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Hervé Mariton dans Les Echos: "Attention à ne pas démanteler la politique familiale"

Attention, sujet ultrasensible ! Jusqu’à présent, les femmes salariées du privé se voient créditer de deux ans de cotisations retraite par enfant élevé. Mais le 19 février dernier, la Cour de cassation, se fondant sur une jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et sur un avis de la Halde, a estimé qu’un père pouvait prétendre à une majoration analogue au nom de l’égalité homme-femme.

Pour éviter que ce genre de réclamation ne se multiplie en période de déficits record, le gouvernement a donc décidé de régler la question dès l’automne prochain en modifiant les avantages accordés aux mères.

Après son interview de jeudi matin sur Europe 1, centrée sur les questions économiques, le député de la Drôme, Hervé Mariton, est à nouveau monté au créneau vendredi, dans une interview au quotidien économique Les Echos.

Le député souligne que « la défense de la politique familiale est un marqueur de la droite : si nous fléchissons, notre électorat nous sanctionnera. Ne mettons pas notre drapeau dans notre poche »

L’interview d’Hervé Mariton au journal Les Echos

Les Echos: Est-il envisageable de supprimer ou de rogner les avantages liés à la maternité pour la retraite des femmes ?

Hervé Mariton: Non. La maternité est un événement qui provoque de fait une détérioration de carrière et qui, par ailleurs, assure la survie du système de retraite par répartition. Cela justifie donc des contreparties. Il ne faut pas interpréter sottement la jurisprudence de la Cour de cassation, de la Cour européenne des droits de l’homme ou les avis de la Halde. Le principe d’égalité entre les hommes et les femmes ne doit pas conduire à amplifier de fait une inégalité réelle dans les déroulements de carrière et démanteler un pan important de notre politique familiale. Le gouvernement peut partir du constat objectif que seule la femme accouche et la créditer pour cela d’un an de cotisations retraite (sur les deux prévus actuellement). Il pourrait de surcroît « offrir » des trimestres, cette fois indistinctement à la femme ou l’homme, qui s’arrête de travailler. J’ai l’impression que ces idées progressent au gouvernement, même si je suis conscient du « jésuitisme » du dispositif à imaginer.

Un tel scénario pénaliserait quand même les femmes qui reprennent leur activité à l’issue de leur congé maternité…

C’est un risque, et la probabilité que les femmes y perdent est réelle. Nous sommes contraints de passer par des trous carrés faute d’avoir défendu assez tôt et suffisamment fort l’intérêt, pour le pays, d’une politique familiale.

Est-ce un reproche au gouvernement ou à Nicolas Sarkozy ?

Je comprends que le gouvernement cherche à colmater les brèches « techniques » ouvertes par la jurisprudence, mais il y a aussi un combat politique à mener en France et en Europe : expliquer ce qu’est l’intelligence d’une politique familiale, son intérêt pour le dynamisme du pays et la survie de son système de retraite. La défense de la politique familiale est un marqueur de la droite : si nous fléchissons, notre électorat nous sanctionnera. Ne mettons pas notre drapeau dans notre poche ! Il y a sur ce sujet et sur les questions de société en général la nécessité de reprendre la main et de davantage anticiper.

Mais il y a des sensibilités diverses dans la majorité…

Certains, sans doute influencés par une vision individualiste et consumériste de la société, s’interrogent et promeuvent par exemple le soutien à l’enfant plutôt qu’aux familles. Le problème va d’ailleurs se reposer à la rentrée sur la « dotation autonomie » voulue par Martin Hirsch. Il a raison de vouloir étendre le RSA aux jeunes de moins de 25 ans qui travaillent. Mais lorsqu’il imagine une dotation autonomie, je suis perplexe et franchement hostile s’il s’agit de la financer en rognant sur les allocations allouées aux familles dont les enfants ont plus de 18 ans. Je préfère aider les familles à rendre les jeunes autonomes plutôt que de considérer que c’est de la responsabilité de l’Etat.

Sur les retraites des mères comme sur d’autres aspects de la politique familiale, n’y a-t-il pas une tentation de revenir sur des acquis pour faire des économies ?

Je pense qu’il n’y a pas de risque pour le PLFSS 2010. Mais il y a un risque à moyen terme, parce que la sortie de crise va exiger des économies drastiques. Si nous ne réaffirmons pas que la politique familiale est un fondement de notre modèle de société, elle peut être emportée.

Source: Les Echos (propos recueillis par Elsa Freyssenet)

Les 5 pistes de la future réforme des avantages familiaux

Le gouvernement dispose de différents leviers pour rétablir l’égalité homme-femme tout en réduisant les coûts pour la Sécu. Ces pistes ont été recensées dans un rapport du COR (conseil d’orientation des retraites) de décembre dernier. Revue de détail des solutions envisageables.

La plus égalitaire

L’avantage pourrait passer de 2 années par enfant à 1 année mais bénéficierait aux femmes comme aux hommes. Cette solution présente l’avantage de l’équité mais ne réduirait pas le coût pour la Sécu et maintiendrait les importants écarts de pension perçue entre les hommes et les femmes.

La plus radicale

Suppression pure et simple de l’avantage. Les caisses de retraite économiseraient près de 6 milliards. Mais cette décision provoquerait un tolé auprès des partenaires sociaux. Selon un rapport du COR du 28 mai dernier, « les pensions des hommes sont deux fois plus élevées que celles des femmes pour les générations actuelles de retraités ». Cette inégalité « résulte directement de la répartition inégale des tâches domestiques ». Bien souvent, les femmes s’arrêtaient, en effet, de travailler pour élever les enfants et s’occuper des tâches ménagères. Selon la Cnav, la suppression de ce bonus réduirait en moyenne de 19% la pension de base des femmes concernées.

La plus éprouvée

Ce n’est pas la première fois que le gouvernement s’attaque au problème. En 2001, la Cour de justice européenne avait qualifié de discriminatoire la majoration pour les femmes. Elle avait consenti une dérogation pour les salariés du privé mais pas pour la fonction publique. En 2004, le gouvernement a donc rétabli la parité: désormais, le bonus familial pour les fonctionnaires est accordé au parent qui s’arrête de travailler pour élever son enfant. Le parent continue d’obtenir des droits à la retraite, sans cotiser, pendant toute la durée de l’interruption dans la limite de 3 ans par enfant. Peu importe qu’il s’agisse du père ou de la mère. Comme, bien souvent, il s’agit encore de la mère, le coup de pouce donné aux femmes resterait préservé tout en assurant l’équité entre les sexes.

La plus astucieuse

Si le gouvernement veut préserver l’avantage dont bénéficient les femmes sans pour autant que la pratique soit jugée discriminatoire, il existe une solution, mentionnée par le COR: lier la majoration à l’accouchement et non plus au fait d’avoir élevé des enfants.

La plus coûteuse

Pour se mettre en conformité avec la Cour de Cassation et la Cour de justice européenne, le gouvernement peut accorder le même avantage de 2 années supplémentaires par enfant aux hommes. Une piste difficilement envisageable tant elle coûterait cher à la Sécu.

Source: Alexandre Phalippou (La Tribune)

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