L’ancien Premier ministre Dominique de Villepin, renvoyé en procès dans l’affaire Clearstream, a accusé le président Nicolas Sarkozy, partie civile dans ce dossier, de faire preuve d’un « acharnement » dont il devra « s’expliquer », jeudi matin sur LCI.
Le chef de l’Etat « a marqué avec beaucoup de violences son souci de pendre le coupable à un croc de boucher », a-t-il dit.
« Il devra s’expliquer le moment venu, quand la lumière sera faite sur ce dossier, sur l’acharnement qui a été le sien, qui à mon sens n’est pas sans conséquence pour sa fonction, ni sur le plan humain, ni sur le plan politique ».
Sur le dossier de l’immigration, Dominique de Villepin a également mis en doute l’efficacité de la fermeture prévue de la « jungle » de Calais, qu’il a qualifiée d’ »effet d’annonce ».
Dominique de Villepin était, ce jeudi soir, l’invité du Grand Journal de Canal+. Dans l’extrait vidéo ci-dessus, il revient, de façon très franche, sur ses relations avec Nicolas Sarkozy pendant la décennie 1997-2007.
Vendredi matin, il a répondu aux questions de Jean-Jacques Bourdin sur RMC – BFM Télé: « J’ai mené avec Jacques Chirac une politique sur l’Irak extrêmement claire. Nicolas Sarkozy n’a jamais cessé de critiquer la politique française en Irak. Je n’ai jamais taclé l’affaire de la crise des banlieues ; Dieu sait s’il y aurait eu matière à mettre en difficulté un ministre de l’Intérieur qui avait lui-même contribué à mettre le feu aux poudres. Et je trouve un peu fort de café de voir aujourd’hui un Président de la République qui veut faire de son ancien Premier ministre quelqu’un qui aurait cherché à mener une mauvaise action contre lui, alors que c’est exactement l’inverse puisque c’est moi qui l’ai ramené dans le jeu politique en 1997, et il serait resté sur le bord de la route si je ne l’avais pas fait. »
Dominique de Villepin sur LCI jeudi matin
Cinq ans après la révélation de l’affaire Clearstream, le tribunal correctionnel de Paris va tenter, à partir de lundi, de démêler le vrai du faux, si étroitement imbriqués au coeur de cette rocambolesque saga, et d’arbitrer entre le chef d’Etat et l’ancien Premier ministre.
Le président de la République « devra s’expliquer le moment venu, quand la lumière sera faite sur ce dossier, sur l’acharnement qui a été le sien, qui à mon sens n’est pas sans conséquence pour sa fonction, ni sur le plan humain, ni sur le plan politique », a affirmé Dominique de Villepin, jeudi matin sur LCI.
Le président de la République « a, dans ce dossier comme dans tous les dossiers judiciaires, tous les droits, aucun devoir », a poursuivi M. Villepin : « donc il fera strictement ce qu’il veut, dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres ».
Interrogé sur la date à laquelle M. Sarkozy a su, selon lui, que son nom figurait dans les listings censés provenir de la chambre de compensation luxembourgeoise et démontrer l’existence d’un réseau de corruption, M. Villepin a déclaré: « il y a une chose qui est claire dans le dossier, c’est que Nicolas Sarkozy a su plus tôt, voire beaucoup plus tôt, qu’il ne l’a dit ».
Dominique de Villepin a également mis en doute l’efficacité de la fermeture prévue de la « jungle » de Calais, qu’il a qualifiée d’ »effet d’annonce ».
« On ne peut pas espérer mettre fin à ces situations, à la fois si douloureuses sur le plan humanitaire, et si inacceptables, sans avoir une véritable politique, un véritable accompagnement qui rendent ce type de mesures efficaces », a déclaré Dominique de Villepin.
« Cela me rappelle quelque chose », a indiqué Dominique de Villepin : « Nicolas Sarkozy avait déjà fermé Sangatte », le centre de la Croix-Rouge démantelé en 2002. « Donc on ferme la jungle. On aura sans doute le même résultat », a-t-il dit.
« Les effets d’annonce je m’en méfie dans ce domaine », a-t-il conclu.
Sources: Agence France Presse et Associated Press
Dominique de Villepin sur Canal + jeudi soir
La vidéo complète du Grand Journal est en ligne sur le site de Canal+. Vous pourrez la visionner en cliquant ici.
Dominique de Villepin sur RMC – BFM Télé vendredi matin
« J’ai mené avec Jacques Chirac une politique sur l’Irak extrêmement claire. Nicolas Sarkozy n’a jamais cessé de critiquer la politique française en Irak. Je n’ai jamais taclé l’affaire de la crise des banlieues ; Dieu sait s’il y aurait eu matière à mettre en difficulté un ministre de l’Intérieur qui avait lui-même contribué à mettre le feu aux poudres. Et je trouve un peu fort de café de voir aujourd’hui un Président de la République qui veut faire de son ancien Premier ministre quelqu’un qui aurait cherché à mener une mauvaise action contre lui, alors que c’est exactement l’inverse puisque c’est moi qui l’ai ramené dans le jeu politique en 1997, et il serait resté sur le bord de la route si je ne l’avais pas fait. »
En avril 2005, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, déclarait : « J’irai jusqu’au bout, je n’ai rien à perdre. Il y aura du sang sur les murs lorsque je serai au pouvoir. On les pendera tous à des crocs de bouchers. »
Quatre ans plus tard, Dominique de Villepin reste « sidéré, consterné par l’attitude d’un homme, aujourd’hui Président de la République, qui veut se faire justice lui-même. Il faudra bien expliquer l’acharnement d’un homme à peser sur ce dossier. Lorsqu’on est à ces fonctions, on ne peut pas se comporter avec une telle violence. L’absence de retenue du chef de l’Etat a des effets sur notre système judiciaire, sur notre système policier. Tout cela a conduit un certain nombre de protagonistes de ce dossier, à s’aligner sur la rage du Chef de l’Etat, qui a désigné un coupable, un bouc émissaire. Cette affaire a donc pris un tour politique, alors qu’au départ, il ne s’agit pas d’une affaire politique. »
Interrogé sur l’Afghanistan et le Président Karzai, Dominique de Villepin a déclaré: « Je pense qu’il n’est pas l’homme de la situation et qu’il y a beaucoup de corruption qui a discrédité le gouvernement Karzai. Les Ocidentaux mènent en Afghanistan une guerre qui est perçue par les Afghans comme une guerre d’occupation. et par ailleurs cette présence est immorale puisqu’elle soutient un régime corrompu. (…) Il faut tirer les conclusions d’une présence qui est aujourd’hui totalement illégitime. »
Que faire ? « On prend la décision d’annoncer un départ selon un calendrier qui doit donner du temps, parce que les choses ne peuvent pas se faire rapidement, mais qui marque la volonté des Occidentaux de ne pas rester à l’infini. »
« Il n’y a pas de solution militaire en Afghanistan », conclut Dominique de Villepin.
Vous pouvez ré-écouter l’interview de Dominique de Villepin en cliquant ici.