L’ancien Premier ministre Dominique de Villepin a mis en avant mercredi la nécessité de « renouveler les hommes » au sein de la Commission européenne et d’instaurer « une nouvelle donne » après une période marquée par une politique libérale.
« Je crois personnellement à la vertu du changement, on a tout intérêt à renouveler les hommes, à les rafraîchir et, après réflexion, peut-être à les utiliser à nouveau », a déclaré Dominique de Villepin, qui évoquait la Commission européenne présidée par José Manuel Barroso au cours d’une réunion sur la France et l’Europe, dans les locaux de l’Assemblée nationale.
Une phrase à laquelle la nombreuse assistance réunie Salle Victor Hugo à l’Assemblée n’a pas manqué de sourire, pensant que Dominique de Villepin l’appliquait peut-être également à sa situation personnelle.
Les parlementaires présents à la tribune avaient introduit le Colloque en dénonçant une campagne des européennes « sur laquelle je n’ai, hélas, rien à dire » (François Goulard), « qui est préparée comme une cantonale » (Jean-Pierre Grand). Hervé Mariton a concédé, lui, que le slogan de l’UMP (« quand l’Europe veut, l’Europe peut ») est « joli ». Mais « encore faut-il que l’on soit clair sur ce que l’on veut ».
Dominique de Villepin n’a pas détrompé ses amis en dressant un état des lieux sombre de la construction européenne et en dénonçant trois illusions.
Celle qui veut que « passées les difficultés, tout recommencera comme avant ». « Non, rien ne sera plus jamais comme avant, les nouvelles forces déchaînées détermineront une nouvelle organisation du monde » , prédit-il.
Celle de la fin de la crise institutionnelle : « Le traité de Lisbonne ne suffira pas à donner à l’Europe les moyens de s’affirmer au monde. » Quant aux solutions actuellement en œuvre, il indique : « C’est vrai, la présidence française a marqué une étape. Et quand on est en initiative, on peut marquer des points. » Mais « la simple initiative ne suffit pas. Avec elle, on peut geler une crise, mais pas la résoudre. On peut mobiliser les forces, mais on n’adopte pas de nouvelles règles. »
Pour dépasser ces difficultés, Villepin préconise de « reconstituer le moteur franco-allemand ». Et déplore que la France ait « raté une occasion » : le mariage du français Areva et de l’allemand Siemens « s’est heurté à la volonté française de ne pas laisser monter les Allemands » dans la hiérarchie de l’ensemble.
Il propose également de « suspendre tout nouvel élargissement » tant que n’aura pas été retrouvée la « capacité de reconstruire la maison Europe ». Mais, souligne-t-il, « il faudra fédérer des forces, des États autour d’elle », pour constituer « un pôle de puissance paneuropéen » avec les Balkans, la Russie, le Maghreb et la Turquie, « sans préjuger de l’avenir de ce grand pays ».
L’ancien chef de gouvernement a également appelé à « une nouvelle donne » à la Commission, soulignant que celle dirigée par José Manuel Barroso « a vécu sur une politique qui a été très marquée par la volonté libérale, la concurrence libre et non faussée et qu’elle a été prise beaucoup de travers par la crise économique et financière ».
Interrogé par les journalistes, l’ancien Premier ministre a ensuite appelé à « garder ouverte » et à ne pas « confisquer » la question du renouvellement de l’actuel président de la Commission José Manuel Barroso, qui a reçu le soutien du Parti populaire européen mais aussi de Nicolas Sarkozy.
Continuant à jouer sa petite musique, Dominique de Villepin s’est démarqué à plusieurs reprises des positions de Nicolas Sarkozy, comme par exemple sur la Turquie. Contrairement à l’UMP qui écarte la perspective d’une adhésion à l’Union européenne, il a invité à ne pas « préjuger de l’avenir de ce grand pays ».
A propos du scrutin européen du 7 juin, l’ancien Premier ministre a assuré qu’il serait « fidèle à ma famille politique, gaulliste au sein de l’UMP ». « Convaincu qu’il y a des personnalités dont l’engagement est fort », a-t-il poursuivi en saluant Michel Barnier, Dominique Baudis et Françoise Grossetête, il a assuré qu’il suivrait leur engagement « avec réalisme et avec exigence ».
« N’importe qui ne peut pas s’improviser député européen », a-t-il aussi ajouté, accusant les partis politiques français d’accorder trop peu d’importance aux élections européennes. « Notre politique nationale ne met pas suffisamment en avant tout ce que nous devons à l’Europe », a-t-il regretté, faisant le lien avec la forte abstention prévue par les sondages.
Par ailleurs, il a confirmé son « respect » pour le président du Modem François Bayrou, qu’il a rencontré et avec lequel il entretien « un échange régulier ». « Nous avons des convictions communes sur la République, sur les valeurs partagées », a-t-il glissé. Il a assuré avoir lu son livre « Abus de pouvoir », qui « pose un certain nombre de questions ».
« Dans une démocratie, il faut avancer les yeux ouverts », a-t-il conclu, sans cautionner plus explicitement les critiques de François Bayrou à l’encontre du président de la République.
Sources: Associated Press et Le Figaro