Le rejet de la loi de Création et Internet, dite loi Hadopi ? « Un coup de flibuste monté par le groupe socialiste », selon Roger Karoutchi. « Un bon vieux mauvais coup socialiste », pour Jean-François Copé , le résultat de « manoeuvres dérisoires », d’après Nicolas Sarkozy… Il n’empêche que depuis ce fâcheux revers, la majorité est gênée aux entournures. Au moment du vote , jeudi dernier, seuls 15 députés UMP sur 317 étaient présents dans l’hémicycle.
Et voilà donc l’éternel débat de la vie parlementaire qui revient sur la table : comment endiguer l’absentéisme des élus ? Et ce corollaire : faut-il le sanctionner ? La polémique est d’autant plus vive que ce n’est pas la première fois depuis l’élection de Nicolas Sarkozy que la majorité est mise en difficulté.
On se souvient notamment de la loi sur l’immigration et ses fameux tests ADN , ou du texte sur les OGM et l’amendement Chassaigne .
« Les règlements de l’Assemblée et du Sénat prévoient des sanctions financières en cas d’absences répétées, mais ils ne sont pas appliqués. C’est un tort », déplorait Roger Karoutchi au Monde, mardi. Le secrétaire d’État aux relations avec le Parlement invoque là sans le citer l’article 162 du règlement de l’Assemblée nationale : « Le fait d’avoir pris part, pendant une session, à moins des deux tiers des scrutins publics auxquels il a été procédé (…) entraîne une retenue du tiers de l’indemnité de fonction pour une durée égale à celle de la session ; si le député a pris part à moins de la moitié des scrutins, cette retenue est doublée. »
Sans surprise, les socialistes s’insurgent de cette sortie. « Le gouvernement caporalise la majorité après avoir bâillonné l’opposition », déclare au point.fr le président du conseil général de Saône-et-Loire et député PS, Arnaud Montebourg, pour qui le premier remède à l’absentéisme est le… « non-cumul des mandats ».
De son côté, Jean-François Copé, président du groupe UMP au Palais-Bourbon, placé dans le viseur présidentiel, concède du bout des lèvres que des sanctions sont « envisageables ». « Mais cela doit être la dernière extrémité », prévient-il, interrogé par lepoint.fr.
Prévenir plutôt que guérir. Benoist Apparu, député UMP qui siège au Palais-Bourbon depuis juin 2007, souhaite agir avant que la majorité parlementaire n’essuie un nouveau camouflet. « J’ai été élu à l’Assemblée nationale, je gagne 5.000 euros par mois pour siéger, c’est normal de venir », juge-t-il. Et de rappeler que la semaine parlementaire est – a priori – bien organisée : les députés doivent être à l’Assemblée du mardi au jeudi et dans leur circonscription le reste du temps. « Sans compter qu’il existe un système de permanence », relève-t-il. Divisés en quatre quarts, les groupes parlementaires sont en effet supposés être présents toutes les quatre semaines, quoi qu’il arrive. « Ils sont prévenus deux mois à l’avance. Alors, si les mecs respectent même pas ça… », soupire Benoist Apparu, qui jure que « les jeunes élus UMP sont sur la même ligne » que lui.
Sur cette question sensible de l’absentéisme, combien de divisions au sein de la majorité ?
Le souverainiste Jacques Myard affirme que l’application de sanctions serait « une erreur tragique ». « Le rejet d’Hadopi est la faute du gouvernement qui n’aurait jamais dû programmer ce vote la veille du week-end de Pâques. » Les socialistes n’y sont pour rien, donc ? « Mais combien de fois je suis sorti en trombe de mon bureau pour aller voter in extremis une loi ? », s’exclame-t-il avant de se remémorer : « En 1998, pour rejeter le Pacs (Pacte civil de solidarité, NDLR), nous avons adopté la même attitude que les socialistes pour Hadopi. » Une manoeuvre de l’opposition de droite de l’époque qui avait conduit au rejet d’une première version de ce texte phare du gouvernement Jospin.
Sans compter que la suggestion de Roger Karoutchi de sanctionner les absents est perçue par certains élus UMP comme rien de moins qu’une « atteinte à la séparation des pouvoirs exécutif-législatif ».
Le villepiniste Jean-Pierre Grand la qualifie « d’antidémocratique ». « Vouloir sanctionner les députés absents traduit l’affolement du gouvernement, qui fait abstraction du fait que des élus ne sont pas venus parce qu’ils ne voulaient pas voter ce texte », précise-t-il. « Bientôt, ils vont sanctionner les députés qui votent contre leur texte », ironise-t-il.
« Pris entre le marteau et l’enclume », selon l’expression d’un élu de la majorité, Jean-François Copé doit donc gérer un groupe divisé. Il a convoqué une réunion extraordinaire le 28 avril. « Il faudra probablement modifier notre règlement intérieur sur ce point, car les textes qui existent ne sont plus adaptés », lâche-t-il au Figaro, mercredi. « Ça va être très compliqué pour lui », analyse un élu. « C’est le président de notre groupe. Comment expliquer à ceux qui l’ont élu que maintenant, il va falloir payer ? »
Source: Charlotte Chaffanjon (Le Point)