Le député de la Drôme est le rapporteur du groupe de travail UMP sur les questions de société.
A lire dans ce billet: l’interview d’Hervé Mariton au Figaro, l’avant-propos du rapport parlementaire et le chapitre III: « Pourquoi la droite est-elle souvent mal à l’aise avec ces questions? »
Interview d’Hervé Mariton au Figaro
Le Figaro: Vous estimez que la droite souffre d’un « retard à l’allumage » sur les questions de société. L’UMP ne ferait-elle pas son travail ?
Hervé Mariton: Le parti ne réfléchit pas suffisamment. Les parlementaires de l’UMP l’ont fait davantage, notamment sur la bioéthique, mais dans le débat public, nos réactions sont essentiellement émotionnelles et conjoncturelles. Des responsables politiques ont le droit de dire qu’ils hésitent, ou qu’ils ne disposent pas de réponses immédiates aux interpellations de la société, à condition de ne pas les renvoyer aux calendes grecques.
Ce silence n’est-il pas la conséquence de divergences internes ?
C’est ce que je pensais quand j’ai commencé ce travail, il y a six mois, mais en réalité, il y a plus d’unité et de bienveillance entre nous qu’on pouvait le penser. Les 32 collègues du groupe UMP qui ont participé à cette réflexion y ont contribué avec sincérité et je n’ai pas relevé beaucoup de propositions réactionnaires, ni trop inféodées à un quelconque « sens de l’Histoire ». À défaut de parvenir toujours à une position unique, nous nous sommes rassemblés sur une exigence de méthode.
Vous mettez le concept de « famille durable » au cœur de votre réflexion sur le lien social. Que signifie-t-il ?
Le déclin du mariage, l’éclatement des couples et l’éducation monoparentale peuvent être des situations de fait, qu’il faut gérer, mais ne sont pas pour nous des modèles. Les politiques doivent contribuer à la stabilité des familles. Je vous renvoie à l’étude Analyses anglo-saxonnes. Socialement incorrecte ? (PUF), selon laquelle le taux d’homicide chez les enfants venant d’une famille recomposée est 70 fois plus élevé que des enfants vivant avec leurs deux parents biologiques. Dans les familles monoparentales, les enfants quittent l’école plus tôt que dans les familles biparentales et chez les filles, les grossesses précoces sont plus fréquentes… Ces chiffres doivent évidemment être rapportés au contexte américain.
Faut-il encourager le maintien de la famille biologique par la loi ?
Non. Il ne faut pas répugner à la loi dans les questions familiales, mais la loi ne résout pas tout. Le débat est important. Prenons l’exemple de l’avortement : la philosophe Monique Canto-Sperber nous a rappelé que la loi anglo-saxonne en matière d’avortement était beaucoup plus libérale que la loi française. Pourtant, il y a plus d’avortements en France qu’en Grande-Bretagne. Là-bas, on en parle, alors qu’ici, le sujet est exclu du débat public. D’où l’importance de ces débats, auxquels les députés doivent prendre toute leur part.
Vous vous inspirez aussi du modèle anglo-saxon pour prôner un « paternalisme soft ». Quid de la responsabilité individuelle ?
Elle n’est pas en cause. Le « paternalisme soft » consiste à trouver des instruments positifs pour inciter le citoyen à choisir les options que la puissance publique juge les mieux adaptées à la société. Entre contraindre par la loi et ne rien dire, il y a un champ d’intervention intermédiaire. Mais pour l’investir, il faut réfléchir, à moins de se condamner à rester en réaction sur des terrains où la gauche, elle, a fait du mouvement perpétuel un dogme.
Source: Le Figaro (Propos recueillis par Judith Waintraub)
Avant-propos du rapport parlementaire
Trente-deux collègues ont participé à la réflexion du groupe UMP pour reprendre la main sur les questions de société.
Vingt-six auditions de personnalités, riches d’analyses et de convictions, auront aidé à formuler des propositions de fond et des conseils de méthode. Nous devons écouter la société française dans sa diversité, travailler les sujets qui font débat en affirmant nos convictions, au premier rang desquelles la dignité de la personne, faire oeuvre de pédagogie sans nous laisser impressionner par les sondages, nous libérer de la dialectique de la conservation et du changement et rechercher ce qui est juste.
Souvent nous sommes engagés, directement, personnellement, en politique parce que nous voulons construire plutôt que de céder à un sens de l’histoire. Pour autant, notre engagement a un sens, en prise avec un monde qui bouge.
Oui, nous députés UMP pouvons reprendre la main sur les questions de société.
Hervé Mariton
Extrait du rapport parlementaire: Pourquoi la droite est-elle souvent mal à l’aise avec ces questions?
Sur les questions de société, la droite brille par son absence. Elle se trouve souvent en situation d’infériorité idéologique et politique par rapport à la gauche. Cela s’explique par plusieurs raisons.
Le rapport à l’histoire
La droite assume toute l’histoire de France, avec ses grandeurs et ses fardeaux, tandis que la gauche ne craint pas de faire un tri dans son passé et de se réclamer de quelques grandes figures et de symboles positifs. De l’histoire, elle garde Jaurès, Blum, la Commune et le Front Populaire…, oubliant les parts d’ombre.
Elle s’attribue ainsi « le beau rôle » et s’identifie systématiquement au progrès quand la droite se laisse assimiler au conservatisme figé alors qu’elle a souvent incarné le changement et le mouvement dans notre histoire politique.
Une tendance au doute
Certaine d’aller dans le sens de l’histoire et sûre de son destin, la gauche se considère a priori légitime, tandis que la droite, méfiante à l’égard du systématisme, a tendance, par essence, à douter.
Des réponses pragmatiques et une approche « technique »
La droite se caractérise par une approche pragmatique des questions de société qui contraste avec l’approche idéologique de la gauche. Elle cherche d’abord des solutions précises à des situations concrètes, tandis que la gauche a une vision globalisante de la société et n’hésite pas à l’instrumentalisation des cas particuliers comme symboles d’une lutte politique. Quand la droite a souvent une approche technique, la gauche recourt sans complexe à l’émotion et aux « grands discours » pour mobiliser l’opinion.
Le rapport à la morale et à la religion
Il y a une pudeur des hommes politiques de droite à s’exprimer sur des valeurs qui relèvent à leur sens de la sphère privée, de peur qu’on mette en cause un décalage entre leurs comportements et les principes qu’ils défendent pour la vie en société. De même, la droite française s’interdit de véhiculer une vision globale de la société qui mobiliserait des valeurs morales, de peur d’être taxée de réaction. C’est le fameux spectre du « retour à l’ordre moral » que la gauche agite régulièrement sur ces questions. La référence aux valeurs religieuses est également problématique à droite. Autant la revendication de valeurs chrétiennes à gauche est le gage d’une certaine modération (cf. Jacques Delors, Pascal Lamy…), autant faire référence à un héritage judéo-chrétien pour un responsable politique de droite renvoie à une posture extrémiste.
Le rapport à la liberté
Le rapport de la droite au libéralisme est assez ambigu. Une partie de notre famille politique ne se reconnaît pas dans l’approche libérale, sur le plan économique comme culturel. Une autre partie assume uniquement un libéralisme économique. Enfin d’autres composantes de la majorité assument le libéralisme dans toutes ses dimensions. Ces divergences rendent difficiles l’établissement de positions claires sur les questions de société. C’est le plus petit dénominateur commun qui triomphe souvent : « j’ai mes principes et mes convictions mais je n’ai pas à les imposer aux autres à travers la loi. »
Tous c
es éléments favorisent le silence ou le « retard à l’allumage » de la droite sur les sujets de société. Comme la nature, le débat politique a horreur du vide. A force de rester sur la défensive et de ne pas se positionner sur ces questions, à force de ne pas promouvoir ses convictions, la droite se laisse imposer celles des autres. En désertant le terrain des questions de société, la droite laisse la gauche s’imposer facilement sur le terrain des idées.