Selon les chiffres publiés, vendredi 15 mai, par l’Insee, la France est officiellement entrée en récession au plus tard au premier trimestre 2009. Elle a en effet enregistré une chute de 1,2% de son produit intérieur brut sur cette période, après une baisse de 1,5% au dernier trimestre 2008.
Un mauvais chiffre qui s’accompagne d’une autre statistique inquiétante diffusée par le ministère de l’Emploi: la France a détruit 138.000 emplois au premier trimestre, soit presque autant que sur l’année 2008, notamment sous l’impact du marasme dans l’intérim et l’industrie. Elle pourrait compter un million de chômeurs de plus à la fin 2009.
En récession dès le troisième trimestre 2008
Au final, selon les estimations révisées de l’Insee, la récession (qui se définit techniquement par deux trimestres consécutifs de baisse du PIB) aurait commencé plus tôt que ce qu’on croyait: la croissance n’aurait pas été de 0,1% au troisième trimestre 2008, mais de -0,2%, après -0,4% au deuxième trimestre. Au total, la croissance française en 2008 s’établit donc à seulement 0,3%, contre une précédente estimation de 0,7%.
Au vu de ces nouveaux chiffres, la ministre de l’Economie Christine Lagarde a estimé que la chute du PIB devrait être « autour de 3% » en 2009, rejoignant ainsi les estimations du FMI et de la Commission européenne. Jusqu’à présent, le gouvernement, qui compte toujours sur « une reprise graduelle en 2010″, tablait officiellement sur une baisse du PIB de 1,5%, mais avait néanmoins commencé à préparer les esprits à ce chiffre de -3%.
La France « résiste mieux«
Le choc économique que subit la France est le plus grave depuis la seconde guerre mondiale, avec une prévision de recul du PIB de 3% sur l’ensemble de l’année – une chute de l’activité trois fois plus importante qu’en 1993, la précédente récession, et qu’en 1975, après le choc pétrolier.
La matinée de vendredi a été marquée par une salve de chiffres de croissance bien pires que celui de la France: -3,4% pour la République tchèque, -2,3% pour la Hongrie, -2,8% pour les Pays-Bas, -5,4% pour la Slovaquie, -2,6% pour la Roumanie, -2,8% pour l’Autriche, tandis que l’Italie recule de 2,4%, l’Espagne de 1,8% et la Grande-Bretagne de 1,9%.
Mais surtout, l’Allemagne recule de 3,8%. La première économie européenne, frappée de plein fouet par l’effondrement des exportations et des investissements industriels, voit son PIB se contracter de 6,9% sur un an. Un chiffre qui a poussé Christine Lagarde à noter que la France « résiste mieux que ses principaux partenaires dans un contexte qui reste très défavorable ».
En moyenne, le recul du PIB de l’Union européenne s’établit à 2,5% au premier trimestre, tandis qu’aux Etats-Unis, le recul de la croissance au premier trimestre est de 1,9%.
Quelles sont les causes de cette résistance?
Si l’économie française a une nouvelle fois sauvé la face par rapport à ses voisins européens, c’est grâce à la consommation des ménages. Les dépenses des ménages ont légèrement progressé de 0,2% au premier trimestre, selon l’Insee. C’est peu, mais c’est un luxe en comparaison des autres économies développées dans lesquelles cette variable s’écroule.
Une fois encore, les consommateurs ont profité d’un repli de l’inflation. Les prix à la consommation en France ont augmenté de 0,2% en mars sur un mois et progressent de seulement 0,3% par rapport à mars 2008, soit la plus faible hausse annuelle depuis juin 1999. L’inflation s’était établie à +0,4% en février.
Si la consommation des ménages résiste, en dépit de l’envolée du chômage – près de 140.000 emplois détruits entre janvier et mars et près de 250.000 nouveaux inscrits à Pôle Emploi -, c’est aussi, et surtout, grâce au système de protection sociale qui joue le rôle de puissant amortisseur de crise. Le niveau des dépenses sociales s’établit à 23% du PIB en France contre 20% en Allemagne ou 10% au Royaume-Uni.
Il faut également noter le faible niveau d’endettement des ménages français – à 71,8% du revenu disponible brut en 2008, contrairement aux ménages espagnols ou britanniques dont le ratio dépasse les 100% – ainsi que le taux d’épargne relativement élevé (près de 16% fin 2008). Face à la restriction du crédit, les Français conservent donc une certaine marge de manoeuvre.
Faut-il pour autant crier cocorico?
Non, car en dehors de la consommation des ménages, le détail des comptes nationaux du premier trimestre est très négatif. Tous les postes du PIB affichent des baisses massives. A commencer par l’investissement des entreprises (-3,2%) et celui des ménages (-1,5%).
Les exportations aussi se sont effondrées (-6%). Celles-ci ne représentant toutefois que 30% du PIB français, l’impact est moindre sur le recul du PIB. De même, la chute de 8,3% de la production manufacturière au premier trimestre est moins forte que dans d’autres pays et surtout affecte moins la croissance puisque sa part est faible dans le PIB français. Ce qui explique d’ailleurs la faible compétitivité de la France à l’international.
« Les bonnes performances actuelles de la France sont le reflet des sous-performances du passé », résume Frédérique Cerisier, économiste chez BNP Paribas. La France ayant monté moins vite que d’autres pays la pente de la croissance ces 20 dernières années, la chute est moins brutale.
Ce qui est certain, prévient Sylvain Broyer, analyste chez Natixis, c’est que « la France repartira moins vite que ses voisins au moment de la reprise« .
A croissance molle, récession molle. L’Hexagone n’a donc pas vraiment de quoi bomber le torse.
Sources: Challenges et L’Expansion