hypothèse de croissance de 0,75% l’an prochain, avec un taux de prélèvements obligatoires retenu de 40,7%. « Cette aggravation du déficit, nous l’assumons (…) C’est véritablement une affaire de crise », a déclaré M. Woerth mercredi lors d’une conférence de presse, soulignant que « les recettes de la fiscalité ont baissé de 20% entre 2008 et 2009″.

Le déficit public 2009 se décompose en un « déficit de crise » de 96 milliards d’euros, soit 70% de la somme, et un « déficit structurel » de 45 milliards d’euros, a précisé le ministre du Budget.

La dette publique devrait passer de 67,4% du PIB en 2008 à 77,1% en 2009, pour atteindre 84% en 2010. Selon les prévisions de Bercy, elle continuera de progresser jusqu’à 90% en 2012. A cette date, le déficit public sera revenu à 6% du PIB, toujours très loin du seuil de 3% fixé par l’Union européenne dans le cadre des critères de Maastricht.

Le PLF confirme également l’objectif de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, soit la suppression de près de 34.000 postes l’an prochain, dont 16.000 uniquement pour l’Education nationale. Seuls les ministères de l’Enseignement supérieur et de la Justice ainsi que Matignon ne sont pas concernés par les suppressions.

En ce qui concerne le régime de Sécurité sociale, le déficit s’élèvera en 2010 à 31 milliards d’euros, en raison d’une « chute de recettes très importante due au chômage », selon M. Woerth.

Selon Mme Lagarde, le PLF pour 2010 a été conçu autour de « trois axes majeurs »: le « maintien de toutes les mesures de soutien à l’emploi qui ont marché », le « soutien à l’investissement productif », et enfin le rétablissement d’une « cohérence » dans la fiscalité appliquée aux revenus tirés du travail.

Qualifié par Eric Woerth de « budget de reprise », son objectif « est bien de confirmer la sortie de récession », selon le ministre. « Nous maintenons 4,1 milliards d’euros sur la ‘mission relance’ », a-t-il souligné. En outre, la réforme de la taxe professionnelle va peser à hauteur de 11,7 milliards d’euros dans les comptes de l’Etat, au profit des entreprises. L’année 2010 « cumule la suppression de la taxe professionnelle avec les avantages qui avaient été consentis auparavant » aux entreprises, a souligné M. Woerth.

Parmi les autres mesures fiscales, le gouvernement maintient le remboursement du crédit d’impôt recherche, pour les dépenses engagées par les entreprises en 2009, soit « un effort supplémentaire de 2,5 milliards d’euros en faveur de l’innovation et de la recherche privée ».

Du côté de la « fiscalité verte », outre la mise en place annoncée de la taxe carbone, les dispositifs incitatifs dans le secteur du logement seront maintenus. Comme l’avait assuré dimanche dernier François Fillon, la prime à la casse pour les automobiles sera reconduite, mais son montant baisse progressivement, tandis que les seuils du système de bonus/malus automobile seront abaissés.

Enfin, justifiant d’une volonté de « valorisation du travail », M. Woerth a notamment annoncé la fiscalisation « au premier euro des indemnités de départ volontaire en retraite », qui bénéficiait jusque-là d’une exonération allant jusqu’à 3.050 euros. « On soutiendra un amendement du groupe UMP sur la fiscalisation des indemnités d’accident du travail », a-t-il aussi confirmé.

Sources: Associated Press, Challenges et Le Point

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