Le député-maire UMP de Pontoise, Philippe Houillon, a présenté ce mardi le rapport de sa mission d’information sur les rémunérations des dirigeants. Contre l’avis de la présidente du Médef, Laurence Parisot, ce rapport préconise l’élaboration d’une loi cadre sur les salaires des grands patrons.
Le rapport juge que l’autorégulation prônée par le patronat français avec son « code de bonne conduite » de 2008 n’a pas fonctionné. « Compte tenu de l’ampleur de la crise actuelle et de ses conséquences parfois dramatiques pour des centaines de milliers de salariés, le maintien du statu quo est devenu impossible », lit-on dans les conclusions de ce document.
Les 16 propositions faites par la mission Houillon au terme d’un travail de sept mois vont beaucoup plus loin que les mesures prises par le gouvernement face aux nombreux abus révélés ces derniers mois par la presse, qui ont fait scandale en cette période de crise.
Un fossé financier qui ne cesse de s’accroître
Le rapport remarque que le revenu annuel moyen des dirigeants des plus importantes sociétés françaises était en 2007 d’environ cinq millions d’euros, soit 312 fois plus que le revenu médian des Français pour une personne seule (15.780 euros). Neuf des 17 premiers revenus des patrons du CAC 40 ont augmenté en 2008, est-il relevé.
« Si l’on rapporte l’utilité sociale d’un dirigeant mandataire social à celle d’un chirurgien, d’un gardien de la paix ou d’un pompier, on peut légitimement s’interroger sur le fossé financier qui les sépare », lit-on dans le document.
« Entre 1997 et 2007, la rémunération moyenne des dirigeants de grandes sociétés cotées a progressé de 15 % chaque année quand, dans le même temps, celle des salariés évoluait de 3 % par an », constate Philippe Houillon dans un entretien au Parisien.
Les actions gratuites, stock-options (droit d’acheter des actions à un cours déterminé avec revente profitable à la clef), « parachutes dorés » (indemnités de départ), « retraites-chapeau » (venant s’ajouter aux sommes versées par la Sécurité sociale) persistent, souligne-t-il. Il précise à titre d’exemple qu’Antoine Zacharias, ancien P-DG de Vinci perçoit 2,2 millions d’euros de retraite-chapeau chaque année, Jean-René Fourtou (Vivendi) et Alain Joly (Air Liquide) 1,2 million d’euros chacun, Bertrand Collomb (Saint-Gobain) un million d’euros.
Ces éléments de rémunération sont souvent versés à des dirigeants en situation d’échec, explique le document, qui juge vain d’espérer une autorégulation du monde patronal.
La mission Houillon émet 16 propositions
Les députés recommandent donc le vote d’une loi-cadre avec 16 propositions.
Les députés préconisent la transformation du comité des sages constitué par le patronat en un observatoire des rémunérations, dont la composition et les possibilités de saisine seraient élargies.
Le rapport suggère de réduire de cinq à trois le nombre de mandats sociaux détenus par un même dirigeant, de limiter les jetons de présence, d’interdire le cumul d’un contrat de travail et d’un mandat social, d’encadrer les stock-options et de remplacer les « retraites-chapeaux » par un système par capitalisation sur la base de cotisations personnelles du chef d’entreprise.
Les députés proposent aussi de plafonner à un million d’euros les rémunérations et avantages consentis aux mandataires sociaux restant déductibles de l’impôt sur les sociétés.
Un aménagement des procédures d’attribution des rémunérations dans les sociétés et un droit de regard des syndicats sur les rémunérations sont également proposés.
Harmoniser les règles au niveau européen
Au total, les députés souhaitent mieux encadrer la rémunération des dirigeants en inscrivant dans le marbre, donc dans la loi, le principe d’un salaire correspondant « à l’intérêt général de l’entreprise ». Question de définition, ledit intérêt général devrait tenir compte de la moyenne des rémunérations des dirigeants d’entreprise du même secteur, des performances économiques réalisées ainsi que du traitement social des salariés.
Selon les députés, il est en effet « permis de douter que les niveaux atteints par les rémunérations de la majorité des mandataires sociaux des sociétés du CAC 40, présente aujourd’hui une corrélation étroite avec les résultats de leur gestion, alors qu’il en va tout autrement du commun des chefs d’entreprise français, notamment ceux à la tête des TPE et des PME ».
Du côté de Bercy, Christine Lagarde reste septique sur l’opportunité d’une loi, qui pourrait pénaliser les entreprises françaises dans une économie mondialisée. Mais Philippe Houillon défend le principe d’une harmonisation des règles au niveau européen pour éviter ce risque.
Sources: L’Express, Associated Press et Easybourse