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Dominique de Villepin et l'après 7 juin 2009

Denis Bonzy, responsable du site indépendant d’informations en ligne Exprimeo, a accepté de nous livrer en exclusivité son analyse sur la question suivante: « Dominique de Villepin et l’après 7 juin 2009″. Voici son texte:

« Jeudi 3 mai 2012, il est 20 heures 35. Dominique de Villepin est seul. Dans 10 minutes, il entrera sur le plateau de France Télévision et s’avancera pour serrer la main de Nicolas Sarkozy avant que ne débute le traditionnel débat du second tour de la présidentielle. Comme en 1969, ce second tour oppose donc deux représentants de la droite républicaine. Il lui reste encore quelques instants pour faire le point.

Il esquisse un petit sourire car il s’amuse de l’un des contrastes de la langue Française qui parle de « faire le vide » dans de tels moments alors qu’il « fait le plein », le plein de formules, le plein de chiffres, le plein de slogans mais surtout le plein d’images.

La journée avait commencé tôt. Avec son fils Arthur, il a débuté la journée par un long jogging. La chaleur était déjà tellement pesante que ce fut le « parcours des fontaines ». De cette ville de Paris qu’il aime tant, il a trouvé une ambiance atypique. Sur son chemin, les regards étaient différents. Quand ils ont dû patienter à un feu rouge, les vitres d’automobiles se sont abaissées. Les visages étaient sympathiques. Puis il y eut ce cri du coeur d’un inconnu « Dominique, ce soir, on est avec toi … ».

Il se leva, jeta un coup d’œil à sa cravate, celle que son épouse Marie-Laure lui avait offerte la veille de la première journée du procès Clearstream en lui disant « à chaque minute de cette épreuve aussi injuste, nous serons ainsi avec toi ». Il pense une ultime fois à cette « armée des ombres » que furent les citoyens si nombreux à rendre possible sa campagne et pourquoi pas désormais …sa victoire. Surtout, ne pas les décevoir !

Tout avait changé au lendemain des Européennes en juin 2009. A l’issue d’une campagne insignifiante, l’opinion publique avait passé des messages importants. Elle avait donné sa préférence à une nouvelle liste écologiste qui était un casting de la diversité de la population Française regroupant la Juge (Eva Joly) et le condamné (José Bové), l’Européen (Daniel Cohn-Bendit) et le gaulois irréductible (José Bové) … L’opinion avait montré que dans une campagne électorale, il faut surtout ajouter un casting très divers qui ratisse large. Puis, le PS avait été incapable de gérer cet entrant dans le club des grands partis. Avec des interprétation diverses, sa poussée demeurait une inconnue même si la diffusion d’un documentaire avait touché l’œil donc le cœur et impacté ainsi fortement certains choix.

L’UMP avait plafonné à moins de 30 % bénéficiant d’une mobilisation de ses électorats privilégiés grâce à la maladresse de la campagne du PS qui avait voulu transformer ce scrutin en vote « anti-Sarkozy » assurant de ce fait la mobilisation réactive de l’ « électorat présidentiel solide ».

Ces trois faits avaient changé la donne.

Le PS était devenu un parti parmi les autres, paralysé par ses querelles internes mais aussi par la gestion de fonds de commerce de ses grands féodaux qui ne se mobilisent que pour sauver « leurs territoires ». Incapable de sortir de cette situation, la présidentielle 2012 venait de voir deux candidats sortis du PS aller au premier tour de scrutin parce que le parti était incapable d’organiser des primaires loyales.

Les écologistes avaient considéré qu’ils se devaient de compter leurs voix au premier tour pour mieux peser sur le second. Le nouveau souffle des écologistes avait garanti les « retours à la maison » de citoyens égarés un temps au Modem à l’exemple de Jean-Luc Benhammias ou de Corinne Lepage. Le leader du Modem était donc repassé sous la barre des 10 % et ne parvenait plus à rejoindre les cimes de 2007.

L’UMP avait fait la différence au premier tour mais, face à cette France éclatée qui a compté pas moins de 17 candidats au premier tour de la présidentielle, toutes les enquêtes attestaient que le second tour serait très ouvert car on ne passe pas facilement de moins de 20 % à 51 % surtout quand l’électorat de droite ne donne pas prise à un duel du second tour qui puisse l’apeurer.

Cette campagne des Européennes avait ouvert un espace de communication à Dominique de Villepin. La percée des écologistes avait reposé sur l’innovation. « Dany le rebelle » avait parcouru les plateaux pour changer de ton. Il avait refusé les complicités de clans dont le vouvoiement sur le plateau et le tutoiement en coulisse. Il avait donné un sens à son combat, un sens collectif dépassant son ambition personnelle. Il voulait réconcilier l’écologie et l’avenir, réconcilier la planète et chaque humain.

En cette période de pré-sortie de crise, les Français étaient en effet à la recherche de sens comme s’ils étaient à la recherche d’eux-mêmes. C’est cet état d’esprit partagé qui a assuré la rencontre progressive entre Dominique de Villepin et les Français. Ils étaient tout simplement de même humeur. Dominique de Villepin savait que pour la première fois il avait d’abord rendez-vous avec lui-même, rendez-vous avec l’ado rebelle qu’il fut comme seul gréviste en 68 au lycée de Caracas. C’est ce rendez-vous qui lui avait permis de casser les codes, de rénover, de créer des attitudes innovantes laissant augurer un nouveau millénaire d’espoir, d’harmonie au sein duquel la France pouvait retrouver ses valeurs d’exemple.

Il était enfin parvenu à faire comprendre à chaque citoyen que s’il parlait aussi bien de la France dans les instances internationales c’est surtout parce qu’il aimait les Français, parce qu’il avait confiance en eux.

Les épreuves dont la solitude grâce à l’éloignement du pouvoir lui avaient donné une chair et une âme. Les rides étaient plus creusées. Mais surtout l’âme était plus claire. Il n’était plus question de promettre mais d’être. Il n’était plus question de parler mais d’agir. Il n’était plus question de gouverner mais de faire partager. Les deux dernières années avaient été l’illustration de ce changement sous les yeux des Français. Il se rendait donc serein sur le plateau. Sa force, c’était la nouveauté. Parce que la gestion d’un grand pays ne s’improvise pas, il fallait compter sur son expérience mais sur l’expérience qui permet que demain ne soit pas comme hier.

Parce que le scrutin du 7 juin 2009 montre que les électeurs nomades sont prêts à beaucoup bouger, les outsiders de tempérament ont donc toute leur place. Alors Dominique de Villepin tout particulièrement ».

Denis Bonzy, responsable du site Exprimeo

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