Au lendemain de la réunion qui s’est tenue à l’Elysée entre le Président de la République et les banquiers français, la ministre de l’Economie, Christine Lagarde, a estimé mercredi sur RMC que certaines banques avaient « vraiment des efforts à faire » pour faciliter l’accès au crédit des petites et moyennes entreprises (PME).
Cette déclaration intervient après celle de René Ricol, le médiateur du crédit, qui, dimanche, avait pointé du doigt la « montée des ‘petits dossiers’ concernant des demandes de prêts inférieurs à 5.000 euros », expliquant que les très petites entreprises, les artisans et les commerçants étaient pénalisés par cette difficulté d’accès au crédit.
De son côté, la CGPME avait confirmé lundi que les TPE-PME rencontraient toujours des difficultés pour accéder au crédit, jugeant « parfaitement incompréhensible » que les banques « ne respectent pas » leurs engagements en matière d’accès au crédit.
Si des mesures concrètes ont été annoncées mardi par Nicolas Sarkozy concernant la limitation des bonus des traders, le Président de la République est resté beaucoup plus flou s’agissant de cette question de l’accès au crédit, qui constitue pourtant un des moteurs essentiels de la reprise économique espérée.
Pour les PME, l’accès au crédit s’est asséché
Pour les petites entreprises, l’été fut meurtrier. L’assèchement du crédit leur a été encore plus fatal qu’aux grandes, malgré les engagements des banques et les rappels à l’ordre du président de la République.
Les entreprises tirent la langue pour obtenir leurs lignes de trésorerie auprès des banques : le journal de France 2 du lundi 24 août a ainsi consacré un reportage au mythique fabriquant de jouets Mécano. Cette entreprise réalise 45 millions d’euros de chiffre d’affaires et réalise des bénéfices depuis 8 ans. Les six millions d’euros d’avance sur recettes attendus depuis Noël ne seront finalement obtenus qu’au prix d’une restructuration et de sept licenciements, ainsi que de garanties personnelles engagées par le dirigeant de l’usine.
Les PME ont de plus en plus recours au médiateur du crédit, René Ricol
Si le flux des nouveaux dossiers empilés chaque mois sur le bureau du médiateur René Ricol est constant, celui des petites entreprises a grimpé en flèche ces dernières semaines. Souvent, il s’agit de très petites entreprises viables économiquement, mais auxquelles il manque quelques milliers d’euros de cash immédiat pour faire tourner l’activité : pour elles, un refus peut signifier le dépôt de bilan.
Le nombre des dossiers déposés auprès du médiateur par des entreprises de moins de 10 salariés est ainsi en hausse de 2,5 points sur la période juillet/août. En termes d’encours de crédit, le nombre de dossiers avec des besoins de financement inférieurs à 10 000€ ou à 50 000€ ont progressé respectivement de 5 et de 7,2 points. Le taux de dossiers ressortant en médiation réussie se maintient à son niveau stable à 65%.
« Les concours bancaires court terme restent le premier motif de saisine de la médiation. Viennent ensuite les problématiques liées à l’assurance crédit et au financement du crédit interentreprises ainsi qu’au rééchelonnement de la dette et aux besoins de financement en fonds propres » précise le médiateur du crédit.
L’Etat crée un « fonds de consolidation de développement des entreprises »
En octobre 2008, les banques s’étaient engagées à faire progresser de 3 à 4 % le volume de crédits en contre-partie de l’aide publique dont elles ont bénéficié au plus fort de la crise financière. Quelques mois plus tard, les banques reconnaissent elles-mêmes qu’elles ne tiendront pas leurs promesses et tablent désormais sur une hausse comprise entre 1 et 2 %.
Une nouvelle projection d’ores et déjà mise à mal par les derniers chiffres de la Banque de France : les prêts aux entreprises sont en effet passés de 313 milliards d’euros en juin 2008 à 259 milliards en juin 2009.
Les banques se défendent en arguant du fait que les demandes de crédits des entreprises sont en baisse, une affirmation là encore démentie par le médiateur du crédit, René Ricol, qui affirme avoir reçu plus de 15 000 dossiers de sociétés à la recherche d’un crédit.
Résultat : l’Etat prépare l’instauration d’un guichet public de soutien aux fonds propres aux entreprises petites et moyennes sous la forme, par exemple, de prêts participatifs.
Autre solution proposée aux établissements prêteurs : souscrire, avec des assureurs et le Fonds stratégique d’investissement, à un « fonds de consolidation de développement des entreprises » spécifiquement dédié à ces entreprises connaissant des problèmes de fonds propres. Ce fonds serait doté de 200 millions d’euros. C’est peu comparé aux engagements d’augmentation de l’encours de crédit pris par chacune des six principales banques françaises en octobre 2008. Ces derniers allaient de 5,8 milliards d’euros pour la Banque populaire à 18 milliards d’euros pour le Crédit agricole.
La CGPME vigilante
La CGPME s’est en tout cas félicitée mardi de la mise en place de ce fonds et du « guichet public de soutien aux fonds propres des PME ». Dans un communiqué diffusé à l’issue de la réunion de M. Sarkozy avec les banquiers français à l’Elysée, elle a ajouté qu’il « conviendra toutefois d’ouvrir largement ces aides ».
En revanche, si la Confédération générale des petites et moyennes entreprises se félicite de la volonté du chef de l’Etat « d’appeler les banques à augmenter les encours de crédit aux PME, elle regrette toutefois qu’aucune précision n’ait été apportée sur ce point ».
Dimanche, René Ricol, le médiateur du crédit, avait pointé du doigt la « montée des ‘petits dossiers’ concernant des demandes de prêts inférieurs à 5.000 euros », expliquant que les très petites entreprises, les artisans et les commerçants étaient pénalisés par cette difficulté d’accès au crédit.
Dans la foulée, la CGPME avait estimé lundi que les TPE-PME rencontraient toujours des difficultés pour accéder au crédit, jugeant « parfaitement incompréhensible » que les banques « ne respectent pas » leurs engagements en matière d’accès au crédit. Selon la CGPME, « près de deux PME sur trois ont au moins un besoin de financement, 78% de leurs dirigeants estimant être confrontés à un durcissement des conditions d’accès au crédit ».
Dans un communiqué, l’organisation patronale juge « particulièrement frappant de constater que, sur neuf mois, 15.000 entreprises (…) ont saisi le médiateur du crédit ». Elle trouve « parfaitement incompréhensible pour les chefs d’entreprise que les banques, prétextant la faiblesse de la demande de crédit, ne respectent pas leur engagement pris, faut-il le rappeler, en échange du soutien public dont elles bénéficient ».
« Le président s’est contenté de répéter que les banques devaient jouer leur rôle dans l’économie réelle, mais aucune sanction n’a été annoncée », déplore Jean-Eudes du Mesnil, secrétaire général de la CGPME.
La CGPME espérait notamment que les banques soient amenées à faire preuve de davantage de transparence concernant les sommes qu’elles injectent dans l’économie réelle et les prêts qu’elles refusent. « Il ne s’agit pas de s’immiscer dans le fonctionnement d’entreprises privées, mais d’une exigence de transparence logique puisqu’elles ont bénéficié d’une aide publique », souligne M. du Mesnil.
L’association française des usagers de banques très critique
« Nous sommes consternés, réagit Serge Maître, président de l’AFUB (Association française des usagers de banques). Le thème de cette réunion était ‘Bonus et crédits’. Nous craignions que les bonus servent de boucs émissaires et que les crédits passent à la trappe. C’est exactement ce qui s’est passé ».
M. Maître note qu »une série de mesures très précises sur les bonus » a été annoncée, mais qu’en ce qui concerne les crédits « on en est resté au stade de la déclaration de principe ». « Les bonus, c’est plus ‘sexy’, regrette-t-il, mais ça ne change rien à la réalité d’un chef d’entreprise confronté à un problème de trésorerie ».
Pour Serge Maître, le président de la République a laissé passer une occasion en or d’obliger les banques à faire « leur métier de prêteur ».
« Les banques ont réalisé d’énormes bénéfices au premier semestre, BNP Paribas a par exemple dégagé trois milliards d’euros, en grande partie grâce à des produits comparables aux subprimes. Il était donc possible de leur demander d’orienter une partie de ces profits vers l’économie réelle ».
Christine Lagarde acquiesce: certaines banques « ont vraiment des efforts à faire » vis-à-vis des PME
La ministre de l’Economie, Christine Lagarde, a estimé mercredi sur RMC que certaines banques avaient « vraiment des efforts à faire » pour faciliter l’accès au crédit des petites et moyennes entreprises (PME).
« On est aujourd’hui dans un rapport de confiance, elles ont des preuves à nous fournir
en matière de financement de l’économie », a ajouté la ministre.
Sources: L’Usine Nouvelle, Les Echos, Agence France Presse, Associated Press, Nouvel Observateur et Le Monde