Dans un chassé-croisé politique et judiciaire, Dominique de Villepin, en tournée de promotion pour son livre, se pose en principal opposant à Nicolas Sarkozy, avant d’être jugé en septembre dans l’affaire Clearstream où le chef de l’Etat est partie civile. Son livre « La Cité des hommes » est sorti le 11 juin, quatre jours après le scrutin européen qui a sonné François Bayrou, encore considéré récemment comme le principal opposant à l’Elysée.
« L’affaiblissement (de Bayrou) fait qu’il y a un peu plus d’espace pour Dominique de Villepin », approuve François Goulard, l’un des députés UMP villepinistes (une petite douzaine sur plus de 300).
Autre villepiniste, Jean-Pierre Grand livre une vision gaullienne du rôle de son mentor: « Il y a d’un côté le « mundillo » politique, qui s’agite et ne pense qu’aux élections et au remaniement, et de l’autre, un homme d’Etat qui réfléchit sans parler de politique politicienne ».
« Il veut continuer à exister au-delà des conséquences de la phase judiciaire qui va s’ouvrir », ajoute un troisième villepiniste, Georges Tron, en référence au procès Clearstream.
Dans son ouvrage, Dominique de Villepin ne cite pas Nicolas Sarkozy, alors que Jacques Chirac y est honoré au moins deux fois.
Mais aucune grande décision sarkozyenne ne trouve grâce à ses yeux. L’Otan ? « Rejoindre le commandement intégré était un contresens ». La médiation en Géorgie en août 2008 ? « Le gel des crises ne peut se substituer à leur règlement ».
Des bases militaires à Abou Dhabi ? L’ex-patron du quai d’Orsay est « troublé et inquiet ». La Turquie dont Nicolas Sarkozy refuse l’entrée dans l’Union européenne ? « Le coût d’un refus de son adhésion serait grand ».
Barroso dont la reconduction est soutenue par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel? Villepin « croit à la vertu du changement ».
La gestion de la crise par le président ? « Cette politique gagnerait à se concentrer sur des objectifs simples et moins nombreux ».
L’intervention lundi du chef de l’Etat devant le Congrès ? « C’est la marque d’une présidentialisation du régime. J’ai toujours été attaché à une séparation stricte des pouvoirs », dit-il, avant d’admettre qu’il y a un « intérêt à ce que le président puisse s’exprimer devant le Congrès ».
Avec ce discours, Dominique de Villepin fait grincer des dents à l’UMP.
« Il y a un mois, il était candidat potentiel à la présidentielle. Il y a huit jours, aux régionales. Le tout sans être adhérent à l’UMP. On a tout et son contraire avec lui. Il est évident que ses multiples candidatures visent pour lui à exister dans le paysage », persifle un responsable UMP.
« Si on veut être sur une liste UMP, on soutient la politique du gouvernement », a sèchement fait remarquer Patrick Devedjian, à propos d’une éventuelle candidature de Villepin aux régionales de 2010.
« Je pense que Dominique de Villepin a d’autres rendez-vous avant cette élection », a ajouté le ministre chargé de la Relance, en référence au procès Clearstream en septembre.
M. de Villepin est renvoyé en correctionnelle, notamment pour « complicité de dénonciation calomnieuse » dans cette affaire où Nicolas Sarkozy est partie civile.
L’ex-Premier ministre affirme attendre le procès avec « impatience et sérénité ».
Diplomate, voyageur, écrivain féru de poésie, affranchi des pesanteurs d’un appareil politique, il préfère entre-temps tenter de rester en réserve de la République face au chef de l’Etat.
Commentaire d’un autre ex-Premier ministre, Alain Juppé: « Il a la stature d’un chef d’Etat. J’ai cru comprendre qu’il en avait envie. Mais il faut s’en donner les moyens… ».
Source: Agence France Presse