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Le bouclier fiscal, un vrai boomerang pour Nicolas Sarkozy (2/2)

« L’idée que l’on n’abandonne pas plus de la moitié de ses revenus aux impôts fait partie de la structuration politique et idéologique du quinquennat, énonce Claude Guéant, secrétaire général de l’Elysée. La crise exige une priorité en sa faveur, mais rien ne serait pire que de renier des valeurs fondamentales parce qu’il y a la crise. »

A Saint-Quentin, le 24 mars, le chef de l’Etat a donc annoncé une nouvelle série d’initiatives, cette fois au profit des jeunes et pour compenser les dégâts causés par les restructurations industrielles. Mais il ne touchera pas au bouclier. Une mesure symbolique, dans tous les sens du terme.

Les 458 millions d’euros qu’il aura coûté, en 2008, ne sont qu’une miette à l’échelle des besoins de la crise. Mais que 834 contribuables (patrimoine supérieur à 15,5 millions d’euros) aient reçu un chèque moyen de 368 261 euros est choquant. Ainsi, les 6 % les plus riches se partagent les deux tiers des sommes restituées au titre du bouclier. Pour les techniciens de la fiscalité, ces chiffres traduisent la progressivité des impôts directs : plus on en paie, plus on est avantagé par leur baisse. Pour les manifestants du 19 mars, ils nécessitent une adaptation : les affichettes « Casse-toi, pauv’ con » sont devenues « Casse-toi, riche con ».

Le malaise a atteint quelques députés de la majorité comme Pierre Méhaignerie, président UMP de la commission des Affaires sociales, qui veut sortir la CSG et la CRDS du bouclier. L’alarme du député vaut pour aujourd’hui et, surtout, pour demain, quand il faudra augmenter les impôts : si rien ne change, les plus aisés, à l’abri derrière le bouclier, échappent à ce nouvel effort.

La France sera contrainte d’augmenter ses prélèvements

Augmenter les impôts ? A l’Elysée comme à Matignon, on estime ce débat prématuré. Une manière de l’éluder sans le nier.

Officiellement, les déficits publics sont prévus à 5,6 % du produit intérieur brut en 2009. En réalité, la barre des 6 % devrait être franchie cette année et celle des 7 % atteinte en 2010. Du jamais-vu. En bonne logique, la France sera alors contrainte d’accroître ses prélèvements. Nicolas Sarkozy s’y résoudra-t-il ?

« Le vrai clivage dans sa politique ne passe pas entre riches et pauvres, mais entre baisse ou hausse des impôts », souligne Jean-Marc Daniel, professeur d’économie à l’ESCP-EAP. « Je n’ai pas été élu pour augmenter les impôts », a prévenu le président. Au contraire, puisqu’il a promis une diminution des prélèvements obligatoires de quatre points en dix ans. Soit 68 milliards d’euros. Il a abandonné cet objectif, irréaliste, mais n’a cessé de décider de réductions ponctuelles, sous le regard effrayé de Matignon et de Bercy, partisans d’une plus grande rigueur budgétaire.

Derniers exemples en date : à l’issue d’un feuilleton commencé sous Jacques Chirac, la TVA sur la restauration va bien passer de 19,6 à 5,5 % ; la taxe professionnelle sera (très largement) supprimée sans que l’on sache par quelles recettes elle sera remplacée.

Le débat fiscal s’annonce donc comme celui de la deuxième partie du quinquennat. Mais quels impôts toucher, ceux qui frappent les revenus du travail ou ceux de l’épargne ? Ceux acquittés par les entreprises ou ceux qui touchent le patrimoine ?

Dans ce contexte, le bouclier fiscal n’est peut-être qu’une épingle dans la masse des impôts, mais une épine dans le pied de Nicolas Sarkozy.

Source: Corinne Lhaïk (L’Express)

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