« Pour couper court. » Le titre du dernier billet d’Alain Juppé sur son blog est tout à la fois une volte-face, une mise au point et un avertissement. Un texte étonnant à vrai dire dans lequel le maire de Bordeaux met fin à ce qui ressemblait, depuis la sortie de son dernier livre Je ne mangerai plus de cerises en hiver (Plon), à une véritable campagne pour son retour au gouvernement à la faveur du prochain remaniement. « Soyons clairs : ce n’est pas mon intention », écrit-il. Exit donc le retour de ce poids lourd de la majorité dans le gouvernement de François Fillon.
Malgré ses multiples offres de service sur les plateaux de télévision et dans les journaux, Alain Juppé assure que son livre ne constituait pas une « petite annonce de recherche d’emploi ». On l’aurait donc mal compris. Celui qui fut, en mai 2007, un éphémère ministre d’État avant sa défaite aux législatives détaille les raisons qui le conduisent à dire non.
La première d’entre elles, c’est Bordeaux. Pour le maire de la capitale girondine, il n’est plus possible de cumuler cette fonction avec un poste ministériel. « On ne peut pas tout faire à la fois », s’exclame-t-il. La seconde raison est plus mystérieuse et risque de semer l’inquiétude à l’Élysée. Alain Juppé préfère agir « par la parole ». « Une arme en politique », assure celui qui entend plus que jamais garder sa place dans le débat public.
Alain Juppé donne d’ailleurs déjà un aperçu de ce ministère de la parole qu’il veut exercer. Il va « réactiver » en septembre un « cercle de travail », version remise au goût du jour de son association France moderne, créée après son départ de Matignon. Au passage, l’ancien président de l’UMP estime que la « préparation de l’avenir » devrait être le rôle des partis politiques. Voilà qui sonne comme une critique sur la façon dont fonctionne l’UMP. Ses deux thèmes de recherche prioritaires sont l’Europe (il veut proposer « un nouveau rêve européen ») et la sortie de crise. « Beaucoup y travaillent déjà, note Alain Juppé. Mais il y a du boulot pour tout le monde… »
L’éternel rival de Nicolas Sarkozy semble en fait tirer les leçons de l’accueil peu enthousiaste qu’ont suscitées à l’Élysée ses offres de service. Depuis deux semaines, les proches du président (et parfois lui-même) ont distillé des petites phrases vachardes contre le maire de Bordeaux. Devant l’un de ses ministres, Nicolas Sarkozy aurait lâché à propos d’Alain Juppé : « Qu’a-t-il fait au gouvernement ? Au moins Villepin, il a fait le discours de l’ONU et ça, ça restera dans l’histoire. » Pour que le chef de l’État encense Dominique de Villepin, cela en dit long sur l’état de ses relations avec Juppé.
Inversement, le président est beaucoup plus laudateur avec Philippe Séguin. Le président de la Cour des comptes n’a pas totalement fermé la porte à une arrivée au gouvernement. Même s’il reste très attaché à sa liberté. Une liberté qui serait nécessairement plus limitée en cas de retour à la case ministérielle. A fortiori, avec les règles de l’hyperprésidence sarkozyste dans laquelle les conseillers de l’Élysée ont plus de pouvoirs que les ministres.
Source: Bruno Jeudy (Le Figaro)