Invité de Dimanche Soir Politique, Dominique de Villepin a répondu ce dimanche aux questions de Jean-François Achilli (France Inter), Françoise Fressoz (Le Monde) et Michel Dumoret (I Télé).
De A comme Actifs toxiques à L comme Libertés, les principales déclarations de l’ancien Premier Ministre.
A… comme Actifs toxiques
« Dominique Strauss-Kahn l’a très bien dit. Il faut d’abord faire en sorte de combler le trou des banques. Il faut régler la crise bancaire, sachant que ce trou est évalué aujourd’hui, compte tenu des actifs toxiques, entre 2200 et 2500 milliards. Comparé aux plans de relance, c’est tout à fait considérable. (…) Nous voyons bien qu’il faudra beaucoup de confiance et beaucoup de chance pour éponger le montant de ces 2500 milliards. (…) La première étape de la gestion de crise qui est d’éponger les actifs toxiques est déjà, en elle-même, une très grande aventure et nous ne sommes pas au bout de nos peines. »
B… comme Banane
« La question, c’est que le président de la République, l’institution qu’il représente, soit capable de faire preuve non pas de banane, mais de vision, d’anticipation, de sagesse. »
« On n’attend pas d’un président qu’il soit survitaminé, on attend d’un Président qu’il soit sage », a ajouté Dominique de Villepin à l’intention de Nicolas Sarkozy.
C… comme Circonstances
« La défense de l’intérêt général, elle n’est pas seulement dans la main des élus. Moi, je n’ai pas fait le choix de ne pas être élu. Je n’ai pas été placé devant des circonstances me permettant de l’être ou me conduisant à l’être. Mais vous savez, je suis capable de rattraper le temps perdu. »
D… comme Difficultés
« Les temps vont être durs. Encore plus durs qu’ils ne le sont aujourd’hui. Pour sortir dans de bonnes conditions de la crise, nous allons devoir faire bien des efforts supplémentaires. Il faut que les Français l’acceptent. »
« Ce n’est pas pareil de soigner une angine et de soigner un cancer. Or le Monde est aujourd’hui face un cancer. Et il faut placer chacun devant cette nécessité qui est de nous donner tous les moyens d’assurer la survie de notre planète et de donner des chances à la France de passer ce cap dans de meilleures conditions. Mais rien ne sera plus comme avant. »
E… comme Exemplarité
« Que chacun dans cette crise fasse oeuvre d’esprit moral, fasse oeuvre d’exemplarité, ça me paraît normal. Et je pense que cela doit faire partie du débat politique, du débat aussi entre les grands acteurs économiques (les partenaires sociaux, le MEDEF, …). Chacun doit être conscient du fait que dans cette période, il faut faire preuve de retenue. Mais comme à l’évidence nous voyons que cela ne suffit pas, il faut faire en sorte que des excès puissent être sanctionnés. »
F… comme France dans l’OTAN
« La décision qui va être prise cette semaine de revenir dans le commandement intégré de l’OTAN est une décision lourde. Je ne fais pas de procès d’intention au Président de la République. Ce que je veux simplement dire, c’est qu’il fait un pari.
Il fait un pari qu’à partir de cette décision, nous serons plus forts pour faire avancer la défense européenne. Il fait le pari qu’à partir de cela, nous serons mieux entendus de la part de nos alliés, notamment nos alliés américains, sur l’organisation et les missions de l’Alliance, sachant que cette Alliance atlantique, elle a tendance à s’occuper de tout et bien au-delà de ce qu’est sa mission. Sachant aussi qu’elle doit faire avancer un certain nombre de règlements de crises, et notamment, on le voit, en Afghanistan.
Je pense qu’il est indispensable que la France ne considère pas qu’une fois revenue dans ce système intégré, eh bien, elle peut aveuglément faire confiance à des alliés qui n’ont pas forcément les mêmes préoccupations que nous. La France, elle a une vision à porter. »
G… comme Gouvernance mondiale
« Il y a un chantier de gouvernance mondiale, tout simplement parce qu’une grande partie des problèmes du monde auxquels nous sommes confrontés n’est traitée par personne », a déclaré M. de Villepin, quelques jours avant le G20 à Londres.
« Est-ce que nous pouvons continuer à faire confiance au dollar comme monnaie de réserve du système international, alors même qu’une grande partie de la crise est née de la possibilité donnée aux Américains de créer de la monnaie, de créer du déficit au détriment justement de cette communauté mondiale.
Et on voit bien que la Chine est aujourd’hui en situation de demander des comptes sur son épargne placée en bons du Trésor américain. Donc nous sommes devant des distorsions économiques tout à fait colossales. Le Monde a besoin de plus de contrôle, le Monde a aussi besoin de plus de justice. »
H… comme Habillage
« Si le G20 doit se conclure par peu de décisions habillées derrière des grands mots, je crois que nous sommes tous perdants. Aujourd’hui, nous avons davantage à gagner à mettre sur la table les problèmes. D’abord parce que j’attire votre attention sur le fait que la crise n’est pas derrière nous. Elle est encore devant nous et que nous ne sommes pas sûrs d’en sortir.
Il y a donc une prime aujourd’hui, sur la scène internationale, à la responsabilité. Les Etats, les Chefs d’Etats qui iront jusqu’au bout d’une logique exigeante seront seuls ceux qui sont capables d’en sortir gagnants. Tout ceux qui pensent qu’aujourd’hui il suffit d’habiller par quelques décisions hâtives, de façon à passer le cap des difficultés, se trompent. Les difficultés, elles sont bien là, elles sont devant nous et elles ne peuvent être levées que par des décisions courageuses. »
I… comme Institutions
Estimant qu’ »un bon gouvernement pour un pays, c’est quand chacun sait ce qu’il va faire », Dominique de Villepin a jugé nécessaire de faire « en sorte que les institutions travaillent ensemble, qu’aucune d’entre elles ne soit susceptible d’écraser l’autre de telle façon que nous puissions nous retrouver surexposés dans la crise, comme le président de la République l’est. »
« Les devoirs du Président et du gouvernement, c’est vis-à-vis du peuple français. Sortons de la politique politicienne. »
J… comme Justice sociale
« Les stocks-options sont censées évoluer en fonction du cours de bourse. Est-il normal qu’un patron ait une rémunération complémentaire en fonction de la simple évoution de son cours de bourse qui peut dépendre de biens d’autres facteurs que de la simple bonne gestion?
Je crois que s’il y a rémunération complémentaire, elle doit, à l’évidence, être assise sur d’autres facteurs plus rationnels, par exemple la création d’emplois, par exemple la création de richesses, par exemple un comportement vertueux sur le plan environnemental. Donc, il faut qu’il y ait une légitimité à cette rémunération complémentaire plus forte. Et je crois qu’il faut qu’il y ait un deuxième principe, au-delà d’une exigence plus virtueuse.
Il faut que cette possibilité soit offerte à l’ensemble des salariés. J’avais posé les bases de cette règle en 2006, en ouvrant la participation et en permettant notamment la distribution d’actions gratuites. Il n’est pas normal que seuls les dirigeants d’entreprises aient accès à cette rémunération complémentaire. Le résultat d’une société, ce sont l’ensemble des parties prenantes, donc y compris les salariés. Donc on doit faire oeuvre de justice et de partage au sein de l’entreprise. »
L… commes Libertés
« Je reste convaincu, dans le domaine des libertés, qu’il y a beaucoup à faire. La France est un pays qui n’a pas de leçon à donner dans ce domaine. Nous devons faire mieux, à la fois sur le plan judiciaire, sur le plan policier. Beaucoup de choses peuvent être améliorées. Et je crois que chaque fois que le Président de la République pariera sur la liberté, il en sortira gagnant.
Dans la crise, une démocratie comme la démocratie française, eh bien elle est plus rassemblée, plus soudée dès lors qu’on lui fait confiance. Et je ne crois pas que
ce soit en multipliant des lois répressives, ce ne soit pas en ajoutant de la suspicion, ce ne soit pas en réprimant dans telle et telle situation que l’on crée les conditions favorables à une sortie de crise. »
Source: Associated Press, L’Express, Boursorama, 20 Minutes et France Inter