Print Shortlink

OGM: le Conseil d'Etat relance le débat

Le Conseil d’Etat, saisi par une association écologiste, a annulé, à la fin du mois de juillet, plusieurs dispositions du décret qui devait transposer en droit français une directive européenne sur les organismes génétiquement modifiés (OGM).

Ce décret avait été pris par le gouvernement de Dominique de Villepin le 19 mars 2007, quelques semaines avant les élections présidentielles et législatives, époque à laquelle la France devait transposer très rapidement la directive européenne sur les OGM, sous peine de se voir infliger une amende de 38 millions d’euros. Il était censé mettre en place toute la procédure d’autorisation de mise sur le marché des OGM en France.

Les dispositions sanctionnées portent sur l’information du public en matière d’organismes génétiquement modifiés, qui devra faire l’objet d’une loi avant juin 2010. Le gouvernement, qui n’aurait sans doute pas détesté en faire l’économie, devra donc engager un nouveau débat parlementaire sur l’épineuse question des OGM.

« Des motifs purement juridiques »

Contraint de transposer une directive européenne de 2001 sous peine de forte amende, mais ne souhaitant manifestement pas engager un débat parlementaire sur le sujet, le gouvernement de Dominique de Villepin avait choisi en mars 2007 de réglementer par décret l’information du public sur la culture d’OGM en France. Le Conseil d’État vient de juger ce cadre juridique inadéquat, rappelant que la charte de l’environnement impose le recours à la loi pour encadrer l’accès public à ce type de données.

« Concrètement, cette annulation décidée pour des motifs purement juridiques ne change toutefois pas grand-chose », relativise-t-on dans l’entourage de Jean-Louis ­Borloo. Visiblement désireux de dédramatiser cette annulation, les collaborateurs du ministre de l’Environnement, de l’Écologie et du Développement durable rappellent que « depuis 2007, il y a eu le Grenelle de l’Environnement, la loi sur les OGM et l’adoption d’une clause de sauvegarde proscrivant la culture d’OGM en France ».

Pour autant, l’arrêt du Conseil d’État impose au gouvernement d’aller vite sous peine de se trouver en contravention avec la réglementation communautaire. En 2006, déjà, la Cour européenne de justice avait enjoint Paris de transposer au plus vite la directive OGM sous ­peine de se voir infliger une amende de 38 millions d’euros.

Après cette décision du Conseil d’Etat, le gouvernement Fillon étudie donc la possibilité d’une loi concernant les modalités d’information du public en matière environnementale, a indiqué Chantal Jouanno, secrétaire d’Etat à l’écologie.

« On a deux solutions : la première, c’est de faire une loi qui traite spécifiquement de la question de l’information du public sur les OGM », a-t-elle indiqué. « La deuxième, c’est d’avoir une loi beaucoup plus large (…) en intégrant toutes les exigences de consultation du public sur les questions environnementales », a ajouté la ministre. « On étudie les deux solutions actuellement », a précisé Mme Jouanno, précisant qu’elle était « plutôt favorable » à la deuxième, qui permettrait « une approche plus large ».

Le Conseil d’Etat s’est appuyé sur l’article L 125.3 du code de l’environnement pour retoquer le décret ministériel. Ledit article stipule en effet le droit de toute personne « d’être informée sur les effets que la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés peut avoir pour la santé publique ou l’environnement ».

Le Conseil d’Etat a aussi estimé que la transcription de cette directive européenne devait passer par la loi et non par un simple décret. Il a donné à la France jusqu’à la fin de la prochaine session parlementaire pour se doter d’une loi conforme.

Selon l’ancienne ministre de l’environnement Corinne Lepage, désormais présidente du Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique (CRII-GEN), « un certain nombre de principes de la directive et en particulier le droit à l’information du public sur les études en matière de santé des OGM n’étaient pas respectés » dans ce décret.

Très sensible, la question de l’information du public sur les ensemencements d’OGM a par le passé donné lieu à de vifs débats entre militants écologistes et représentants des cultivateurs, qui redoutaient notamment de voir leurs parcelles attaquées par des faucheurs volontaires.

L’interview de Chantal Jouanno, secrétaire d’Etat à l’Ecologie, dans France Soir

France Soir: Cette décision du Conseil d’Etat est-elle une bonne ou une mauvaise nouvelle pour vous ?

Chantal Jouanno: Ni l’une ni l’autre. C’est une décision intéressante, le Conseil d’Etat donne son interprétation sur la façon dont doit être prévue l’obligation d’information et de consultation du public sur les questions environnementales. Passer par une loi me convient tout à fait, c’est l’esprit du Grenelle de l’environnement. Je suis convaincue que l’on aborde de tels sujets de société dans le cadre de l’écologie, comme les ondes, les OGM, qu’il faut un avis du public. Les décisions administratives ne suffisent pas.

Ce qui sous-entend que vous n’adhérez pas à la décision prise par le gouvernement Villepin de passer par la voie du décret ?

Elle a été prise avant le Grenelle. Aujourd’hui, on a une vision plus large qu’à l’époque.

C’était il y a à peine plus de deux ans pourtant.

Oui, mais il faut se souvenir qu’en plus, il y avait un contentieux européen à ce moment-là, la France devait transposer très rapidement la directive sur les OGM sous peine de sanction.

On a quand même la sensation qu’il s’agit d’un « cadeau empoisonné »…

Il s’agissait surtout de résoudre rapidement la question pour ne pas tomber sous le coup d’une sanction.

Que va permettre cette nouvelle loi ?

Il est important que les Français fassent eux-mêmes leur choix concernant l’écologie. S’agissant des OGM, ce qui est aujourd’hui redouté, c’est que ceux proposés à la culture le sont pour des motifs commerciaux, sans qu’on en voit un bénéfice pour la société. C’est comme si l’on proposait un vaccin qui présenterait des risques mais ne soignerait pas forcément. En revanche, si il s’agit de faire des recherches sur des OGM qui permettraient de réduire l’usage de produits chimiques, et qu’on l’explique au public, il sera lui-même capable de faire l’arbitrage entre bénéfices et inconvénients.

Etes-vous favorable à la culture commerciale d’OGM ?

Je reste fermement déterminée sur l’idée de la clause de sauvegarde, parce que ce qui est proposé aujourd’hui à la culture commerciale ne présente pas d’intérêt pour la société. C’est uniquement motivé par des considérations financières, et je ne vois pas pourquoi on prendrait un risque environnemental.

Ce qui signifie que le maïs Monsanto en France, ce n’est pas pour demain ?

Non, parce qu’il reste des doutes à ce stade. Nous aurons un débat européen sur ce sujet dans les semaines qui viennent.

Vous avez évoqué jeudi l’idée de faire une loi plus ambitieuse que ce que vous demande le Conseil d’Etat…

Le Conseil d’Etat nous dit de passer par une loi pour fixer les conditions de la consultation du public. Ce qui nous laisse deux solutions : faire un article qui concerne uniquement l’aspect OGM, ou être plus ambitieux, et traiter par cette loi la question globale de l’information du public sur toutes les questions environnementales.

Sources: Le Monde, France Soir et Le Figaro

Ecrire un Commentaire