Fabrice Arfi et Marine Turchi, journalistes à Mediapart, autorisent notre blog à reproduire leurs articles datés du jeudi 24 septembre. Nous les en remercions vivement.
Vous pouvez vous abonner à Mediapart en cliquant ici.
Procès Clearstream : des documents embarrassants pour Nicolas Sarkozy, par Fabrice Arfi
Mardi 23 septembre, vers 20 heures, un trouble palpable a envahi la 11e chambre du tribunal correctionnel de Paris, où se tient le procès de l’affaire Clearstream. La défense de l’ancien premier ministre Dominique de Villepin, accusé d’avoir participé à un complot grossier ayant consisté à truquer des fichiers bancaires pour faire accroire en 2004 à la justice que de nombreuses personnalités (dont son rival Nicolas Sarkozy) étaient liées à un réseau international de corruption, a exhumé du dossier un document très embarrassant pour le chef de l’Etat.
Il s’agit de notes de frais signées par Imad Lahoud, celui qui est présenté comme le falsificateur des fameux comptes Clearstream. Celles-ci prouvent que cet informaticien d’origine libanaise a dîné ou déjeuné à plusieurs reprises avec l’un des plus proches collaborateurs de Nicolas Sarkozy entre fin février et mi-mars 2004, c’est-à-dire précisément à la période où le nom du futur président de la République a été introduit dans de faux fichiers de la chambre de compensation luxembourgeoise, comme l’ont démontré des expertises informatiques.
Le collaborateur en question s’appelle François Pérol. Il était à l’époque directeur adjoint du cabinet de Nicolas Sarkozy au ministère des finances, puis a été promu en 2007 secrétaire général adjoint de la présidence de la République une fois son protecteur élu à l’Elysée – il est aujourd’hui le patron des Caisses d’épargne, nommé dans des conditions qui ont suscité une vive polémique.
Quelques heures avant ces révélations, Imad Lahoud, qui n’a cessé d’enfiler les déclarations contradictoires et parfois lunaires pendant l’instruction, avait reconnu avoir inséré dans les faux listings le nom de Nicolas Sarkozy (et seulement celui-ci, sur les 228 concernés), alors dissimulé sous les patronymes «Stéphane Bocsa» et «Paul de Nagy». Pour mémoire, le nom complet du chef de l’Etat est : Nicolas Paul Stéphane Sarkozy de Nagy Bocsa.
Alors qu’il a toujours nié pendant l’instruction avoir participé à cette machination, Imad Lahoud a cette fois-ci raconté à la barre avoir réalisé ce trucage dans le bureau d’Yves Bertrand, ancien patron des Renseignements généraux (réputé proche des chiraquiens), et à la «demande expresse» de l’ancien vice-président d’EADS, Jean-Louis Gergorin, également poursuivi devant le tribunal. Imad Lahoud date la scène aux premiers jours de mars 2004.
«Je suis allé avec Jean-Louis Gergorin et son chauffeur. Nous étions attendus par Yves Bertrand, que j’ai reconnu. (…) Je reconnais avoir recopié sur une feuille Excel les noms de Stéphane Bocsa et Paul de Nagy à la demande de Jean-Louis Gergorin sur l’ordinateur qu’il a amené. On m’a présenté un document et je l’ai recopié. J’ai cédé aux pressions», a affirmé Imad Lahoud devant ses juges.
« Je ne sais pas pourquoi on m’a demandé de faire cela »
La scène décrite par Imad Lahoud, qui est dans l’incapacité d’en prouver la véracité, a de quoi susciter la circonspection, au bas mot. Non seulement parce que ce personnage central de l’affaire Clearstream n’a cessé de mentir depuis le début de l’affaire mais surtout parce que le bon sens le plus élémentaire disqualifie de bout en bout sa nouvelle version.
Reprenons un instant le raisonnement déroulé par Imad Lahoud à l’audience. Jean-Louis Gergorin lui aurait demandé de rentrer dans un fichier Excel le nom déguisé de Nicolas Sarkozy à partir d’un «modèle papier». De surcroît dans son propre ordinateur et au milieu du bureau du patron des Renseignements généraux, qu’Imad Lahoud est par ailleurs incapable de décrire, comme l’hebdomadaire Le Point l’a déjà raconté en octobre 2008.
Un mot : pourquoi ? Pourquoi Jean-Louis Gergorin, qui par déduction aurait donc introduit (ou fait introduire) les 227 noms des autres victimes de la machination Clearstream, aurait-il demandé à Imad Lahoud d’insérer seulement celui de Nicolas Sarkozy ? Pourquoi aurait-il eu besoin d’une tierce personne pour faire ce qui s’apparente à un exercice enfantin de saisie informatique dans un ordinateur, qui plus est à partir d’un modèle imprimé ? Et pourquoi faire cela dans le bureau de l’un des hauts responsables du renseignement français ? Cela n’a aucun sens.
Interrogé sur l’incohérence de ces propos, Imad Lahoud a répondu de sa petite voix enjôleuse : «Je n’en sais rien. Je le regrette amèrement. Je m’excuse. Je ne sais pas pourquoi on m’a demandé de faire cela.» Invité lui aussi à réagir par le président du tribunal, Jean-Louis Gergorin a qualifié ces déclarations de «grandguignolesques», de «loufoques» et d’«extravagantes». «Je les démens en bloc», a-t-il ajouté.
L’avocat de Nicolas Sarkozy, Me Thierry Herzog, n’a quant à lui bizarrement pas cru nécessaire d’interroger Imad Lahoud sur ses propos qui concernent pourtant au premier chef son client et la façon dont son nom a atterri dans les faux listings Clearstream, ce que l’instruction des juges Jean-Marie d’Huy et Philippe Pons n’a jamais pu éclairer.
Non. Me Herzog a préféré demander à Imad Lahoud s’il connaissait Dominique de Villepin. Et le conseil de Nicolas Sarkozy a manifestement eu beaucoup de nez en posant cette question : alors qu’il n’a jamais affirmé en quatre ans d’enquête judiciaire avoir rencontré l’ancien premier ministre, voilà que l’informaticien a mécaniquement répondu «oui» au troisième jour du procès Clearstream.
«François Pérol est un très bon ami»
«Je connais très bien sa belle-soeur, épouse Piloquet. Nous avions des relations de voisinage. J’ai par son intermédiaire rencontré Dominique de Villepin en 2005», a d’abord expliqué Imad Lahoud, qui n’est, semble-t-il, plus à une nouvelle version près. «J’avais… J’avais… euh… j’avais exprimé beaucoup d’admiration pour Dominique de Villepin auprès de Jean-Louis Gergorin. Pour moi, c’était l’homme de l’ONU, celui qui n’avait pas engagé la France dans la guerre (…) Je l’ai rencontré en début d’après-midi chez Delphine Piloquet, à côté de chez moi. Je lui ai parlé. Il m’a dit que ce que j’avais fait, je l’avais fait pour la France.»
Appelé à la barre, Dominique de Villepin se lève, reboutonne sa veste, affûte sa voix et lâche : «Je ne connais pas Imad Lahoud. Je ne l’ai jamais rencontré. Mais il faut dire que j’ai été très touché par son témoignage en faveur de la politique que j’ai menée.» L’ancien ministre des affaires étrangères semble jubiler. Il sourit.
Dans le camp d’en face, un peu débordé, on tente de démontrer les liens d’Imad Lahoud avec la belle-famille de l’ancien premier ministre de Jacques Chirac. La défense de Nicolas Sarkozy présente au tribunal des notes de frais d’Imad Lahoud où il apparaît que ce dernier a bien partagé un repas fin février 2004 avec le couple Piloquet. Mais pas de Villepin… En revanche, la même liste de notes de frais établit que le même Lahoud a fréquenté à cette même période-clef de l’affaire Clearstream le premier cercle de Nicolas Sarkozy, parmi lequel l’un de ses plus proches collaborateurs, François Pérol.
Il a dîné (ou déjeuné) avec lui le 28 février et le 18 mars 2004 et au moins une quinzaine de fois jusqu’en 2005.
- «Comme par hasard, c’est au moment précis où apparaît le nom de Sarkozy dans les fichiers. Est-ce une coïncidence ?», demande Olivier Metzner, l’un des avocats de Dominique de Villepin.
- Réponse d’Imad Lahoud : «Ce n’est pas François Pérol qui m’a soufflé le nom.»
- «Mais je n’ai pas dit cela», rassure Me Metzner.
- «François est un très, très bon ami à moi», reprend Imad Lahoud.
Me Metzner embraye : «Et vous ne lui parlez pas de l’affaire Clearstream et de ce que vous avez fait au sujet de Nicolas Sarkozy.»
Réponse de Lahoud : «Non. La seule fois où j’ai parlé de l’affaire Clearstream à François Pérol, c’était en 2005 au salon du Bourget.»
La scène se déroule peu après 20 heures. La salle est encore pleine de journalistes et d’avocats. Suspension d’audience. Une vingtaine de minutes plus tard, l’audience reprend. L’énorme bourde de Nicolas Sarkozy à New York, où, lors d’une interview avec TF1 et France 2, il parle des «coupables» (et non des prévenus) du procès Cleartream, est relayée sur les bancs de la défense de Dominique de Villepin. Fureur dans le camp de l’ancien premier ministre où l’on dénonce le non-respect de la présomption d’innocence. Aux caméras, Me Metzner annonce qu’une assignation sera déposée contre le président de la République.
Le dérapage de Nicolas Sarkozy fait événement et écrasera les révélations, pourtant capitales, des fréquentations sarkozystes d’Imad Lahoud. Personne n’en parle, de fait, ce matin dans les gazettes.
D’autant que ces preuves de proximité de M. Lahoud avec le tout premier cercle de Nicolas Sarkozy viennent aujourd’hui s’ajouter aux révélations de la semaine dernière de Mediapart (voir ici). Dans un témoignage inédit recueilli le 19 septembre, le beau-frère de Dominique de Villepin, Michel Piloquet, nous affirmait avoir surpris dans son bureau, toujours en mars 2004, Imad Lahoud en train de tenter de «pirater» son ordinateur, en compagnie d’une stagiaire. Celle-ci s’est avérée être la fille de François Casanova, un policier des RG (aujourd’hui décédé) qui était en rapports étroits avec Imad Lahoud entre 2002 et 2004. François Casanova était aussi un homme de confiance du n°2 des RG de l’époque, Bernard Squarcini, lui-même proche de Nicolas Sarkozy – il dirige aujourd’hui la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI).
Jamais entendu dans cette affaire, Michel Piloquet se dit «prêt à témoigner» devant le tribunal correctionnel. Ce qui paraît aujourd’hui inévitable au regard de la tournure que prend le procès Clearstream.
Source: Fabrice Arfi (Mediapart)
L’UMP déchirée par le procès Clearstream, par Marine Turchi
Le président de la République rêvait sûrement d’un autre scénario. Après trois journées d’audience, un lapsus présidentiel tout à fait révélateur dans les journaux télévisés de TF1 et France 2, mercredi 23 septembre, et les révélations sur une rencontre Imad Lahoud-François Pérol, alors directeur adjoint du cabinet de Nicolas Sarkozy au ministère de l’économie, à un moment clef de l’affaire, l’UMP se fissure. D’un côté, la vingtaine de villepinistes, chiraquiens et autres gaullistes qui apportent leur soutien à Dominique de Villepin. De l’autre, une poignée de sarkozystes pure souche qui défendent bec et ongles le chef de l’Etat. Et, au milieu, une majorité de moins en moins silencieuse qui émet des doutes et commence à prendre ses distances avec le chef de l’Etat.
Pas question de laisser dire que «la gauche a ses divisions et la droite son procès. C’est inadmissible», avait pourtant prévenu Nicolas Sarkozy avant l’ouverture du procès. Raté. Non seulement la droite a son procès mais, en plus, elle envisage sérieusement l’hypothèse d’une défaite. En tout cas, la situation dessine encore plus clairement les lignes de fracture.
Autour de Dominique de Villepin, c’est une véritable « Task force » qui s’est constituée. Jean-Pierre Grand, Georges Tron, François Goulard, Hervé Mariton et Jacques Le Guen se relaient dans les médias pour prêcher la bonne parole, dénoncer un «procès politique» et condamner l’intervention partisane du procureur Jean-Claude Marin au micro d’Europe 1, le 28 août. Quitte à employer les grands mots. Ainsi, Jean-Pierre Grand, fidèle parmi les fidèles, compare la situation de son chef à celle du dissident soviétique Soljenitsyne.
Il certifie également à Mediapart que certains députés de la majorité viennent discrètement, dans les couloirs de l’Assemblée, l’assurer de leur soutien à Villepin «comme des gens qui parlaient à des résistants». «En privé, huit députés sur dix me demandent de lui transmettre leurs amitiés. Des ministres nous disent « On pense beaucoup à Dominique, ça va être dur pour lui » ou encore « Villepin n’a aucune chance, l’Elysée a tout ficelé »», affirme-t-il, ajoutant : «C’est un procès politique, il y a ceux qui peuvent le dire et les autres… La classe politique est du côté du manche par définition, Villepin, lui, n’a rien à offrir.» N’empêche, ses fidèles ont profité de l’occasion et ont profité de ce coup de projecteur inhabituel pour lancer sur la toile leur Club Villepin, présidé par l’ancienne ministre de l’outre-mer, la chiraquienne Brigitte Girardin. L’élection présidentielle de 2012 reste en ligne de mire.
D’autres, comme François Goulard, Georges Tron et Hervé Mariton font dans la sobriété. «Villepin s’est bien préparé. Il nous dit qu’il va les avoir», confie François Goulard, député du Morbihan pendant que son collègue de l’Essonne, Georges Tron, met en garde, dans une interview à Libération , contre toute «manoeuvre politique qui consisterait à vouloir accabler Dominique de Villepin» au cours du procès. «Si jamais des coups fourrés politiques venaient se greffer à cette logique judiciaire, ses amis le dénonceront.»
Jeudi 24 septembre, François Goulard était ainsi un des premiers à monter au créneau pour s’insurger contre le lapsus présidentiel. «L’utilisation du mot coupable peut se comprendre dans la passion et la subjectivité, mais le président de la République n’est pas M. Dupont», a renchéri Hervé Mariton, député de la Drôme. « »Dès que l’on évoque Villepin, Sarkozy monte sur ses grands chevaux. Il réagit de manière passionnée et passionnelle »», a déploré Jacques Le Guen, député du Finistère. Et Jean-Pierre Grand de conclure : « »La feuille de route du pouvoir exécutif semble claire : il s’agit de faire en sorte que le procès ne soit qu’une formalité administrative pour condamner Villepin. »»
Le plus étonnant, c’est que, dans la foulée, le patron des sénateurs UMP, Gérard Longuet, a très nettement marqué sa différence avec Nicolas Sarkozy, dont il est pourtant proche. «Sur le terrain judiciaire, je suis d’une extrême prudence car je considère que chacun est présumé innocent tant qu’il n’est pas définitivement condamné», a-t-il déclaré, faisant allusion au lapsus new-yorkais du président de la République avant de comparer la déclaration présidentielle l’intervention pour le moins inopportine de Michel Poniatowki, alors Garde des sceaux, au moment de l’affaire de Broglie (1976). L’Elysée appréciera.
En fin de matinée, on aprenait, auprès d’un de ses avocats, Me Olivier Metzner, que Dominique de Villepin allait assigner Nicolas Sarkozy pour atteinte à la présomption d’innocence. De quoi alimenter un peu plus les discussions lors des journées parlementaires de l’UMP, qui venaient de s’ouvrir au Touquet (Pas-de-Calais).
«Je dois vous laisser, je suis très en retard»
Côté sarkozyste, on avait pourtan
t préparé le terrain en faisant donne l’artillerie lourde dès avant l’ouverture du procès. En début de semaine, les Frédéric Lefebvre (porte-parole de l’UMP), Nadine Morano (secrétaire d’Etat à la famille), Christian Estrosi (ministre de l’industrie), Pierre Charon (conseiller du président) ont rivalisé pour défendre le chef de l’Etat et dénoncer l’apparition «théâtrale et déplacée» de Dominique de Villepin entouré de sa famille, et son accusation «d’acharnement» .
Salle des quatre colonnes, à l’Assemblée, Patrick Balkany, l’ami de trente ans du chef de l’Etat, et d’autres élus comme Eric Ciotti, député des Alpes-Maritimes, prenaient le relais, mardi 22 septembre, pour railler le « J’accuse» version Villepin. Sur itélé, l’ancien premier ministre et actuel sénateur de la Vienne, Jean-Pierre Raffarin, a pour sa part jugé légitime que Nicolas Sarkozy, qui se «sent victime», «aille sur le terrain du droit» pour que «justice soit faite».
La garde rapprochée de Nicolas Sarkozy entend en tout cas surfer sur l’impopularité de Dominique de Villepin chez les parlementaires, qui n’ont jamais pardonné à l’ancien secrétaire général de Chirac la dissolution manquée de 1997. «Sa popularité n’a jamais été bien haute à l’Assemblée, son passage à Matignon n’a rien arrangé», confie au Figaro un vétéran gaulliste.
Au milieu de ce duel opposant sarkozystes et villepinistes, la majorité des députés UMP se montre bien silencieuse. Et gênée. «Je ne me prononcerai pas sur le sujet» ; «Je n’ai aucun commentaire à faire» ; «Je dois vous laisser, je suis très en retard». Voilà ce qu’on s’entend répondre lorsqu’on sollicite les députés sur la question. Le sujet n’a d’ailleurs pas été évoqué lors de la réunion du groupe UMP, mardi matin.
Bernard Accoyer, président de l’Assemblée, a expliqué sur RMC Infos, qu’il n’avait «pas à formuler de jugement sur l’attitude des uns et des autres». Tout en précisant qu’«il est normal que (les gens cités dans les listings Clearstream) cherchent à connaître la vérité et être blanchis par la justice». «C’est une triste histoire», s’est contenté de commenter Jean-François Copé, le patron des députés UMP, sur Canal +. Non sans une petite pique adressée à Nicolas Sarkozy : «Je ne sais pas comment dans une famille politique, on est mieux quand on a moins de personnalités que quand on en a plus.»
«On n’est pas très à l’aise, on n’en parle pas», explique à Mediapart le député de Paris Jean-François Lamour. Ce fidèle du premier ministre affirme vouloir être «très très prudent» et regrette qu’à travers cette affaire la droite «ne donne pas une bonne image». «C’est une période difficile pour les politiques car quand ils se retrouvent à la barre pour une affaire comme celle-là, imaginez les conséquences sur la population…» , dit-il.
«Pour beaucoup, Villepin en fait trop»
D’autres, comme Louis Giscard d’Estaing, député du Puy-de-Dôme, proche des «réformateurs» d’Hervé Novelli, bottent en touche. «Ce n’est pas un débat parlementaire en soi comme la taxe carbone, le grand emprunt, la reprise économique. On en parle à titre individuel, on réfléchit à ce que ça représente pour notre système judiciaire» , nous explique-t-il.
Député de la Meuse issu des rangs de l’UDF, Bertrand Pancher évoque «l’agacement des nouveaux parlementaires» comme lui par rapport à cette affaire. «Pour beaucoup, Villepin en fait vraiment trop, j’entends des « Faut qu’il arrête ce théâtre, c’est lui l’accusé » ou des « Il en fait une affaire personnelle, il se répand trop dans la presse ».» Lui comme ses collègues estiment que «la justice doit faire son travail» et aimeraient que «cette affaire soit moins médiatisée». «Clearstream ne se résume pas à une affaire entre Sarkozy et Villepin, il y a d’autres protagonistes !» ,insiste-t-il.
Quant à l’intervention du procureur Jean-Claude Marin, elle ne le choque pas. «Il s’est exprimé car les accusés ont passé leur temps à s’exprimer, il fallait rétablir l’équilibre.» Le chef de l’Etat est partie civile ? «C’est son choix. A l’époque, il était la principale victime, il n’était pas président de la République, il s’est porté partie civile. Se retirer aujourd’hui serait considéré comme un recul.»
Dans leur majorité, les députés ont surtout envie de clore ce chapitre qui ronge la droite. «Laissons la justice faire son travail, on commentera après», répliquent beaucoup. Et pour cause. «Ce procès est très mal vécu par le groupe UMP», confie à Mediapart Daniel Garrigue, député gaulliste de Dordogne qui a quitté l’UMP en décembre 2008. «Il y a un climat malsain» du fait de «la mainmise sur la justice» et de «l’instrumentalisation que fait l’Elysée de ce procès, explique-t-il. Les députés UMP évitent le sujet, ils ont peur que ce soit rapporté, que ça se paye au moment des investitures (pour les législatives). Au RPR, on pouvait dire des choses dures, ici si on s’exprime on est sur la liste des coupables.»
«Certains ont du mal à s’exprimer, ils n’ont pas envie d’avoir des problèmes pour la suite. Car soutenir Villepin, c’est s’opposer au chef de l’Etat», renchérit le chiraquien Henri Cuq, député des Yvelines, citant notamment le fait que le chef de l’Etat soit partie civile. «Comment peut-on être partie civile et bénéficier de l’immunité totale ? Cette question, les députés ne se la poseront pas en public mais en privé. Les membres de la commission des lois qui ont travaillé sur le statut pénal du chef de l’Etat doivent s’interroger…», ironise-t-il, tout en assurant : «Il ne s’agit pas d’être villepiniste, chiraquien ou sarkozyste, c’est une affaire d’équité de la justice.»
Source: Marine Turchi (Mediapart)