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Le nouveau Président (5/11): J’appelle à la barre Monsieur Dominique de Villepin

Chaque dimanche, retrouvez en exclusivité sur ce blog le feuilleton de l’été: Le nouveau Président, écrit par Denis Bonzy du blog Exprimeo.

Cinquième épisode, ce dimanche 9 août: J’appelle à la barre Monsieur Dominique de Villepin

Ce lundi 2 janvier 2012, toute l’équipe de campagne de Dominique de Villepin est mobilisée pour préparer le meeting du lendemain. A 13 heures, une brève coupure interviendra pour un pot rapide en l’honneur de cette nouvelle année si importante. Dominique de Villepin devrait passer rapidement.

Il est 10 heures 30 quand une personne du secrétariat entend un coup de sonnette particulièrement volontaire. Elle confie à ses collègues « voilà un militant bien décidé ». Elle se rend à la porte et propose à la personne d’entrer. C’est un huissier de justice qui doit remettre au Président du Comité de soutien de DdV une assignation pour un référé dans le cadre de la procédure dite « heure à heure ».

Le motif est simple : la veille le requérant estime avoir reçu un mail contre sa volonté. Ce mail, adressé pour les vœux de la nouvelle année, contenait des propositions précises qu’il déclare relever d’un fichage illégal de ses centres d’intérêt. Le requérant a une formule choc « on vous fiche. Ne vous en fichez pas ! ».

Cette personne dévouée délivre les signatures nécessaires pour récupérer l’assignation. Elle repart vers son bureau et dit à ses collègues « nous nous attendions à une offensive sur les programmes. C’est une assignation en justice qui nous arrive ». Elle donne une lecture attentive du document.

Bonne année 2012, bonne chance la France

Dimanche matin, les personnes qui avaient déjà reçu des messages de DdV via Internet ont été destinataires d’une carte de vœux.

Une carte réunissant Dominique de Villepin, son épouse et leurs enfants avec une mention manuscrite : «bonne année 2012, bonne chance la France».

Au bas du message, il est possible de cliquer sur un lien pour avoir accès à une vidéo. Selon les cas, c’est tantôt Dominique tantôt d’autres membres de sa famille qui complètent le message général par quelques mots. Le témoignage de son fils est particulièrement émouvant car il exprime dans des termes chaleureux pourquoi en tant que jeune il est proche et solidaire de son père. Cette vidéo sera la plus visitée.

Sur le terrain, tous les blogs qui constituent les soutiens ont appliqué la même méthode : une carte avec des vidéos. Chacun à sa façon dans la plus totale liberté exprime les raisons de son engagement et les espoirs liés à une éventuelle victoire. En quelques heures, cette campagne incarne toute l’originalité de l’organisation pour la présidentielle. Face à la toute puissance de l’armada d’un autre candidat, faire confiance dans le réseau des citoyens en les impliquant dans une campagne qui est aussi la leur.

C’est ce parti pris qui change des méthodes pyramidales des organisations politiques classiques. C’est ce choix de liberté qui rend la campagne multiple et pleine de rebondissements.

La force des faibles

Après l’enthousiasme du dimanche, l’assignation du lundi produit l’effet d’une douche froide. La direction de campagne se réunit immédiatement pour effectuer un point technique. Trois orientations principales sont prises. Tout d’abord, il semble qu’il y ait matière à contester la compétence du tribunal choisi par le requérant. Ensuite, il paraît également possible de contester la procédure même du référé. Il y a en effet un débat de fond qui s’oppose à cette procédure. Enfin, il est décidé de construire un dispositif qui veille surtout à protéger le candidat.

Chacun passe alors au travail sur ces bases.

A 13 heures, Dominique de Villepin arrive pour partager le pot amical de la nouvelle année dans la plus grande simplicité : jus de fruits et gâteaux secs. La Présidente du comité de soutien fait une brève allocution pleine d’émotion. DdV répond sur un ton très chaleureux. Puis, après qu’il eut pris le temps de rencontrer chacun, elle demande à le voir quelques minutes pour une « surprise ».

Ils se mettent à l’écart et elle lui annonce l’assignation en justice. Elle le prévient que tout sera fait pour qu’il ne soit pas question de lui, qu’elle prendra toute la responsabilité de cette initiative des vœux par Internet.

Dominique de Villepin l’interrompt rapidement et lui dit « je vous demande de me citer comme témoin. Ils veulent de la justice et ils ont raison. J’irai personnellement exposer les méthodes subies depuis plusieurs mois déjà. Je vais présenter le détail de ce combat aussi inégal. Nous allons leur faire découvrir la force des faibles : la vérité. Je vais personnellement y aller et sabre au clair car ce ne sont pas des méthodes quand on connaît la vérité ».

« J’appelle à la barre Monsieur Dominique de Villepin »

Mardi 3 janvier à 11 heures, dans une salle de tribunal sans aucun espace disponible, l’avocat du Comité de soutien demande, avant de répondre dans le détail, la faculté d’appeler un témoin. Dominique de Villepin est appelé à la barre.

Pendant 30 minutes, il assène des chiffres, des comparaisons de moyens humains, des comparaisons de logistiques, de temps de parole …

Sa conclusion débute et il ajoute : « un sot qui ne dit mot disait Molière ne se distingue pas d’un savant qui se tait. Je ne prétends pas au statut de « savant », et loin s’en faut, mais des décennies de gestion de l’Etat au plus haut niveau m’ont convaincu qu’en matière de démocratie, 1789 reste toujours à faire en France. Non seulement dans ce dossier comme dans tous les autres nous avons respecté la loi rigoureusement mais ce qui nous est reproché c’est de faire campagne, voire même tout simplement d’exister comme si l’opposition ne pouvait être tolérée qu’à la condition qu’elle soit inefficace, incapable, dépourvue d’imagination ; bref, l’alliée objective d’un pouvoir tout puissant sûr de ses prochaines victoires.

Qu’en serait-il alors de la plus belle des libertés dans une démocratie, celle pour le peuple que nous sommes de choisir librement ses représentants ?

Dans la mention d’homme d’Etat, il y a deux mots. Il doit y avoir un responsable digne d’être homme et un Etat digne d’être Etat c’est-à-dire impartial, au-dessus des manœuvres de tous ordres. Les candidats à une présidentielle comme les représentants de l’Etat doivent être capables de vivre le débat dans la concurrence pour offrir aux citoyens ce qu’ils méritent le plus : la qualité du choix. Voilà l’enjeu de cette procédure qui dépasse bien largement la vérification de mentions techniques en bas des quelques lignes d’un mail par ailleurs très anodin ».

L’avocat du Comité de soutien reprend la parole. Il expose les détails techniques de la défense et conclut au rejet de la requête.

Le Président du tribunal se retire et annonce que sa décision sera rendue en début d’après-midi.

Deux heures plus tard, le Président ayant constaté que l’infraction éventuelle avait cessé puisque l’envoi en question avait eu lieu une fois pour toutes, il renvoyait le requérant à saisir une instance compétente pour statuer sur le fond et se déclarait incompétent.

Censurons la censure !

Dans de telles circonstances, de façon spontanée, un groupe d’élus et d’intellectuels de tous bords politiques publie un communiqué en fin d’après-midi « La censure sous des formes les plus mesquines ne doit pas s’installer dans notre pays.

Nous devons lutter contre toute forme d’attentat à la pensée. Nous demandons une enquête sur les conditions pratiques d’organisation de cette procédure appliquée à un acte aussi anodin que la présentation des vœux. Si nous banalisions cette procédure sans clarifier si elle relève d’une démarche purement individuelle ou d’une autre nature, nous accepterions d’entrer dans une époque où l’information deviendrait suspecte. Si la campagne présidentielle débute dans de telles circonstances, qu’en sera-t-il dans les dernières semaines ? Nous réclamons donc le droit de savoir et demandons à tous les candidats sans la moindre exception de prendre des engagements clairs en la matière ».

A 18 heures 20, le site Internet d’un quotidien plutôt de gauche titre : « Joegate et Robertlamenace ».

Lors de la présidentielle Américaine 2008, « Joe le plombier » avait pris à partie Obama sur « les impôts futurs censés augmenter de façon déraisonnable en cas de victoire du candidat démocrate ». Dans les jours qui suivirent, Joe s’était avéré ne pas êt
re plombier mais surtout être un militant républicain docile. Tout avait été monté de toutes pièces. Et le quotidien fait le parallèle car Robert, prénom du requérant, a lui aussi un parcours de militant et même de candidat. Aurait-il agi sur ordre ?

C’est dans ce climat surchauffé que se profile la réunion publique du soir.

Plus que jamais, les propositions concrètes doivent être à la hauteur des enjeux. Dominique de Villepin se met à l’écart pour finaliser définitivement le moindre détail du discours qui doit être prononcé dans moins de 3 heures maintenant.

Dans son quartier général de campagne, le candidat se concentre. Pour la rédaction du discours, tout avait commencé la veille au soir selon les « usages ». A chaque reprise, lors de la première séance de travail, Dominique de Villepin prend des feuilles blanches qu’il dispose devant lui en n’écrivant que sur le recto. Sur chaque page, il inscrit une formule. Puis, en-dessous de chaque formule, sont ajoutés des faits concrets, des chiffres. Le discours doit toujours être enraciné dans la réalité du quotidien. Ensuite l’équipe à ses côtés débat sur la hiérarchie des formules pour les classer par ordre décroissant. Il en est de même des chiffres et des faits : ne conserver que l’essentiel. Une fois cet ordre arrêté, une première mouture sera mise en forme par l’équipe de rédaction qui remettra le projet pour finalisation et arbitrage définitifs.

D’ordinaire, l’ambiance est assez cool. Là tout est plus tendu. La toute dernière mouture a été rendue. Chacun sait que la campagne va démarrer, puis s’accélérer et qu’aucun temps mort n’interviendra avant mai. Du voyage en Afghanistan, Dominique de Villepin a rapporté une carte postale glissée dans sa poche par un jeune soldat, une pierre et l’écusson de l’un des bataillons en poste. L’ancien Premier Ministre sort la carte de la poche intérieure gauche de sa veste. Il la retourne. Il lit le texte de ce soldat « Je peux disparaître demain. Je pense si souvent à ma famille que j’aime de toutes mes forces. Mais je remercie l’étoile qui m’a permis de naître Français. Je suis fier de mon pays. Cette fierté, personne ne pourra me l’enlever. Vous aussi, pendant la présidentielle, battez-vous pour elle. Ainsi, vous vous battrez pour nous. Bon courage ». Dominique de Villepin dit alors « ce soir, c’est pour ce soldat que je vais m’ exprimer. Le reste n’est que futilité. Ce soldat doit savoir que nous nous battons pour ses idéaux. Nous ne le décevrons pas ». A voir le ton utilisé, il paraît acquis que le texte du discours servira de conducteur mais que l’improvisation aura une place particulière : celle de la conviction qui ne se programme pas.

Auteur: Denis Bonzy du blog Exprimeo

En exclusivité sur le blog 2villepin, dimanche 16 août, sixième épisode: Bonjour l’avenir

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