« Je dirais la même chose sur le plan politique. A quoi bon aujourd’hui disperser nos efforts dans des réformes secondaires? (…)
Quand on est confronté à une menace d’une extrême gravité, il faut s’atteler à cette menace et il faut faire consensus.
Aujourd’hui, qu’est-ce que cela veut dire? Cela veut dire qu’il faut rechercher le consensus le plus large possible pour faire face à la crise.
Pourquoi se diviser sur le retour de la France dans l’OTAN? Où est l’urgence? Où est même la nécessité? Pourquoi se diviser sur la réforme du juge d’instruction?
Moderniser la France, oui. Je pense qu’il faut se préparer d’ores et déjà à se placer dans une position gagnante pour la sortie de crise, mais c’est tout à fait autre chose.
Que l’on prenne des mesures pour encourager l’innovation, que l’on crée un grand service public de l’innovation, cela va dans le bon sens. Qu’en matière de chômage, on réforme le financement de la protection sociale qui pèse trop sur le salaire et sur le travail, tout à fait. Que l’on réforme le contrat de travail, ce mille-feuilles qui ne nous donne pas les outils absolument indispensables, que l’on s’attelle à la dette, oui. Mais pas des réformes tous azimut ! (…)
On se politise inutilement, on se divise inutilement. Pourquoi se placer aujourd’hui dans une action qui donne le sentiment d’intérêts partisans là où nous devons être dans l’intérêt général? C’est l’intérêt général qui doit l’emporter, c’est la réforme pour aider les Français. Face à la crise, il faut permettre à la France de sortir gagnante de cette crise. (…)
Je crois que la politique, elle est toujours habitée par cette tentation politicienne. Par la tentation de marquer des points contre un adversaire socialiste, par la tentation de marquer des points contre une extrême-gauche.
Aujourd’hui, le meilleur service que puissent se rendre le gouvernement et le Président, c’est de défendre l’intérêt général. Et de rallier toutes les forces, toutes les forces politiques, toutes les forces sociales, toutes les forces culturelles de la Nation autour d’un même objectif.
Et pour ça, nous avons besoin de quoi, Monsieur Moati? Nous avons besoin d’être fidèles à nous-mêmes. Et c’est là où je pense qu’il faut tourner définitivement la page de la rupture.
Je pense que c’est un très bon argument de campagne électorale qui a permis à Nicolas Sarkozy de se distinguer de tous ses adversaires, de tous ses prédécesseurs. Mais ce n’est pas la réponse aux problèmes des Français.
De quoi avons-nous besoin? Nous avons besoin de nous assurer de la force de nos principes républicains. Ces principes républicains: la laïcité. Aujourd’hui, nous débattons d’un débat surréaliste: le problème des statistiques ethniques. Est-ce que nous sommes en situation aujourd’hui de nous diviser sur cette question, alors que nous avons des principes républicains forts: la laïcité, l’indivisibilité de la République. Je crois qu’il faut s’appuyer là-dessus. (…)
Je prends un deuxième exemple: l’équilibre institutionnel. On s’est essayé pendant deux ans à une hyper-présidence. A l’évidence, ce n’est pas la France. La France, elle a besoin d’équilibre. Elle a besoin d’une mobilisation générale.
On a besoin d’un Président, oui, et d’un Président fort (et grâce à Dieu, nous avons un Président qui a de l’énergie), mais nous avons besoin aussi d’un gouvernement qui joue tout son rôle, de ministres qui jouent tout leur rôle, d’un Parlement qui joue tout son rôle (…) vers un seul et même objectif: la réponse à la crise.
Voilà donc un premier élément de réponse: les principes républicains et l’équilibre institutionnel.
Il y en a un deuxième et ça aussi, c’est la France: c’est l’exigence sociale. Nous avons besoin d’un pacte républicain fort: c’est un héritage français. Nous avons besoin aussi d’être fidèles à un modèle social partagé par tous, et c’est là où nous avons besoin de justice sociale.
Parce que s’il n’y a pas d’exemplarité, eh bien, nous nous divisons, nous nous regardons, nous nous épions. (…) Nous nous reprochons les uns aux autres d’être en meilleure position. Nous n’avons pas le sentiment d’être dans la même aventure, dans la même Nation, alors même qu’il faut unir nos efforts. »
Source: Dominique de Villepin, invité de Serge Moati (Ripostes – dimanche 22 mars 2009)