L’ancien président centriste du Sénat René Monory est décédé dans la nuit de vendredi à samedi à l’âge de 86 ans.
Passionné de nouvelles technologies, cet autodidacte qui aimait se présenter comme « un homme de bon sens » était également le Père du Futuroscope de Poitiers et l’un des hommes politiques français pionniers en matière de développement d’Internet.
Il avait notamment lancé en 1996 le premier Plan internet départemental permettant d’équiper toutes les écoles primaires et maternelles ainsi que les collèges de la ville de Vienne d’un accès à internet avec un poste informatique pour 4 élèves.
Cet homme au physique massif assumait ses origines, rappelant lorsqu’il était ministre de l’Economie son passé d’artisan et soulignant lorsqu’il était ministre de l’Education nationale qu’il n’avait que le certificat d’études.
« C’était un homme qui avait très grand jugement, une très grande clarté d’esprit, qui cherchait à bien comprendre, qui avait un langage très direct… les Français aiment ça. J’avais vu que c’était un très bon esprit, très bien organisé », a dit de lui samedi sur RTL Valéry Giscard d’Estaing, président de la République de 1974 à 1981.
« Il n’avait pas en effet de culture économique ou académique mais il avait autre chose: la connaissance concrète de l’Economie », a-t-il ajouté, justifiant son choix de nommer René Monory au ministère de l’Economie en 1978 par la nécessité de désigner « un homme direct, simple, qui puisse prendre des décisions compréhensibles assez rapidement ».
Membre, avec feu l’ancien Premier ministre socialiste Pierre Bérégovoy, du cercle réduit des dirigeants politiques autodidactes, René Monory a construit patiemment sa carrière politique.
Du garage familial à la présidence du Sénat
Personnalité atypique, ce passionné de nouvelles technologies à la forte carrure, qui ironisait sur les intellectuels, avait construit sa carrière avec obstination à partir de sa ville de Loudun (nord-ouest de la Vienne), où il naît le 6 juin 1923.
Fils unique d’un mécanicien compagnon du tour de France et d’une employée de ferme qui avait commencé à travailler à 9 ans, René Monory débute en 1939 comme apprenti dans le petit garage paternel de Loudun.
Il le transforme rapidement en une prospère concession d’automobiles et de machines agricoles qu’il dirige à partir de 1949 et qui devient la SA Monory en 1955.
Mais la réussite dans les affaires n’épuise pas la volonté de puissance et sans doute de revanche sociale du jeune entrepreneur qui reste aux yeux des notables « le garagiste de Loudun », un surnom qui ne le quittera plus.
En 1959, il est élu maire de la ville. Réaliste, il expliquait: « Pour les bourgeois, j’étais encore un ouvrier. Pour les ouvriers, j’étais devenu un bourgeois ».
Une fois élu, René Monory modernise rapidement sa ville et poursuit son ascension, devenant l’homme fort du département de la Vienne: conseiller général en 1961, réélu maire en 1965, sénateur en 1968, président du conseil général en 1977. Sa haute taille et son tempérament bourru lui valent un autre surnom: le « Sheriff ».
Nommé en mars 1977 ministre de l’Industrie de Raymond Barre, il s’impose dans un ministère traditionnellement austère, gérant notamment avec diplomatie une grève d’employés de l’EDF. Il entre au Conseil national de l’UDF dès sa création, en 1978.
La même année, il devient le dernier ministre de l’Economie de la présidence de Valéry Giscard d’Estaing (1978-81). A ce poste, cet autodidacte (il n’avait comme diplôme que son certificat d’études primaires), devenu gestionnaire sans « avoir jamais lu un livre d’économie », se crée une solide réputation de technicien des finances et d’ardent défenseur du libéralisme économique.
Il imagine les Sicav, système de drainage de l’épargne populaire auquel son nom reste attaché.
René Monory revient au gouvernement comme ministre de l’Education de Jacques Chirac pendant la première cohabitation (1986-88), après avoir été brièvement, en 1985, président du conseil régional de Poitou-Charentes.
Il succède en 1992 à Alain Poher à la présidence du Sénat. Son mandat est marqué par la volonté de donner à l’institution une image « moderne » et « ouverte sur le monde » : création d’une division des relations internationales, création d’un service de l’informatique et du développement technologique en 1993, lancement d’un site internet en 1995.
Sa rencontre médiatisée avec Bill Gates le 5 février 1997 et ses fréquents voyages en Chine, Japon et Corée confirmeront une reconnaissance internationale d’homme politique français incontournable dans le domaine des Nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC).
Mais lorsqu’il sollicite un troisième mandat en 1998, c’est le RPR Christian Poncelet qui lui est préféré.
Affaibli par la maladie, ce faux débonnaire avait pris sa retraite politique en 2004 après avoir présidé pendant 24 ans le Conseil général de la Vienne et y avoir siégé durant 43 ans. La même année, il avait quitté le Sénat où il siégeait depuis 1968, en déclarant: « J’ai décidé d’arrêter, j’ai atteint le maximum ».
Le Père du Futuroscope
La réalisation dont il était le plus fier est le Futuroscope, près de Poitiers, où il a fait pousser en plus de 20 ans un parc d’attractions et une technopole sur des champs de betteraves, créant des milliers d’emplois. Il a présidé ce parc européen de l’image de 1987 à 2000.
Existant depuis 1987, le Futuroscope est un parc d’attraction tourné vers le multimédia, ainsi que les technologies cinématographiques, audiovisuelles et robotiques du futur. Il fut crée par René Monory dans le but de « créer les conditions les plus favorables au développement d’un département rural en perte de vitesse ».
Tout autour du parc s’est implantée la technopole du Futuroscope où sont installées 160 entreprises, ainsi qu’une université regroupant 3000 étudiants, 700 chercheurs,… D’importantes matières comme l’aérodynamique, la combustion, …, mais aussi les nouvelles technologies y sont étudiées.
René Monory lance en 1996 le premier Plan internet départemental permettant d’équiper toutes les écoles primaires et maternelles ainsi que les collèges de la ville de Vienne d’un accès à internet avec un poste informatique pour 4 élèves.
« Vulgarisateur d’idées nouvelles » comme il se qualifie lui-même, René Monory a doté son département d’une véritable locomotive économique, créatrice de richesses.
Accroché à sa conviction intime de pouvoir « changer le cours des choses », l’ancien président du Sénat déclarait: « Je ne suis intéressé que par ce que je vais faire demain. Le futur se construit chaque jour. » Parole de visionnaire.
Sources: Agence France Presse et L’Express