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L'Union européenne à l'heure du défi bulgare, par Dominique de Villepin

Dominique de Villepin, président du Comité consultatif international sur la Bulgarie, co-signe ce samedi un Point de vue publié dans le quotidien économique La Tribune, ainsi que dans d’autres pays de l’Union Européenne.

L’ancien Premier Ministre était également à la mi-journée l’invité du Journal inattendu de Christophe Hondelatte sur RTL. Vous pouvez ré-écouter l’émission en cliquant ici.

Parmi les sujets abordés pendant l’émission, Dominique de Villepin a notamment commenté le résultat des élections présidentielles en Iran et appelé la communauté internationale à « négocier avec l’Iran sans illusion, mais de la façon la plus claire et la plus ferme, et surtout la plus unie. » Concernant le procès Clearstream, l’ancien Premier Ministre a déclaré attendre cette échéances « avec beaucoup de sérénité et une certaine impatience ».

Le Point de vue co-signé par Dominique de Villepin et publié ce samedi dans La Tribune et dans la presse européenne

Dans l’indifférence générale se noue aujourd’hui une grave crise entre l’Union et un de ses Etats membres. La Bulgarie, pays le plus pauvre de l’Union, est à la croisée des chemins. Face aux défis de la corruption et du crime organisé, les progrès restent trop lents. La Commission, dans le cadre du suivi de l’adhésion, a marqué son inquiétude, jusqu’à suspendre, en juillet 2008, une partie des fonds européens.

« L’Union européenne (UE) ne peut s’accommoder du risque d’une grave crise, pour la Bulgarie comme pour elle-même. Il y a urgence à trouver une réponse satisfaisante à partir d’un diagnostic lucide. C’est ce que s’est attaché à faire le Comité consultatif international pour la Bulgarie, composé de personnalités européennes indépendantes, qui vient de remettre son rapport, « La Bulgarie dans l’UE : construire un nouveau partenariat », au gouvernement bulgare.

Les efforts bulgares ne sont pas encore à la hauteur des enjeux. Depuis 2007, les réformes n’ont pas permis de surmonter les défaillances des administrations et du système judiciaire. De nombreux scandales ont éclaté. Les cours peinent à poursuivre les suspects.

Les besoins sont immenses : une restructuration cohérente des administrations et de la justice pour garantir indépendance et efficacité, une réhabilitation du service public autant qu’une meilleure coordination entre justice et forces de police. Un pacte national de tolérance zéro à l’égard de la corruption mobiliserait les énergies et les moyens avec le pilotage d’une agence indépendante. Le gouvernement élu en juillet devra définir un consensus national sur des réformes en matière d’éducation, de compétitivité et de lutte contre la corruption. Il faut un bouleversement des mentalités, après des décennies de dictature et une transition démocratique inachevée.

L’enjeu central est l’émergence d’un véritable intérêt général bulgare. Tout jugement sur la situation de l’Etat de droit en Bulgarie ne peut faire l’impasse sur les réalités économique, culturelle et sociale. Le temps est le facteur clé. L’approche de la Commission européenne a été vigilante et exigeante. Mais elle reste insuffisante, car le mécanisme de coopération et de vérification a favorisé, ces dernières années, une lecture strictement technique et statique d’une situation dynamique. Ce faisant, les critiques de la Commission ne sont pas sans se heurter à des incompréhensions.

Les interdépendances sont désormais un fait. L’engagement décisif a eu lieu lorsque l’adhésion bulgare a été acceptée. Le choix d’une adhésion rapide relevait du pari politique. Les faiblesses de l’Etat bulgare étaient connues. Les enjeux stratégiques et énergétiques ont été déterminants. Il faut aujourd’hui assumer ces choix. Rien ne serait pire que de rester au milieu du gué. Face aux difficultés de la Bulgarie, toute stratégie rigide de l’Europe serait vouée à l’échec. Le suivi et l’évaluation, dans le cadre technique existant, sont nécessaires, mais sans s’enfermer dans une logique de sanction risquant de placer la Bulgarie en marge de l’UE. Une prise en compte des difficultés spécifiques de l’Etat bulgare est souhaitable, mais sans laisser prospérer des menaces criminelles et politiques qui affecteraient l’ensemble des Balkans orientaux.

La seule solution est d’accompagner les changements, sans oublier que nous avons, nous-mêmes, parfois mis des décennies à les accomplir. Il faut repenser les mécanismes de coopération pour faire face à la situation inédite d’un État nécessitant une reconstruction, avec tous les partenaires, la Bulgarie, la Commission, les Etats membres ainsi que le parlement européen.

Cette voie offre seule à l’UE des garanties pour son propre avenir, tout en donnant une chance à la Bulgarie de se saisir du sien. Inventons un nouveau partenariat orienté vers l’intégration à long terme : en renouant les fils du dialogue grâce à une mise à plat des mécanismes existants, par de meilleurs échanges entre la Bulgarie et la Commission ; en développant de nouvelles coopérations entre États membres, sur le modèle de certains échanges fructueux dans le domaine policier ; en établissant un calendrier ambitieux échelonnant les objectifs de manière réaliste.

L’essentiel, c’est de fonder ce partenariat sur des principes solides, partagés et valables à l’avenir dans des situations similaires. La confiance, tout d’abord, car il convient d’éviter toute stigmatisation contre-productive et de garantir la libre mise en œuvre des politiques nécessaires par l’Etat membre. La responsabilité, ensuite, car chaque pays doit être mis face à ses engagements. L’Union doit veiller à ne pas se substituer à des nations défaillantes. La solidarité, enfin, car le pacte d’adhésion lie toutes les parties. Il crée une communauté de destin. La convergence économique et politique est l’intérêt supérieur de l’Union. Cela suppose un effort financier accru en faveur de l’Europe de l’Est.

L’Europe s’écarte de son modèle original, en raison d’approches techniques et d’égoïsmes nationaux. La construction européenne s’est, depuis les pères fondateurs, souciée de faire émerger un intérêt continental. Celui-ci ne peut exister en l’absence d’intérêts nationaux clairement assumés. Aider à construire un intérêt général bulgare, c’est ainsi contribuer à la consolidation de l’Union, au renforcement du dialogue avec les voisins orientaux et à une confiance retrouvée dans l’avenir de l’Europe.

Ne nous y trompons pas. L’exemple de la Bulgarie est révélateur des défis que doit relever l’Europe, en son sein comme dans son voisinage. Son intégration réussie conditionne tout nouvel élargissement et tout approfondissement. Elle sera exemplaire de la capacité de l’Europe à passer un nouveau cap de son histoire. »

Dominique de Villepin, président du Comité consultatif international sur la Bulgarie

Sont membres du Comité et cosignataires du texte : Paul Demaret, Josep Piqué, Aunus Salmi, Antonio Vitorino et Casimir de Dalmau. Ce texte, publié dans La Tribune datée du samedi 13 juin 2009, fait l’objet d’une publication dans d’autres pays de l’Union Européenne.

Dominique de Villepin au Journal inattendu de Christophe Hondelatte sur RTL

Les réactions se multiplient depuis l’annonce de la victoire du président ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad à la présidentielle en Iran.

Selon l’ex-Premier ministre français Dominique de Villepin, invité samedi du Journal inattendu sur RTL, la communauté internationale doit aller « beaucoup plus loin dans la recherche du dialogue » avec l’Iran.

« Il faut négocier avec l’Iran sans illusion, mais de la façon la plus claire et la plus ferme, et surtout la plus unie. Il faut que l’ensemble des pays tienne le même discours. »

Et l’ex-ministre des Affaires étrangères de déclarer sur RTL : « C’est très important pour la politique de Barack Obama dans la région : comment stabiliser l’Afghanistan sans la contribution de l’Iran ? Comment stabiliser le Proche-Orient sans la contribution de l’Iran ? »

« Ne tombons pas dans les pièges qui nous sont tendus », a répondu Dominique de Villepin au sujet des provocations, notamment antisémites, du président iranien. « A bien des égards, ces provocations ont vocation à faire l’unité d’un certain nombre des groupes les plus radicaux en Iran derrière Ahmadinejad. Il faut forcer cela par des propositions qui rallieront le gros de la population iranienne derrière une ligne plus modérée », a-t-il dit.

Interrogé par ailleurs sur le procès Clearstream (21 septembre – 21 octobre), Dominique de Villepin a déclaré qu’il l’attendait « avec beaucoup de sérénité et une certaine impatience ». « Quand on subit des instrumentalisations, des ph
antasmes, des rumeurs pendant quatre années, il est doux au bout du chemin d’être confronté à la vérité », a-t-il déclaré sur RTL. « Je souhaite qu’on puisse aller jusqu’au bout d’un dossier totalement farfelu. Les accusations ne reposent sur rien », a-t-il dit.

« Nous nous sommes revus pour parler des grands sujets, de politique internationale, d’Europe mais nous ne nous sommes pas revus depuis maintenant à peu près une année », a déclaré M. de Villepin au sujet de Nicolas Sarkozy, partie civile dans l’affaire.

Les deux invités de Dominique de Villepin au micro de RTL étaient Venus Khoury-Ghata (72 ans, écrivain et poétesse libanaise) et Juan Paulo Branco Lopez (19 ans, étudiant à Sciences Po et à la Sorbonne, membre des jeunes Verts d’Ile de France et impliqué dans la lutte contre Hadopi).

Sources: La Tribune, Agence France Presse, Le Point et RTL

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