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Avant le procès Clearstream, Nicolas Sarkozy veut s’immuniser contre Dominique de Villepin

Protégé par la Constitution, le locataire de l’Elysée redoute néanmoins d’éventuelles poursuites en appel.

La justice française ne va pas chômer cet été. Enjeu : l’immunité présidentielle de Nicolas Sarkozy. De toute urgence, la cour d’appel de Versailles vient d’être saisie d’un appel diligenté conjointement par Sarkozy et le parquet de Nanterre (ou officie, comme procureur, Philippe Courroye), suite à un jugement de première instance à Nanterre.

Si Dominique de Villepin a de bonnes chances d’être relaxé (si ce n’est en première instance, ce sera en appel, en cassation ou devant la Cour européenne des droits de l’homme, la plupart des juristes en conviennent), de quel droit serait-il privé de poursuivre dans un second temps Nicolas Sarkozy ?

Pirates

Le 7 juillet, le tribunal de grande instance (TGI) de Nanterre décidait de «surseoir à statuer» sur la plainte déposée en septembre 2008 par Nicolas Sarkozy contre des pirates bancaires. Une décision de principe.

Primo : elle reconnaît «la faculté pour tout citoyen d’accéder à un tribunal», fut-il président de la République. La plainte de Sarkozy est donc jugée «recevable».

Secundo : en cas de relaxe des pirates, ces derniers seraient privés de «toute demande reconventionnelle à l’encontre du président de la République». C’est en effet un grand classique : X porte plainte contre Y ; Y est relaxé et dépose à son tour plainte contre X pour dénonciation calomnieuse ou procédure abusive. Sauf qu’en l’espèce, Y (le pirate) n’a pas le droit de porter plainte contre X (le Président, protégé par son immunité).

D’où, tertio : il y a «atteinte au principe de l’égalité des armes» dans la mesure où l’article 67 de la nouvelle Constitution indique que le locataire de l’Elysée «ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction, être requis de témoigner, non plus que de faire l’objet d’un acte d’instruction ou de poursuite».

Et le TGI de surseoir «jusqu’à un délai d’un mois suivant la cessation des fonctions de président de la République de M. Nicolas Sarkozy».

Retour de bâton

Cerise sur le gâteau, sa présidente, Isabelle Prévost-Desprez, ajoute que le Président préside aussi le Conseil supérieur de la magistrature et signe, à ce titre, les nominations des juges : «Ce lien peut laisser croire aux justiciables qu’ils ne bénéficieraient pas d’un tribunal impartial.»

C’est peu dire que ce jugement a semé la consternation en haut lieu. Président décomplexé, Sarkozy se croyait autorisé – à la différence de ses prédécesseurs – à porter plainte contre la Terre entière. Mais il n’imaginait pas ce retour de bâton.

Passe encore pour l’affaire des pirates à Nanterre – ils ont malgré tout été condamnés à de la prison ferme, les autres parties civiles étant indemnisées.

Mais cela pose un énorme problème à l’approche du procès Clearstream, qui doit s’ouvrir en septembre. Car, à la différence des pirates bancaires, Dominique de Villepin a de bonnes chances d’être relaxé (si ce n’est en première instance, ce sera en appel, en cassation ou devant la Cour européenne des droits de l’homme, la plupart des juristes en conviennent).

De quel droit Villepin serait privé de contre-attaquer Sarkozy ? D’où l’urgence pour le Président de la République de saisir la cour d’appel de Versailles pour annuler le jugement de Nanterre. Avant Clearstream. Son procureur général est actuellement en vacances, mais il n’est pas encore question de le rapatrier en hélicoptère.

Source: Renaud Lecadre (Libération)

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